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Critères d'identification des boues hémipélagiques:

VII. Les sédiments ferrifères

2. GEOCHIMIE ET PETROGRAPHIE

On considère actuellement que la principale source de fer pour le bassin océanique est l'altération continentale des roches basiques et des sols latéritiques. Dans les conditions Eh et pH de la majorité des eaux de surface, le fer est à l'état Fe+++, largement insoluble. Sa concentration en solution est dès lors très faible, de l'ordre de 1 ppm pour l'eau de rivière et de l'ordre de 0,003 ppm pour l'eau de mer. Trois mécanismes de transport du fer sont envisageables:

- sous la forme de films d'oxyde sur des particules détritiques;

- en liaison avec la matière organique;

- sous la forme de suspensions colloïdales d'hydroxydes qui précipitent par floculation lors du mélange des eaux fluviales et marines.

Une fois déposé, le fer peut être remis en solution dans le sédiment si les conditions Eh-pH sont appropriées et être ensuite reprécipité sous la forme de minéraux ferrifères. La Figure VII.1 donne les conditions de stabilité de ces minéraux en fonction de l'Eh, du pH, de l'activité de S= (pS2- =-log [S2-]) et de la pression partielle de CO2. (Rappelons qu'un des principaux facteurs affectant l'Eh des eaux est la teneur en matière organique: sa décomposition bactérienne consomme de l'oxygène et génère des conditions réductrices). D'après ces diagrammes, on peut voir que

l'hématite est la forme stable dans des conditions modérément à fortement oxydantes, c-à-d dans un sédiment pauvre en matière organique. Pour les minéraux comprenant du fer ferreux, les champs de stabilité sont fortement dépendants de la PCO2 et de la pS2- de la solution. Dans les sédiments marins, le soufre est généralement disponible par la réduction bactérienne des sulfates et c'est la pyrite ou la marcassite qui se forment;

les carbonates de fer sont rares.

4 FeOOH + 4 SO

4=

+ 9 CH

2

O −> 9 HCO

3-

+ H

+

+ 6 H

2

O + 4 FeS

FeS + H

2

S −> H

2

+ FeS

2

En environnement météorique (eaux douces), ce n'est pas le cas et les carbonates de fer sont plus fréquents. Cependant, même en milieu marin, si tout le soufre est consommé, de la sidérite peut aussi se former. Un bon exemple est la cristallisation de sidérite dans certains marais intertidaux actuels. Le développement des silicates de fer (glauconite,...) est encore sujet à hypothèses. Ajoutons enfin que beaucoup de ces réactions d'oxydation et de réduction sont catalysées par la présence de populations microbiennes.

Figure VII.1A: diagramme Eh-pH de stabilité du fer ferrique, du fer ferreux, de l'hématite, de la sidérite, de la pyrite et de la magnétite. Ce diagramme montre que l'hématite est le minéral stable dans les environnements modérément à fortement oxydants. Pour des minéraux comme la pyrite, la sidérite et la magnétite, stables en environnement réducteur, les champs de stabilité sont fortement dépendants du pH, mais aussi des concentrations en CO32-

et S2-. Le cas illustré par le diagramme est celui d'une solution riche en CO3

2-et pauvre en S2-. Dans le cas inverse, le champ de stabilité de la pyrite s'étend pour occuper la presque totalité de la partie inférieure du diagramme.Lorsque à la fois CO32-et S2- sont en faible concentration, c'est le champ de la magnétite qui s'accroît. B et C: champs de stabilité des minéraux ferrifères en fonction (B) de l'Eh et de pS2- (-log de l'activité de S2- ) et en fonction (C) de l'Eh et de PCO2. D'après Garrels & Christ (1967), Krauskopf (1979) et Berner (1971), cités par Tucker (1991).

D'un point de vue pétrographique, l'hématite (rouge vif en réflexion) se présente surtout en ooïdes et imprégnations secondaires de fossiles, sauf dans les BIF's où elle peut former des lamines ou des niveaux massifs. La goethite (couleur jaune brunâtre) forme en général des ooïdes. La limonite, un mélange de goethite, d'argiles et d'eau, est un produit de l'altération subaérienne des oxydes de fer.

La sidérite remplace généralement des ooïdes et des bioclastes et peut former des ciments. On observe soit des cristaux de grande taille à clivage rhomboédrique (comme la calcite), soit des micro-rhomboèdres de taille micronique, soit encore des fibres regroupées en sphérulites.

La pyrite est facilement reconnaissable par ses cristaux cubiques et sa couleur jaune vif en réflexion; elle peut former des agrégats de microcristaux appelés "framboïdes". La marcassite n'est fréquente qu'en nodules dans les craies et les charbons.

Les silicates de fer: les plus importants sont la berthierine-chamosite, la greenalite et la glauconite. La berthierine est un phyllosilicate du groupe des serpentines (espacement réticulaire de 7 Å), riche en fer, tandis que la chamosite est une chlorite (espacement réticulaire de 14 Å), avec Fe++

comme cation principal dans les sites octahédriques. La berthierine est un minéral primaire qui se transforme en chamosite à partir de 120-160°C.

Donc, si les sédiments ferrifères les moins anciens contiennent souvent de la berthierine, à partir du Paléozoïque, on ne trouve plus que la chamosite. Berthierine et chamosite (toutes deux vertes et à faible biréfringence) forment souvent des ooïdes dans les sédiments ferrifères phanérozoïques. Contrairement aux ooïdes aragonitiques, ces corpuscules paraissent être demeurés mous au cours de la diagenèse précoce. On observe en fait fréquemment des ooïdes fortement déformés, voire même des fragments d'ooïdes déformés formant le nucleus d'autres ooïdes.

Les conditions de formation de ces ooïdes sont mal connues, mais on pense que la berthierine précipite directement dans le sédiment en milieu anoxique pauvre en soufre.

La greenalite est un minéral probablement très proche de la berthierine-chamosite, verte et isotrope. On la trouve généralement en péloïdes, mais on ne sait pas s'il s'agit d'un minéral primaire.

La glauconite est un alumino-silicate de fer et potassium avec un rapport Fe+++/Fe++ élevé. Certaines glauconites (dites ordonnées) sont des phyllosilicates de type illites, mais la plupart forment des interstratifiés avec la smectite. La glauconite est généralement observée sous la forme de péloïdes, de couleur verte, souvent pléochroïque et d'aspect microcristallin. La glauconite est fréquente dans les sables et grès et elle se forme actuellement sur beaucoup de plates-formes continentales, à des profondeurs de quelques dizaines à quelques centaines de mètres, dans des zones à sédimentation ralentie (au point de vue séquentiel, elle souligne souvent les "surfaces d'inondation maximales"). Comme pour les autres

silicates de fer, il s'agirait d'un milieu anoxique pauvre en soufre.

"Calcarénite" à grains de glauconie (Cénomanien, Bettrechies). A: lumière naturelle; B: nicols croisés: remarquer l'aspect polycristallin des grains.