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Gestion de la fertilité du sol en milieu paysan après la baisse de la culture cotonnière

CHAPITRE 5 : EFFET DE LA JACHÈRE DE COURTE DURÉE SUR L’ÉVOLUTION

I. Quelques caractéristiques des exploitations agricoles et évolution des pratiques de gestion

1.3. Gestion de la fertilité du sol en milieu paysan après la baisse de la culture cotonnière

La baisse de la culture cotonnière a été traduite par la diminution du taux d’agriculteurs

appliquant d’engrais minéraux et dans une moindre mesure par les quantités appliquées par

agriculteur (Table 2). Cette diminution a été assez prononcée dans les villages du sud et du centre

qu’à l’extrême nord du pays. Dans les villages de Kpové, Agavé-Konda, Waragni et Manga, ce

sont respectivement environ 85, 40, 70 et 65% des agriculteurs interviewés qui pratiquent la

fertilisation minérale en cette phase de baisse de la culture cotonnière et pour des quantités par

agriculteur ne dépassant guère 300 kg an

1

. A Poissongui en revanche, tous les agriculteurs

interviewés continuent la fertilisation minérale avec des quantités d’engrais par agriculteur de

50−650 kg an

1

et qui sont comparables aux quantités de 50-700 kg an

1

qu’ils appliquaient en

période de production normale de coton. Ce sont également dans ces villages où la pratique de la

fertilisation minérale a fortement diminué que les amendements organiques sont quasi-absents

(Table 2).

Table 2 : Gestion en milieu paysan de la fertilité du sol, disponibilité et accessibilité à l’espace agraire

(les nombres entre parenthèses représentent les pourcentages d’agriculteurs)

Village Gestion fertilité sol Disponibilité et accessibilité à la terre

Engrais minéraux

(kg/agriculteur/an)

Amendements

organiques

En jachère

ha/agric.

Mode d'accès

Période 1 Période 2 Annuel Occasionnel Héritage Location Don Achat

Kpové 50-300

(86)

50-600

(100)

-

(Aucun)

-

(Aucun)

2 à 15

(100) (57) - (43) -

Agavé 50-300

(43)

50-400

(100)

-

(Aucun)

-

(Aucun)

1 à 4

(32) - (57) (28) (14)

Waragni 50-300

(71)

50-200

(100)

-

(Aucun)

DQ

(28)

5 à 15

(71) (57) (14) (28) -

Manga 50-275

(67)

50-400

(100)

-

(Aucun)

DQ

(22)

2 à 20

(100) (100) - - -

Poissongui 50-650

(100)

50-700

(100)

DQ

(88)

DQ

(12)

Néant

(100) (100) - - -

DQ = difficile à quantifier

Aucun des agriculteurs interviewés à Manga, Waragni, Agavé-Konda et Kpové n’effectue

annuellement des amendements organiques. De faibles apports de fumier rapportés par moins de

30% des agriculteurs interviewés à Waragni et Manga ne sont qu’occasionnels. A Poissongui en

revanche, les amendements organiques sont annuellement pratiqués par environ 88% des

agriculteurs interviewés et les 12% restants en appliquent occasionnellement. Les quantités de

matière organique correspondantes sont cependant peu précises et difficiles à quantifier. Par

agriculteur et par an, les apports de fumier et de compost effectués varieraient respectivement

entre 5 et 30 et entre 3 et 15 charrettes d’âne (Fig. 1).

Figure 1 : Charrette d’âne servant à la mesure de fumier ou de compost au nord du Togo (V ≈ 0,3 m

3

)

Au Nord du Togo, le fumier est depuis longtemps utilisé pour amender les parcelles cultivées

mais le compostage tel que observé à Poissongui a été récemment adopté. L’achat de fumier, à

700-800 FCFA la charrette d’âne, a été également adopté récemment par certains de ces

agriculteurs du nord du Togo.

La faible motivation des agriculteurs à investir au maintien de la fertilité des sols cultivés a été

partout justifiée par le caractère pluvial de l’agriculture et le prix aléatoire des produits agricoles

qui rendent très incertains les investissements. Par ailleurs, le niveau de fertilité des sols et la

relative disponibilité de l’espace agraire dans certaines localités sous-tendent cette faible

motivation. A Kpové, Agavé, Waragni et Manga où la fertilisation minérale a été fortement

abandonnée et où la fertilisation organique est quasi-absente, plus de 70% des agriculteurs

peuvent disposer de 2 à 15 ha de parcelles en jachère (Table 2). En revanche, à Poisssongui où

les agriculteurs investissent tant pour l’achat d’engrais minéraux que pour des restitutions

organiques, le niveau de fertilité des sols ne permet aucune production de céréales

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sans que la

fertilisation ne soit effectuée et la pratique de la jachère n’est plus possible. L’absence

quasi-totale des amendements organiques dans les villages du sud et du centre est due au faible

développement de l’élevage mais également à la non-intégration de l’élevage à la production

végétale. A Manga par exemple, l’élevage des bovins est développé pourtant l’amendement

organique n’est pas pratiqué. L’élevage est spécifiquement pratiqué par des peuls qui sont

      

28

Dans les villages de Kpové, Agavé-Konda, Waragni et Manga, les cultures pour lesquelles les engrais minéraux

sont apportés sont essentiellement le maïs et le coton, tandis que le sorgho et le mil doivent également être fertilisés à

Poissongui afin d’espérer une production.

1,2 m 

1 m

0,6 m

0,4 m

rarement des cultivateurs. Un dernier élément qui semble déterminer la volonté des agriculteurs à

investir au maintien de la fertilité du sol est le mode d’accès à la terre. A Agavé-Konda où près

de 80% des exploitants agricoles ne sont pas des propriétaires terriens (location et don ; Table 2),

ce sont moins de la moitié de ceux-ci qui investissent dans l’achat d’engrais minéraux. Dans

cette localité du pays, il existe une forme de location du foncier (localement appelée

’’dibi-mandibi’’) qui profite au propriétaire terrien lorsque l’exploitant agricole améliore la productivité

des parcelles cultivées. Elle consiste à partager entre l’exploitant agricole (2/3) et le propriétaire

terrien (1/3) le produit de récolte lorsqu’il s’agit des cultures annuelles ou à diviser l’exploitation

(sans cessation du capital foncier) lorsqu’il s’agit des cultures pérennes (café et palmier à huile).

S’il advenait que les plants de café de l’exploitant agricole meurent

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ou s’il déterre ses palmiers

à huile, il faudra remettre la parcelle en culture pour un nouveau partage. Enfin, il existe par

endroit (exemple à Kpové) des litiges fonciers inter-communautés qui rendent assez incertain le

statut foncier de l’exploitant agricole.

En somme, la baisse de la culture cotonnière a été traduite par la diminution du taux

d’agriculteurs appliquant des engrais minéraux, notamment dans les zones où la pratique de la

jachère est relativement possible et où le niveau actuel de fertilité des sols permet quelque

production sans fertilisation. En réponse à la baisse de la culture cotonnière, certains agriculteurs

ont adopté et/ou élargi les superficies des cultures qui sont peu risquées en raison de leur faible

sensibilité aux aléas climatiques et pour lesquelles le niveau actuel de fertilité des sols permet des

rendements justifiant leurs coûts de production qui sont relativement faibles. C’est le cas (i) du

manioc qui tolère la sécheresse, n’exige qu’un seul sarclage, sans protection phytosanitaire et

parfois sans labour (Connor et al., 1981 ; Cocket al., 1978) et (ii) des cultures pérennes qui sont

plantées sur des parcelles à fertilité marginale en cours d’être abandonnées en jachère. Dans

d’autres localités, les superficies de céréales, d’arachide (Manga et Poissongui) et d’igname

(Manga) ont été élargies en cette phase de baisse de la culture cotonnière. De nouvelles

techniques de maintien de la fertilité des sols n’ont été observées, à l’exception de l’extrême nord

du pays où l’amendement organique a été renforcé par le compostage. Enfin, il existe dans

certaines localités des modes d’accès à la terre qui sont caractérisés d’insécurisé foncière puis

découragent l’investissement dans le maintien de la fertilité des sols cultivés (Abbey et al.,

2002 ; Djeguéma, 2002).

      

29

Phénomène fréquent en raison de la présence de socles rocheux dans les premières profondeurs des sols de

cette zone.

1.4. Diagnostic de l impact de l abandon de la fertilisation minérale par certains

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