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Gestion du charançon du bananier en fonction de ses prédateurs ou parasites potentiels

3. Perspectives

3.3. Gestion du charançon du bananier en fonction de ses prédateurs ou parasites potentiels

Le modèle COSMOS est également un outil exploratoire permettant de tester "virtuellement" dans un premier temps des nouvelles stratégies de lutte contre le charançon (Figure VII-1). Une approche prometteuse porte sur l'association entre un parasite et un piège à phéromone. Le nématode entomopathogène (Padilla-Cubas et al. 2010) et le champignon Beauveria bassiana (Akello et al. 2010) sont de bons candidats. La technique consiste à placer des pièges avec phéromone remplis de parasites, où les charançons viennent s'infecter puis repartent contaminer leurs congénères. Très peu d'études existent sur le sujet et le modèle COSMOS pourrait apporter des premiers éléments de réponse sur la validité de cette approche, moyennant quelques expérimentations supplémentaires qui sont exposées dans le

Tableau VII-1. En effet, il est nécessaire de connaître la probabilité de contamination de

proche en proche lorsque les individus se regroupent. D'autre part, la probabilité de contamination des adultes par les parasites est un critère clef à évaluer, de même que le temps de latence entre la contamination et la mort des individus. Ces paramètres peuvent être évalués au laboratoire sans l'aide des puces RFID. Comme les deux parasites concernés (nématode entomopathogène et Beauveria bassiana) ont des profils épidémiologiques très différents, le modèle COSMOS peut comparer leur efficacité respective dans des conditions au champ "virtuelles".

Tableau VII-1. Récapitulatif des connaissances manquantes et leur utilisation

Connaissances à acquérir Utilisation

En laboratoire:

Longévité, fécondité des adultes en fonction de la température.

Probabilité de contamination des adultes par les parasites.

Probabilité de contamination des adultes de proche en proche.

Au champ:

Mortalité des adultes en fonction de leur habitat.

Effet des variables climatiques sur l'efficacité du piégeage.

Estimation de l'efficacité du piégeage par morceaux de pseudo troncs.

Estimation du rôle des prédateurs potentiels du charançon et quantification des taux de prédations.

Meilleure estimation des intensités d'attaques.

Modélisation de l'association parasite/piège à phéromone.

Idem.

Meilleure estimation des distributions spatiales des populations en environnement hétérogène.

Possibilité de valider le modèle à l'échelle d'un réseau de parcelles piégées.

Utilisation du modèle en Afrique.

Modélisation multi-trophique du complexe bananier-charançon-prédateur.

Plus généralement, dans le domaine de l'écologie des réseaux trophiques, la question générale de la part des processus spatiaux dans la régulation d’un ravageur par ses ennemis est ouverte. En effet, la prédation d'un organisme par un autre est dépendante de l'abondance et de la dynamique spatiale des proies, des prédateurs et de la stratégie d'exploitation des proies par les prédateurs. Comment relier des mesures de déplacement ou d'occurrence spatiale de prédateurs à des pressions de prédation exercées sur un ravageur? Comment l'organisation spatiale des ressources modifie le réseau trophique d'un agroécosystème? Coupler des techniques de suivi par télémétrie à un modèle de simulation spatialement explicite permettrait de mieux comprendre les mécanismes d'interaction trophiques au sein des agroécosystèmes. Le modèle intégrerait l'ensemble des processus spatiaux d'intérêt dans le fonctionnement du réseau trophique, et permettrait de tester si les fonctions de régulations des bioagresseurs varient avec l'organisation spatiale des ressources basales des réseaux trophiques. Une simplification des espèces en groupes trophiques (ensemble des taxa ayant un régime alimentaire similaire) est nécessaire pour intégrer la notion de réseau trophique dans des modèles spatialisés (Caron-Lormier et al. 2009). Dans le cas des groupes trophiques de prédateurs, il sera nécessaire de modéliser leur comportement de recherche des proies réparties de manière hétérogène dans l'environnement. On pourra s'appuyer sur les théories de recherche optimale de ressource où l'espace est considéré implicitement ["optimal foraging

behavior" développée par Charnov (1976)] ou explicitement [distribution optimale des prédateurs pour exploiter une proie (Viswanathan et al. 1999)].

Ainsi, une thèse est actuellement en cours (Grégory Mollot, 2009-2012) afin d'estimer les capacités de contrôle de C. sordidus par des prédateurs potentiels. Dans ce cadre, le doctorant estime les taux de prédation instantanés des œufs de charançons par les fourmis, et la variation spatiale des densités de fourmis dans les parcelles. Pour intégrer ces paramètres dans le modèle COSMOS (Tableau VII-1), il sera nécessaire d'ajuster la résolution temporelle et surtout spatiale du modèle en fonction de l'échelle spatiale d'interaction entre fourmis et charançons. Les statistiques spatiales appliquées aux densités de fourmis estimées permettront de définir la taille des foyers de fourmis, et ainsi l'échelle spatiale à considérer dans le modèle. Les puces RFID peuvent également servir à estimer le rayon d'action des fourmis: en plaçant régulièrement des puces RFID enduites d'attractif alimentaire, celles-ci seront ramenées par les fourmis au nid. Sous réserve que les puces n'ont pas été enfouies trop profondément dans le nid pour ne plus être détectées, il est ainsi possible d'estimer la distance entre le nid et la position initiale de la puce et donc la surface d'approvisionnement des fourmis.

L'étude de télémétrie (Chapitre III) a révélé quelques cas de prédation de C. sordidus par des crapauds-buffles (Bufo marinus). Il serait intéressant d’évaluer l’impact de cette prédation en marquant des crapauds et des charançons avec des puces RFID (avec une fréquence différente pour chaque espèce) dans une parcelle afin de suivre leurs déplacements. La différence de fréquence permettrait de détecter les crapauds ayant ingéré des charançons. En analysant les trajectoires de chaque espèce, il serait également possible de calculer les probabilités d'intersection des trajectoires entre le prédateur et sa proie, et ainsi la pression de prédation de B. marinus sur C. sordidus.

3.4. Gestion du charançon du bananier en fonction des règles de décision des