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Genres musicaux : préférences lycéennes, quelle convergence ?

Après avoir décrit la manière dont les lycéens écoutent de la musique, il est possible d’ap-préhender le contenu musical qu’ils écoutent. L’enquête a permis d’interroger les lycéens sur leur goût pour de nombreux genres musicaux, en l’exprimant à travers une simple échelle d’ad-hésion : beaucoup, assez, peu, pas du tout. L’expression des goûts musicaux est une manière efficace d’interroger le rapport des individus aux production culturelles, en particulier aux pro-ductions légitimes. L’expression des goûts musicaux peut être comprise de deux manières.

D’une part, c’est un indicateur de l’adhésion des lycéens à certaines normes esthétiques en matière de musique, ces dernières contribuant à hiérarchiser les œuvres culturelles et donc à définir des œuvres légitimes. D’autre part, elle peut constituer un acte d’affiliation à un groupe social par l’affirmation d’un goût commun, ce qui prend tout son sens dans un contexte scolaire où les sociabilités et groupes sociaux se construisent massivement sur ce principe-là. Il s’agit donc autant de marquer sa différence à d’autres groupes que sa conformité à des codes com-muns. On souhaite donc ici interroger à la fois la convergence des goûts lycéens, en identifiant des genres musicaux massivement privilégiés ou rejetés, mais aussi leur hétérogénéité et les ressorts de cette hétérogénéité.

13%

Pas du tout Peu Assez Beaucoup Base : amateurs de musique

Figure 43 • Appréciation des genres musicaux

78 En ce qui concerne la convergence des goûts musicaux dans une grille de lecture commune à la jeunesse lycéenne de l’enseignement agricole, que l’on s’intéresse seulement à la part des lycéens qui déclarent apprécier “beaucoup” les différents genres musicaux, ou que l’on addi-tionne la part des lycéens qui ont coché “beaucoup” et “assez”, les résultats sont les mêmes.

Les genres musicaux les plus appréciés sont le hip-hop, la chanson française, les bandes origi-nales de films, la pop, la musique électronique et les musiques du monde. Le hip-hop, en par-ticulier, emporte le plus d’adhésion avec 46% de lycéens l’appréciant “beaucoup”, loin devant les autres genres (les bandes originales arrivant en second avec 31% d’adhésion forte). À l’op-posé, certains genres musicaux font consensus quant au rejet qu’ils provoquent : l’opéra (86%

n’aiment “pas du tout”), très nettement devant la musique classique (64%), le jazz et le blues (62%), puis le métal/hardcore et les musiques traditionnelles. Ces résultats confirment les études existantes sur les goûts lycéens et les tendances contemporaines de l’industrie musi-cale : les goûts et dégoûts des lycéens sont en nette rupture avec les productions les plus légi-times et traditionnelles, et cette rupture s’opère plus nettement par le rejet (dégoût) de certains genres musicaux légitimes que par l’adhésion unanime des genres alternatifs.

En croisant les partenaires d’écoute musicale (notamment les parents et les amis) avec les genres musicaux appréciés, on découvre que ceux qui écoutent de la musique (non-exclusive-ment) avec leurs parents sont plus susceptibles d’aimer les bandes originales, de mé-tal/hardcore et les musiques traditionnelles, tandis que ceux qui écoutent de la musique (non-exclusivement) avec leurs amis sont plus susceptibles d’aimer le hip-hop, le reggae et le RnB.

On peut faire une première hypothèse : ce résultat est la preuve que la persistance d’une so-cialisation parentale dans le domaine du jugement esthétique musical augmente les chances d’apprécier des genres moins appréciés de l’ensemble des lycéens, mais surtout diminue les chances d’apprécier des genres caractéristiques de la période adolescente.

64%

18%

65%

35% 35%

30% 29%

53%

10%

82%

26% 26%

39% 39%

BO Classique Hip-hop, rap

Métal, hardcore

Musiques trad.

Reggae Rnb

Avec tes parents Avec des amis Base : échantillon

Figure 44 • Genres musicaux et partenaire d’écoute

79 Comment peut-on essayer d’expliquer les goûts musicaux des lycéens ?

On peut, en premier lieu, distinguer des goûts plutôt masculins et des goûts plutôt fémi-nins. Ainsi, les garçons sont plus susceptibles d’apprécier les musiques électroniques (différence la plus nette), les bandes originales, le métal et le rock que les filles, tandis que ces dernières sont plus susceptibles d’apprécier le RnB (différence la plus nette), la pop, les musiques du monde et la chanson française.

On peut, en second lieu, constater que les genres musicaux sont, aussi, inégalement ap-préciés en fonction de l’origine sociale (ou, de la filière scolaire, qui la recoupe plus ou moins) : le jazz et les blues, les bandes originales, la musique classique ou encore le rock semblent plus appréciées par les milieux favorisés que par les milieux défavorisés, tandis que les milieux dé-favorisés semblent plus apprécier le hip-hop.

Cependant, quand on essaie de tenir ensemble ces deux facteurs explicatifs (le genre et l’origine sociale), il s’avère que les goûts musicaux sont classés différemment entre filles et gar-çons. Ainsi, alors que le hip-hop est un genre apprécié par les garçons de tous milieux sociaux, il est plutôt apprécié par les filles de milieux populaires. De même, alors que la musique clas-sique et le rock sont appréciés dans les mêmes proportions par des filles de tous milieux so-ciaux, ils sont plus appréciés par les garçons de milieux favorisés que par les garçons de milieux populaires.

Ensemble considéré Position sociale

Garçons Mixte/Ensemble Filles

PCS +

Tableau 4 • Position sociale des genres musicaux en fonction du genre de l’élève

Le tableau ci-dessous résume ce croisement entre origine sociale et genre, en donnant la position sociale de chaque genre musical selon le sexe du lycéen (la colonne du milieu indique que la position sociale du genre musical considéré ne dépend pas du sexe des lycéens).

Les enfants issus de milieux ruraux, en particulier les enfants d’agriculteurs, présentent quelques spécificités. D’une part, ils consomment un peu moins de métal, de rock (en particulier les garçons) et de reggae (en particulier les filles) que les autres milieux sociaux, et moins de

80 hip-hop. En parallèle, ils consomment plus de musiques traditionnelles et de musiques du monde. D’autre part, ils ne sont pas plus nombreux à apprécier les musiques électroniques, mais on y trouve un noyau plus important de “fans” de musiques électroniques : 30% d’entre eux aiment "beaucoup", contre 23% pour l’ensemble des lycéens. Ce résultat semble coïncider avec leur plus grande probabilité de fréquenter les boîtes de nuit.

81

4 L’audiovisuel

Les analyses suivantes s’intéressent à la consommation de contenus audiovisuels par les lycéens de l’enseignement agricole. Cette enquête a abordé ces pratiques de trois manières : la consommation de télévision, la consommation de vidéos, et la consommation plus spécifique de films et de séries. Ces trois pratiques se recoupent évidemment : les films et séries sont susceptibles d’être consommés à la télévision ou sur d’autres supports, communs à la consom-mation de vidéos, tandis que la télévision est susceptible d’être consommée sur d’autres sup-ports qu’un traditionnel poste de télévision. Cette triple approche a le mérite d’interroger les frontières de pratiques qui tendent à se brouiller entre médium et contenus.

Nous aborderons successivement chacun de ces ensembles, puis nous en tirerons quelques enseignements transversaux.