Un exemple concret des politiques restrictives d'asile adoptées par les États de destination est fourni par la gestion de l’actuelle urgence humanitaire causée par la guerre en Syrie. Même dans ce cas, les États limitrophes ont accueilli le plus grand nombre de réfugiés:
550 V. Moreno-Lax, The Legality of the “Safe Third Country” Notion Contested : Insights from the Law of Treaties, in
G. S. Goodwin-Gill and P. Weck (édité par) Protection des migrants et des réfugiées au XXIe siècle, aspects de droit
international, pp. 665- 721, Brill, 2005.
551 C. Engelmann, Convergence against the Odds: The Development of Safe Country of Origin Policies in EU Member
States (1990-2013), European Journal of Migration and Law, pp. 277- 302, 2014; C. Costello, The Asylum Procedures Directive and the Proliferation Country Practices: Deterrence, Deflection and the Dismantling of International Protection?, European Journal of Migration and Law, pp. 35-69, 2005; M. Hunt, The Safe Country of Origin Concept in European Asylum Law: Past, Present and Future, International Journal of Refugee Law, pp. 500-535, 2014.
552 S.H. Legomsky, Secondary Refugee Movements And The Return Of Asylum Seekers To Third Countries: The
Meaning Of Effective Protection, International Journal of Refugee Law, pp. 567-577, 2003; M. T. Gil-Bazo, Practice of Mediterranean States in the context of the European Union’s Justice and Home Affairs External Dimension. The Safe Third Country Concept Revisited, International Journal of Refugee Law, pp. 571-600, 2006.
la Turquie, le Liban et la Jordanie abritent 90% de personnes qui fuient553. De plus, ils
hébergent les Palestiniens aussi bien que la plupart des réfugiés causés par le conflit en Irak de 2006 à 2009554. Dès lors, le nombre élevé de personnes a surchargé leur capacité d’accueil
et a mis en péril leur développement économique, la stabilité sociale et politique555. En outre,
les difficultés des pays de premier asile affectent aussi les normes de protection accordées aux réfugiés, nettement inférieures à celles établies par la Convention de Genève de 1951 -‐ dont le Liban et la Jordanie ne sont pas signataires -‐ et souvent ne comprennent pas des droits tels que l'accès au marché du travail, aux soins médicaux de base et les services publics essentiels comme l’eau et l'électricité556.
Par exemple, les réfugiés syriens au Liban représentent 30% de la population totale et leur présence constitue une menace pour le déjà fragile équilibre ethnique et religieux en pays, en modifiant les proportions entre sunnites, chiites et chrétiens557. L'instabilité politique
et sociale a considérablement réduit le commerce, les investissements étrangers et le tourisme au Liban, ce qui aggrave la crise économique déjà présente. De plus, l'augmentation soudaine de la population, en raison de l'afflux massif de Syriens, a pesé sur le manque d'infrastructures, saturant le système d'éducation et de santé national en mettant en péril l'accès à l’eau d'eau et à l’énergie par les Libanais eux-‐mêmes558. Cette situation est aggravée
par le refus du gouvernement libanais de construire des camps de réfugiés et de leur fournir un statut spécial, afin de veiller à ce qu'ils s’intègrent et deviennent résidents dans le pays. Cela a accru leur vulnérabilité, ce qui pourrait les rendre «illégaux» et victimes d'exploitation559.
La durée de la guerre en Syrie, commencé en 2011 et dont la fin semble encore lointaine, a conduit au point de saturation la capacité d'accueil des principaux pays d'asile. Plusieurs Etats ont donc invoqué la mise en œuvre du principe de partage de responsabilité en appelant les pays occidentaux à partager les coûts liés à la gestion de la crise humanitaire, afin
553 ISPI, Focus Siria: tutti i numeri dell’emergenza, 11 juin 2015.
554 P. Fargues, Europe Must Take on its Share of the Syrian Refugee Burden, But How?, Washington, The German
Marshall Fund of the United States, février 2014, pp.1-4.
555 R. Zetter, H. Ruaudel, Development and protection challenges of the Syrian refugee crisis, Forced Migration
Review, 2014, pp. 6-10; S. Al-Kilani, A duty and a burden on Jordan, Forced Migration Review, 2014, pp. 6-10 O. Dahi, The refugee crisis in Lebanon and Jordan: the need for economic development spending, Forced Migration Review, 2014, pp. 30-31.
556 S. Kawakibi, The Syrian crisis and its repercussions: internally displaced persons and refugees, Migration Policy
Centre, Research Report, 2013/03; M. Olwan, A. Shiyab, Forced Migration of Syrians to Jordan: An Exploratory
Study, Migration Policy Centre, Research Report, 2012/06.
557 ISPI, Focus Siria: tutti i numeri dell’emergenza, cit.
558 D. Aranki, O. Kalis, Limited legal status for refugees from Syria in Lebanon, Forced Migration Review, 2014, pp.
17-18.
de rendre la répartition mondiale des réfugiés plus équitables. L’Union européenne est le principal destinataire de cette requête bénéficiaire de cette demande puisque 3% du total des réfugiés syriens se situe sur son territoire, qui, à la fois, ne représentent que 0,2% de la population de l’UE560. Par conséquent, elle ne se démontre pas solidaire avec les pays de
premier asile, en dépit d'une grande capacité d'absorption de la migration en raison de sa population et son PIB561.
L’un des outils les plus efficaces de partage de responsabilité serait le transfert auprès de l’UE d’une partie de ceux qui sont actuellement bloqués dans les pays de premier asile. Une telle action permettrait d’atténuer la pression immédiate sur les systèmes de réception des États du Moyen -‐ Orient, en les encourageant à laisser leur frontières ouvertes et à améliorer les standards d’intégration des refugiés.
Il y a plusieurs mesures que l'UE pourrait mettre en place pour atteindre cet objectif: augmenter le quota de réfugiés à accueillir dans le cadre des programmes de réinstallation, faciliter les processus de regroupement familial, fournir des visas humanitaires pour ceux qui fuient la guerre en Syrie ou les exempter totalement de cette condition562. De plus, il y aurait
aussi la possibilité d'activer finalement instrument de protection juridique prévu par la directive 2001/55563, à savoir la protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes
déplacées. Instrument qui n'a jamais fait l'objet d'une décision du Conseil, car, jusqu'à présent, les conditions pour son application (définies par l’article 2 de la directive) n'ont jamais été considérées remplies564. Toutefois, les mesures prises en ce sens sont encore trop timides et
les politiques européennes récentes ont l'effet inverse, la réduction de la possibilité pour les réfugiés à accéder en toute sécurité à l'UE565. La preuve en est la diminution rapide du
pourcentage de Syriens accueillis par l'Union européenne au cours de la guerre: en 2011, l'année où la situation d'urgence humanitaire a commencé, ils représentaient un tiers du total,
560 P. Fargues, Europe Must Take on its Share of the Syrian Refugee Burden, But How?, cit. p.1.
561 C. M. Fandrich, A Comparative Study on the Asylum Landscapes within the EU for Iraqis after the 2003 Iraq War
and Syrians after the 2011 Syrian Civil War, EUI Working Papers RSCAS 2013/89.
562P. Fargues, C. Fandrich, The European Response to the Syrian Refugee Crisis What Next?, MPC Research Report
2012/14.
563 Directive 2001/55/CE, cit. Cette directive et analyse dans cette these à le chapitre II par. 2.1.1.
564 Pour préciser, la protection temporaire, qui se caractérise pour la nature immédiate et temporaire, peut être
déclenchée au moyen d'une procédure exceptionnelle, notamment si: (i) il est constaté un afflux massifs ou imminents de citoyens d'un Pays tiers dans l'Union européenne; (ii) les flux en provenance de ce pays submergent et désorganisent le système d’asile d’un État membre; (iii) les migrants ne peuvent pas être retournés dans des conditions sûres et durables en raison de la situation régnant dans leur pays d’origine.
565 E. Casale, Le mete impossibili dei migranti in fuga dall’Africa, ISPI Commentary, pp. 1-319 juin 2015; L. Hudson,
et actuellement seulement 3%566.