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Après avoir vu en détail les principes de compensation des pertes sanguines que sont la transfusion homologue, et son alternative, la RSPO, intéressons-nous à la gestion d’une hémorragie à proprement parler au bloc opératoire.

a. Caractériser une intervention chirurgicale à risque hémorragique

i. En général

Selon la Check-list « Sécurité du patient au bloc opératoire » de l’HAS 2018 (42), le saignement péri-opératoire est considéré comme important lorsqu’il dépasse 500 ml.

Ce volume est à différencier des pertes sanguines autorisées, calculées selon la formule : VST x (hématocrite initial – hématocrite seuil)

où VST correspond au volume sanguin total du patient (70ml/kg chez l’homme, 65ml/kg chez la femme), l’hématocrite initial représente l’hématocrite pré-opératoire et l’hématocrite seuil est l’hématocrite minimal toléré (c’est-à-dire le seuil transfusionnel) (33).

Cependant dans le rapport de la HAS (8), les groupes d’experts s’accordent sur le fait qu’il n’y a pas de définition quantitative de la chirurgie hémorragique, mais se basent plutôt sur le fait qu’il y ait une nécessité de transfusion du patient afin de maintenir une stabilité hémodynamique. La

connaissance du caractère hémorragique d’un acte chirurgical permet l’anticipation et la mise en œuvre des procédures d’épargne transfusionnelle.

ii. Dans le cas de la GEU rompue

L’évaluation du risque hémorragique se fait à la fois sur la clinique (instabilité

hémodynamique, douleur importante, défense abdominale, signes de choc hémorragique) et sur les examens paracliniques (déglobulisation, hémopéritoine massif à l’échographie).

L’hémopéritoine massif est toujours évident, faisant flotter littéralement l’utérus et les annexes, remontant dans les flancs et derrière le foie dans le récessus inter-hépato-rénal de

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Morisson. C’est souligner l’importance de ne pas omettre l’étude de la cavité abdominale, qui doit être systématique au cours de l’échographie (17).

b. Stratégie d’économie du sang

La RSPO fait partie des techniques d’économie de sang utilisées au cours ou au décours d’une intervention chirurgicale hémorragique. Ces techniques s’inscrivent dans une démarche éthique qui permet de ne recourir au sang homologue (dont l’obtention en France, est basée sur le volontariat de donneurs bénévoles) que lorsque les moyens limitant son utilisation ont été mis en jeu (8).

En effet, on constate actuellement que parmi les causes principales de complications péri ou postopératoires on retrouve l’anémie et l’hémorragie. Les sociétés savantes s’accordent sur la nécessité urgente de faire évoluer les modalités de prise en charge des patients en cas de risque hémorragique ou d’hémorragie avérée, car elles ont constaté que l’anémie était délétère pour le devenir des patients, mais que la transfusion l’était aussi, potentiellement (7). L’enjeu est donc de gérer l’anémie tout en épargnant au maximum les transfusions sanguines. Les expériences de mise en œuvre des programmes de Patient Blood Management (PBM) dans le monde, ont montré que leur déploiement est réalisable et qu’il est associé à une amélioration de la sécurité, de l’efficacité, et de l’efficience des soins : la transfusion devrait désormais être considérée comme un recours de deuxième intention. Ce Patient Blood Management correspond à une gestion personnalisée du capital sanguin. Il est actuellement recommandé par l’Organisation Mondiale de la Santé (8,43), les agences de régulation sanitaire de nombreux pays, les sociétés savantes internationales concernées par le sujet, ainsi que par la Commission Européenne (7). Parmi les multiples mesures d’économies du sang et de gestion de l’hémorragie au bloc opératoire préconisées dans ces PBM, on retrouve le fait que la RSPO devrait être utilisée chaque fois qu’elle peut limiter la transfusion et/ou l’anémie postopératoire profonde (7).

Dans la recommandation de l’Afssaps de 2002 (5), il est précisé que le volume de sang à transfuser dépend de la quantité d’hémoglobine présente dans l’unité de sang transfusé, du volume de sang total du patient, de l’hémoglobine initiale du patient, de la concentration finale tolérée d’hémoglobine pour le patient.

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L’hémoglobine visée en cas d’hémorragie au bloc opératoire est comprise entre 7 et 9 g/dl (33).

On distingue 2 types d’approches :

La stratégie restrictive : seuil transfusionnel à 7-8 g/dl si absence de signe clinique de mauvaise tolérance.

La stratégie libérale : seuil transfusionnel à 9-10 g/dl.

Les études réalisées pour comparer ces deux stratégies, montrent que l’approche restrictive réduit le nombre de patients transfusés et les quantités de CGR reçues, sans modifier significativement les taux de décès, la morbidité globale, ni les infarctus fatals ou non fatals. Ainsi, les stratégies restrictives sont estimées sûres dans la plupart des situations cliniques, et les stratégies libérales ne seraient associées à aucun bénéfice clinique supplémentaire pour les patients (7). On émet cependant certaines réserves en fonction du type de chirurgie et des antécédents du patient, notamment en cas de cardiopathie avérée, où une stratégie trop restrictive pourrait être délétère (7).

Selon Erber (44), la gestion d’un saignement peropératoire est graduelle: on aura dans un premier temps recours aux perfusions de solutés de remplissage (cristalloïdes ou colloïdes), puis les pertes sanguines seront compensées par la transfusion de culots globulaires (lorsque l’on atteint l’hématocrite seuil). La transfusion de plasma frais congelé (PFC) est proposée lorsqu’apparaissent les troubles de la coagulation, et plus tard dans la prise en charge peuvent être utilisés les concentrés plaquettaires (CP).

Les bénéfices des ratios transfusionnels élevés (1 PFC pour 1 concentré plaquettaire pour 1 culot globulaire) et des transfusions massives n’ont pas été prouvés, dans les cas où l’état hémodynamique est stable et que le saignement n’est plus actif. Rappelons par ailleurs, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, que l’apport de concentré plaquettaire augmente le risque de synthèse d’anticorps antileucocytaires et antiplaquettaires.

Les recommandations de la société européenne d’anesthésiologie (ESA) sont donc en faveur d’une stratégie de transfusion restrictive (45).

En cas d’hémorragie active, le volume des pertes sanguines doit être pris en compte dans la décision de la stratégie de prise en charge.

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A noter que concernant l’autotransfusion, 3 techniques peuvent être utilisées(8,46):

La récupération cellulaire peropératoire ou RSPO : le sang est prélevé pendant l’intervention, filtré, lavé et retransfusé dans la foulée (c’est le principe du Cell Saver et le sujet de notre étude).

Le don autologue préopératoire programmé : le sang est prélevé et stocké quelques semaines avant la chirurgie pour être retransfusé pendant ou après l’intervention. On considère le produit sanguin obtenu comme un produit sanguin labile au même titre qu’un concentré de globules rouges. Cette pratique est encadrée par l’établissement français du sang.

L’hémodilution normovolémique aiguë (ANH) intentionnelle : le sang est prélevé juste avant l’intervention chirurgicale, et le volume sanguin est restauré grâce aux produits de remplissage vasculaire. Le sang est retransfusé en peropératoire.

Les Patient Blood Management (PBM) incitent les équipes à appliquer des mesures d’économies de produits sanguins et à utiliser la RSPO chaque fois que possible.

On s’oriente ainsi de plus en plus vers une stratégie transfusionnelle restrictive, sans que cela ne modifie la morbimortalité post-opératoire.

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