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5.4 LA FORMATION DES ADULTES : SE FORMER EN FORMANT

5.4.7 LA GESTION DES ÉCARTS…

Cette dernière sous-thématique s’intéresse aux écarts entre les formations et les environnements dans lesquels elles se déroulent. L’analyse des entretiens permet de mettre en évidence deux catégories dont les résultats détaillés sont présentés ci-après (tableau 44) :

5.4.7.1 Gérer les écarts entre Suisse et Albanie, monde universitaire et réalité du terrain

Durant les entretiens, douze formateurs suisses ainsi que des étudiants, des responsables, des formateurs et des professionnels albanais abordent cette question sous deux angles différents : les écarts entre la Suisse et l’Albanie, et ceux entre le monde universitaire et la réalité du terrain.

5.4.7.1.1 Les écarts entre Suisse et Albanie…

Les formateurs responsables du projet veillent à aligner leur intervention sur les priorités définies par les ministères. « Le renforcement des capacités est une responsabilité qui revient aux pays partenaires, les donneurs ayant un rôle de soutien » (OCDE, 2005, p.5). La Suisse s’engage à « Aligner le soutien qu’[elle]

apport[e] .… sur les objectifs et les stratégies des partenaires en matière de renforcement des capacités, utiliser efficacement les capacités existantes et harmoniser en conséquence [son] programme d’appui au renforcement des capacités » (OCDE, 2005,

p.6). Les différences dans l’accompagnement des personnes handicapées et dans l’organisation des études universitaires sont très grandes entre les deux pays. Les difficultés socio-économiques rendent les conditions de travail dans les écoles et les institutions albanaises extrêmement difficiles, et peu comparables avec le confort et les moyens mis à disposition en Suisse. L’instabilité politique et les problématiques évoquées précédemment engendrent des problèmes d’accaparement de ressources ou de manque de motivation que découvrent les formateurs helvétiques. Ils n’y sont guère préparés mais ils font face.

Comme le suggère Dupuy (2015), les partenaires doivent être considérés comme des acteurs : Ce sont bien des acteurs collectifs – un service, une usine, un département, une catégorie [par exemple, une université…] – qui poursuivent un objectif qui leur est propre. Cette notion

"d’objectif de l’acteur" n’induit aucun jugement moral sur ce que l’acteur cherche à atteindre.

Être généreux est un objectif au même titre que s’enrichir par le vol.

Quand on est dans un contexte de travail où on cherche systématiquement à vouloir rayer l’écart, on se trouve dans des situations de travail on génère de la souffrance et du déplaisir alors que quand on est dans l’acceptation que « travailler, c’est être dans l’écart », on génère plus de plaisir et on aide les personnes à se mouvoir dans cet espace. Je me suis approprié ce modèle dans ma tête …. ce voyage en Albanie a été pour moi aussi le lieu de la mise en pratique de cela (CH1, mars 2015).

Tab.44 : Résultats : Formation des adultes, gestion des écarts

Agir par "intérêt" n’est en rien condamnable malgré la connotation péjorative du mot .…

Quels sont donc ces objectifs propres – et non pas individuels, redisons-le – que poursuivent les acteurs ? Ceux que leur environnement, leur contexte .… rend atteignables (p.79).

Quelques Suisses analysent les objectifs des divers acteurs impliqués dans le projet, afin de mieux comprendre l’écart existant entre leurs actions et celles qu’ils observent. Dupuy (2015) précise que ce sont des circonstances particulières qui poussent les acteurs à suivre tel ou tel objectif. Ce sont ces éléments que les Suisses cherchent à comprendre, notamment grâce à une meilleure compréhension du contexte local. Ils désirent mieux appréhender ce qui détermine le comportement des acteurs, au-delà de leur personnalité. Ils découvrent que parfois, des valeurs auxquels l’individu est pourtant attaché, peuvent être mises à mal dans des situations extrêmes. La mouvance collective, la nécessité de trouver des solutions satisfaisantes à court terme ou de combler des besoins urgents, façonnent les comportements des individus :

Les acteurs …. se fixent les objectifs du possible, et ce possible, c’est l’organisation à laquelle ils appartiennent qui le détermine. Voilà qui renverse la charge de la preuve, mais qui ouvre la porte à une toute autre compréhension des comportements collectifs. Nous n’avons pas affaire à des acteurs qui tireraient d’une réflexion déconnectée de leur réalité des objectifs "sympas" à atteindre .… En réalité, ils évaluent les possibilités et cherchent à atteindre ce qui est atteignable, dans le contexte dans lequel ils se trouvent, ici et maintenant (Dupuy, 2015, p.79‑80).

Plusieurs intervenants découvrent l’écart qui existe entre les réalités suisse et albanaise. Ils s’interrogent sur la pertinence de leur intervention étant donné les différences observées au niveau des croyances, des ressources humaines ou matérielles… Auraient-ils dû proposer une autre intervention, une formation plus adaptée ? Aurait-il été possible, en connaissant mieux le contexte, de proposer des enseignements plus pertinents ? Auraient-ils dû poursuivre leur intervention à plusieurs reprises ?

Les questions des formateurs suisses sont très nombreuses, que ce soit durant leur séjour en Albanie, plus tard ou durant l’interview dédié à cette recherche. Ils tirent des enseignements des écarts perçus et en construisent une véritable expérience professionnelle et personnelle.

Après coup, je me disais quand même qu’on était très loin de leur réalité dans le sens que tout ce que l’on essaie de mettre en place nous, chez nous, dépend du fait qu’une personne aveugle a un avenir chez nous .... Toute notre énergie fait que l’enfant devient adulte et on essaie qu’il soit le plus autonome possible et bon cela, ce n’est pas leur réalité ! J’ai l’impression que moi, j’avais été frappée par cela et on se heurtait à leur réalité, tout de même.

Ils disaient : "Bon, c’est bien joli ce que vous faites .…" J’avais l’impression que ça n’avait ou bien pas du tout le même sens, ou bien pas de sens. Je parle du milieu institutionnel. Ça m’a fait réfléchir à nos limites. C’était notre limite. On va avec toute notre énergie, toute notre envie … et je crois c’est quelque chose à respecter, ça fait avancer, aussi. Oui, c’est vrai que si ça avait été à refaire, personnellement, j’aurais préparé autrement. Et en même temps, je ne pouvais pas préparer autrement tant que je n’avais pas été confrontée à cette limite. C’est un cheminement normal …. Ça ne veut pas dire que je ne donnerais être pas ce que j’ai donné, mais peut-être que je le mettrais plus en lien avec quelque chose de plus réaliste pour eux. Je serai plus attentive au fait qu’on ne peut pas transposer quelque chose qui est là… c’est un peu des élans de jeunesse ! Dans la réalité, je ne sais pas… mais dans ma tête, il y avait peut-être des choses qui n’étaient pas assez en lien avec la réalité. Je ne sais pas, je n’ai pas eu assez de retours .… J’avais un grand élan d’énergie parce que je crois beaucoup à ce que l’on fait ici, mais par moment, j’avais l’impression que ça tombait un peu parfois parce qu’on y voyait pas du tout le même sens (CH9, mars 2015).

5.4.7.1.2 Les écarts entre monde universitaire et réalité du terrain Les participants relèvent que le microcosme que

constitue la SPS leur permet d’échanger, de se ressourcer, de développer une culture du travail et plus particulièrement, du travail auprès des personnes handicapées. C’est aussi un lieu d’échanges et de construction de savoirs. Sa particularité réside dans son ancrage sur le terrain de la pratique, c’est-à-dire dans les relations directes avec les personnes handicapées et le monde du travail. La démarche en anneau de Moebius évoquée par Roegiers (2012), dans lequel la face didactique alimente la face professionnelle et vice-versa, est pourtant difficile à mettre en œuvre : relier les aspects pratiques et académiques n’est pas une démarche habituelle à l’université.

Dupuy (2015) évoque le mythe de la référence au terrain :

Le terrain est un mythe. Il fait l’objet de crainte ou d’admiration, mais il reste un mythe .…

Mais curieusement, plus on en acquiert la possibilité et plus on s’éloigne de lui, comme s’il était plus noble de le gérer par la réflexion que par l’action. Chacun sait que, en accroissant leur qualification, les enseignants gagnent le droit de réduire leurs contacts avec les élèves (p.190).

Propos provocateurs ? Les intervenants helvétiques affrontent parfois ces tensions : découvrir un terrain particulier, et surtout, renforcer le lien entre les cours théoriques et la pratique, démarche à laquelle ils ne sont pas tous confrontés dans leurs enseignements en Suisse.

Dans leur pays, leur statut de formateurs d’adultes a également tendance à les éloigner de la pratique. Certains en prennent davantage conscience. Quelques-uns se soucient de leurs collègues albanais. En effet, il est nécessaire que les futurs formateurs albanais puissent bien connaître la pratique afin d’éviter un simple discours sur. Aborder la pratique professionnelle à leur côté, constitue un bon moyen de relever des défis, de mettre en place des projets stimulants et d’apprendre les uns avec les autres, les uns des autres. Ainsi, certains intervenants helvétiques se rapprochent à nouveau de la pratique dans laquelle ils ont eu auparavant une grande expérience.

Dupuy (2015) affirme également que : « Connaître le terrain, c’est donc toucher au cœur du métier, bénéficier d’une expérience irremplaçable et acquérir une légitimité précieuse pour l’avenir » (p.189). Le contact avec le terrain rassemble les partenaires. Ils touchent au cœur de la profession d’enseignants, d’éducateurs, d’interprètes ou de formateurs d’adultes. Ainsi, filtrés par les échanges, soutenus par des dispositifs d’encadrement (formation des jeunes professionnels…), les écarts s’apprivoisent : « On a beaucoup parlé de l'idéal durant la formation. Trop peut‐être, mais en même temps c'était important. L'arrivée dans le travail a été un vrai choc. C'était très difficile » (ALBEtud, juin 2014). Un autre ajoute même : « Au début, dans la pratique, c'était très difficile. J'ai souvent eu envie d'arrêter ce métier, mais grâce au soutien des autres, j'ai continué » (ALBEtud, juin 2014). Les Suisses et les participants aux formations partagent leurs doutes ou leurs inquiétudes. Parfois, les formateurs relaient les difficultés évoquées à d’autres niveaux (directions, ministères…). « Les responsables du projet travaillaient dans le souci de demeurer en lien direct avec le difficile terrain du handicap en Albanie et si des actions politiques, bureaucratiques les dérangeaient, ils élevaient la voix et défendaient leurs valeurs » (ALBForm, juillet 2014).

Je me suis dit, il y a un écart à mon avis entre

"être à l’uni et suivre les cours" et ensuite devoir être (parce que c’est là que je l’avais vu peu de temps après dans les institutions) dans l’institution, sur le terrain et devoir faire avec les moyens du bord. Ce sont deux mondes ! L’université, c’est le luxe de la réflexion, voire de l’évasion dans la tête et sur le terrain en Albanie, c’est le quotidien le plus ras-terre ….

Donc je me suis demandé dans quelle mesure [les étudiants] s’y retrouvaient … autour des apports universitaires et après, l’écart avec le terrain …. Comment ils arrivent à appliquer un bout de cela dans le quotidien (CH3, mars 2015) ?

La question du décalage entre les valeurs, les pratiques et les attitudes est discutée durant les formations. Il s’agit d’apprendre à vivre avec cette tension. Car comment continuer à promouvoir des valeurs systématiquement remises en question dans quelques lieux de pratique professionnelle ? Un étudiant albanais confie : « Certains professeurs étrangers ont dû revoir leurs théories récentes en fonction de notre réalité (qui est celle de chez eux, il y a 20 ou 30 ans). Ils ont donc dû revenir à certaines choses, adapter » (ALBForm, juillet 2014).

Plusieurs Suisses s’interrogent sur la façon de soutenir les apprenants face à l’écart qu’ils constatent entre les pratiques de terrain (parfois inacceptables) et celles qu’ils souhaitent mettre en œuvre. Ils sont attentifs aux risques qu’encourent certains participants aux formations, tels qu’un éventuel rejet du milieu professionnel ou des jalousies. Ils optent pour des espaces et des temps d’échanges organisés durant leurs cours. Les occasions de travailler sur les écarts entre monde universitaire et celui du travail sont ainsi nombreuses.

De nombreux étudiants et professionnels albanais relèvent l’importance du suivi et de la médiation offerts par les formateurs albanais et suisses : Cela modifie leur façon d’appréhender leur travail : « J'ai des utopies, je vois loin et parfois, on comprend difficilement ma position. Je me sens parfois différent des autres professionnels. J'en suis fier, mais ce n'est pas facile dans le quotidien » (ALBEtud, juin 2014). Les formateurs des deux pays assument une mission de reliance entre milieu universitaire et pratique professionnelle. Pour plusieurs Suisses, l’importance de l’articulation théorie-pratique est confirmée. Un équilibre doit être trouvé entre savoirs académiques et pratique professionnelle. La gestion des tensions vécues par les apprenants, au retour des stages, est un défi : « Parfois, dans certaines institutions d'Etat, on avait l'impression qu'ils auraient mieux aimé qu'on

soit ailleurs plutôt que chez eux en stage. Ça les dérangeait » (ALBEtud, juin 2014). Les formations s’inscrivent dans une perspective d’alternance interactive, soit dans l’alternance de situations de formation (learning by teaching) et de situations de formation en contexte réel (learning by doing), visant des objectifs professionnalisants (Roegiers, 2012). Certains intervenants doivent combler l’abîme séparant cours et pratique de terrain. En effet, les étudiants accueillent parfois théoriquement leurs propos, mais sont opposés à les mettre en œuvre ! C’est le cas des mathématiques à l’égard des enfants handicapés, ou des pratiques de partenariat avec les familles. Quelques formateurs encouragent la confrontation avec la réalité et accompagnent les étudiants, en tenant compte de leurs craintes.

Sur le plan théorique, Veillard (2012) constate que les difficultés des apprenants s’expliquent.

Ils découvrent des contraintes ou des prescriptions institutionnelles contradictoires, des difficultés sur le plan organisationnel, des obstacles en termes épistémologiques ou psychosociologiques.

Et là, on leur a appris qu’ils allaient souffrir aussi, c’est sûr… Il fallait qu’ils se préparent à beaucoup de souffrance mais que les rencontres qu’ils feraient, l’enthousiasme qu’ils pourraient avoir à les faire, ils rencontreraient toujours suffisamment de monde pour perpétuer cet enthousiasme et en vivre eux-mêmes.

"Tant pis pour les autres", comme on dit, on n’est pas là pour juger, on tâche de faire que les choses avancent. On n’est pas des victimes d’un complot ou d’un système méchant, c’est plutôt comme disait Platon : "C’est l’ignorance qu’il faut combattre…"

(CH12, mars 2015).

D’avoir essayé de mettre en pratique avec les élèves de l’institution à côté, durant la même semaine, j’ai l’impression que ça faisait peut-être sens sur le moment mais je n’avais pas trop de certitudes après sur la durée. Est-ce qu’ils allaient vraiment en tenir compte ? Il y avait un hiatus avec les éducatrices qui s’occupaient des enfants pour qui ça ne faisait pas sens. Pour eux, le sens, c’était que ça soit propre, rangé …. Donc je ne suis pas sûre qu’avec eux, on pouvait si vite atteindre des objectifs pareils. Même si ça s’adressait aux étudiants plus qu’à ces éducatrices, c’était aussi assez incongru pour les étudiants. Dans mon souvenir, on voyait que ce n’était pas encore des praticiens, on voyait qu’ils n’avaient pas encore l’idée de comment mettre en place le travail, mais ça l’était encore plus pour les éducatrices qui n’avaient pas une vocation d’éducatrices. Elles avaient une vocation de soins, de surveillance (CH25, avril 2015).

Ils peinent à maintenir une certaine cohérence entre les connaissances qu’ils ont construites et la pratique professionnelle. De plus, ils semblent même parfois « être considérés comme une main-d’œuvre bon marché » (p.160), ce qu’évoquent également certains étudiants albanais : « Parfois, la collaboration était difficile avec les éducatrices : peur qu'on perturbe leur travail, qu'on désorganise tout. Elles devaient nous accepter : on travaillait à leur place, elles étaient tranquilles, elles ne considéraient pas notre travail » (ALBEtud, juin 2014). Depuis longtemps, nombreux sont les auteurs, les groupes ou les gouvernements qui affirment l’importance de relier éducation et monde du travail (Delors et Unesco, 1996).

Pour Lessard et Meirieu (2008), les tâches des universités sont multiples : demandes de formations exprimées par les individus et demandes sociales en termes de ressources humaines hautement qualifiées, de diffusion de nouvelles connaissances et de technologies.

Pour cela, plusieurs interventions gouvernementales peuvent être nécessaires sur le plan social, notamment :

• renforcer et intensifier les interactions entre universités et acteurs sociaux ;

• encourager les universités à développer des expertises, des partenariats et à échanger leurs connaissances avec la société ;

• soutenir les efforts des universités dans la contribution au dynamisme communautaire ;

• favoriser le rayonnement international des universités et sensibiliser les étudiants à cette dimension internationale ;

• encourager la recherche dans l’identification et la résolution des problèmes sociaux ;

• stimuler le transfert des connaissances et l’utilisation des résultats de la recherche, notamment dans les sciences sociales et humaines ;

• soutenir l‘intégration des étudiants dans le marché de travail.

Les interactions entre université et acteurs sociaux sont appréciées par de nombreux Albanais :

« L'alternance formation théorique-formation pratique, issue de l'expérience suisse, est complètement nouvelle pour le monde universitaire albanais. C'est un modèle très intéressant pour la réalité de notre pays et qui s'est avéré pertinent » (ALBResp, juillet 2014). Mais l’enthousiasme ne suffit pas, comme le découvrent les intervenants helvétiques. L’écart se creuse entre ces deux univers, lors de la reprise du projet en mains albanaises. Quoique reconnue comme importante et indispensable, la mise en œuvre de l’alternance est supprimée lorsque de nouveaux partenaires albanais – non formés – assument la poursuite des formations. L’instabilité politique réduit à néant, pour une période donnée, un concept de pratique universitaire jugé pourtant essentiel par tous les partenaires. En effet, comme le souligne ce responsable albanais : « A l'heure actuelle, les étudiants n'ont presque plus de pratique et se sentent moins prêts à travailler » (ALBResp, juillet 2014).

5.4.7.2 Envisager différemment ses enseignements en Suisse

Lors des interviews, des formateurs albanais ainsi que six Suisses évoquent cette catégorie. Quelques–uns se basent sur l’expérience vécue en Albanie pour réaliser un travail d’études ou un complément de formation. Leur intervention constitue une réelle plus-value professionnelle : les Suisses développent des savoirs qu’ils réintègrent dans d’autres formations. Ce qu’ils ont appris en Albanie est ainsi réinvesti dans d’autres situations d’enseignement.

J’avais une possibilité incroyable [en Albanie] car cette formation n’est pas dans le cursus de base en Suisse pour les enseignants spécialisés : donc c’était fantastique ! Quand je pense aux étudiants en Suisse, je pense toujours aux postgrades des physiothérapeutes, des enseignants ou des éducateurs …. alors que là, c’était inclus dans la formation de base. Donc cela, c’était excellent ! N’empêche que quand je donne des cours ici, les commentaires, c’est de dire : "C’est très concret, ce serait utile d’avoir des outils comme cela déjà depuis des années…" (CH13, mars 2015).

Pour d’autres, cette expérience les questionne à propos des plans d’études proposés en Suisse.

Pour Bézille (2000), les échanges entre cultures permettent aux individus de se confronter à des cadres de référence différents, ce qui stimule « le développement d’une "pensée relationnelle" favorable à une formation par le questionnement réciproque » (p.280). Les partenaires peuvent découvrir des philosophies et des logiques d’action variées, susceptibles d’influencer leur propre manière de faire et de penser.

« Le regard sur l'autre réalité éducative permet une décentration par rapport à sa propre réalité et en donne une vision plus objective » (Groux, 2000, p.7). La fréquentation d’autres systèmes de référence permet ainsi de mieux analyser et comprendre le fonctionnement de son propre système. Grâce à leur intervention aux pays des aigles, des formateurs helvétiques envisagent différemment leurs enseignements en Suisse. Ils modifient leur manière de

« Le regard sur l'autre réalité éducative permet une décentration par rapport à sa propre réalité et en donne une vision plus objective » (Groux, 2000, p.7). La fréquentation d’autres systèmes de référence permet ainsi de mieux analyser et comprendre le fonctionnement de son propre système. Grâce à leur intervention aux pays des aigles, des formateurs helvétiques envisagent différemment leurs enseignements en Suisse. Ils modifient leur manière de