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Chapitre 1.1 Les Sapindaceae

1.1.4 Le genre Blighia

Le genre Blighia (Sapindaceae, sous-famille Sapindoideae) inclus plusieurs espèces d’arbres originaires d’Afrique équatoriale. Le nombre d’espèces est sujet à discussion. Certaines sources mentionnent trois espèces bien que la base de données online The Plant List, utilisée comme référence en sciences végétales, accepte l’existence de six espèces (Penders et al., 1989 ;

Figure 5. Les Sapindaceae ornementales Koelreuteria paniculata (savonnier) et Acer palmatum (érable japonais).

1. Koelreuteria paniculata, arbre entier ; 2. Koelreuteria paniculata, inflorescence ; 3.

42 theplantlist.org, lien 6). Le nom de genre « Blighia » viendrait du capitaine de marine William Bligh, qui l’aurait introduit dans un jardin botanique britannique à la fin du XVIII -ème siècle (Sinmisola et al., 2019).

Botaniquement, les espèces de Blighia sont des arbres dont la taille maximale est comprise entre 25 et 40 mètres. Le tronc est cylindrique et droit, souvent dépourvu de branches jusqu’à une certaine hauteur. L’écorce est lisse et de couleur grise, marron à vert foncé selon les espèces. L’intérieur du tronc est de couleur marron, jaune, orange ou rouge pale. La couronne est dense et souvent arrondie. Chez toutes les espèces décrites, les jeunes rameaux sont orange et velus puis deviennent rapidement glabres et marron. Les feuilles sont de disposition alternée. Celles-ci sont de composition paripennée, composées de deux à cinq paires de folioles. Les folioles sont opposées et, selon les espèces, de forme elliptique, oblongue ou obovale. Celles-ci peuvent atteindre des dimensions impressionnantes de l’ordre de 40 centimètres de long pour 13 centimètres de largeur mais sont souvent beaucoup plus petites. Les jeunes folioles sont colorées puis deviennent rapidement vert foncé, glabres et coriaces, rappelant la feuille de laurier de par leur couleur et leur texture. Les fleurs sont unisexuées, pentamériques, petites, régulières, pubescentes et organisées en grappe. Elles sont de couleur blanche, jaunâtre ou verdâtre selon les espèces, toutes sont parfumées et sans pétales. Il y a un fort dimorphisme entre les fleurs mâles et femelles, les premières disposent d’un ovaire rudimentaire tandis que les secondes présentent des étamines fortement réduites. Les fruits sont des capsules trilobées n’excédant pas la taille du poing, généralement piriformes dont la couleur est jaune, orange ou rouge à maturité. Ils renferment trois graines ovoïdes, marron foncé à noires, d’aspect lisse et brillant faisant penser aux graines du litchi. Celles-ci sont maintenues au reste du fruit par une arille charnue comestible et riche en lipides qui constitue tout l’intérêt des Blighia spp. sur le plan agroalimentaire (Asamoah et al., 2010 ; Obeng, 2010a ; Obeng, 2010b).

L’espèce du genre Blighia la plus connue est de loin Blighia sapida. Bien qu’originaire d’Afrique comme tous ses congénères, Blighia sapida doit sa notoriété à la culture antillaise et plus particulièrement la culture jamaïcaine. L’arbre aurait été introduit en Jamaïque vers la fin du XVIII -ème siècle, probablement par un navire esclavagiste en provenance d’Afrique. L’espèce se serait alors rapidement acclimatée, puis elle aurait été volontairement dispersée et cultivée par la population de l’île pour la grande quantité de fruits produite (Rashford, 2001). Les fruits de

43 derniers sont localement désignés par le terme « ackee » qui désigne à la fois la plante et le fruit. Ils entrent dans la composition de nombreux plat locaux dont le plat national, composé d’une friture d’ackee, de morue et de divers épices et aromates (Rashford, 2001 ; Emanuel, 2017 ; Sinmisola et

al., 2019). Seuls les arilles charnus sont comestibles et ceux-ci doivent être consommés quand le

fruit arrive à maturité sous peine d’une forte toxicité. Plusieurs évènements d’empoisonnement ont été rapportés en Jamaïque et en Afrique suite à la consommation de fruits immatures. Cette affection, connue sous le nom de maladie des vomissements de la Jamaïque, affectent surtout de jeunes enfants et entraine des vomissements, une fatigue généralisée, un état de conscience altérée et parfois la mort (Asamoah et al., 2010 ; Mazzola et al., 2011). La maladie a depuis été liée à deux acides aminés toxiques, l’hypoglycine A et B, dont la concentration dans le fruit décroit avec l’état de maturité de ce dernier. Dans l’organisme, ces deux composés altèrent le métabolisme des glucides, notamment la néoglucogénèse et la β-oxydation des acides gras, conduisant à une hypoglycémie sévère (Hassall et Reyle, 1954 ; Von Holt et al., 1966). L’ingestion de sucre jusqu’à trois heures après la prise d’ackee immature pourrait limiter les symptômes. Les autres méfaits associés à la consommation inappropriée d’ackee sont des anomalies congénitales et des réactions allergiques chez les personnes présentant un historique connu d’allergies alimentaires et d’anaphylaxie (Sinmisola et al., 2019). De nombreuses études sur la maladie des vomissements de la Jamaïque ont été conduites. Celles-ci ont probablement participé à populariser l’espèce

Blighia sapida dans la culture scientifique et académique. C’est également l’espèce de Blighia la

plus intéressante sur le plan économique. De nombreux produits dérivés de l’ackee sont produits et exportés, principalement depuis la Jamaïque vers la Canada, les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Ce commerce représenterait un bénéfice à l’export de 15,3 millions de dollars américains en 2013 en Jamaïque (Sinmisola et al., 2019).

44 Sur son continent d’origine, les utilisations des espèces du genre Blighia sont avant tout locales et concernent la médecine traditionnelle africaine, le bois de construction et dans une moindre mesure, le caractère ornemental et l’alimentation. Les Blighia sont des plantes importantes pour la médecine locale et sont utilisées pour traiter diverses affections dans de nombreux pays d’Afrique équatoriale. Les parties du végétal utilisées et leurs modes d’application sont extrêmement diversifiées. Ces derniers incluent les feuilles, l’écorce, les fruits, les graines et la sève de feuilles utilisés directement ou broyés, en décoction, pansement, embrocation, per os, et dans l’eau du bain. Une liste non exhaustive des propriétés de ces préparations inclue des activités antidouleurs, sédatives, stimulantes, aphrodisiaques, antiseptiques, anti-inflammatoires, antipyrétiques, antivertigineuses, antiépileptiques, purgatives et antiœdémateuses. Le deuxième intérêt principal des Blighia spp. repose sur l’utilisation de leur bois. Bien que d’excellente qualité pour la construction d’édifices légers, de meubles, de bateaux et de traverses de chemin de fer, le bois est utilisé localement et rarement exporté à l’international. Ce dernier est aussi utilisé pour alimenter le feu et pour la production de charbon de bonne qualité. D’autres usages secondaires inclus le caractère ornemental et l’alimentation, notamment par la consommation des feuilles en salade et la confection de poisons de pêche. Ces arbres sont aussi plantés pour attirer les pollinisateurs, générer de l’ombre dans les villages, produire des parfums et des savons locaux (Asamoah et al., 2010 ; Obeng, 2010a ; Obeng, 2010b).

Figure 6. Structure des hypoglycines A et B. 1. Hypoglycine A ; 2. Hypoglycine B (CAS SciFinder).

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Espèce Partie

utilisée

Procédé Mode

d’administration Usage ethno-pharmacologique

Pays

B. sapida Sève de bourgeons terminaux

Collyre Traiter ophtalmie et conjonctivite

B. sapida Ecorce et feuilles

Décoction Per os Traiter œdèmes,

douleurs intercostales, dysenterie, diarrhée

B. sapida Ecorce Moulue et

associée à du poivron (Capsicum annuum) Frotté sur le corps Stimulant Ghana B. sapida Pulpe de branches Frotté sur le front

Traiter migraine Ghana

B. sapida Feuilles Transformées en pâte avec sels végétaux Application locale Traiter pian et ulcères Côte d’Ivoire et Nigeria B. sapida Plante entière

Traiter fièvre jaune, épilepsie, œdèmes. Laxatif et diurétique

Côte d’Ivoire

B. sapida Graines Traiter nausée et

vomissements

Ghana

B. sapida Feuilles Traiter fièvre et

vertiges

Bénin

B. sapida Branches Traiter hépatite,

cirrhose et amygdalite Bénin B. sapida Ecorce ou péricarpe de fruits Décoction Application locale

Traiter plaies Togo

B. sapida Pulpe de fruits Application locale Traiter herpès- Whithlow Togo

B. sapida Ecorce Broyée Per os Antidote contre

piqûres de serpents et scorpions

Togo

B. sapida Graines Broyées Per os Traiter douleurs

estomac

Togo

B. sapida Graines Extrait aqueux

Per os Expulser parasites Brésil

B. unijugata Plante entière Sédatif, analgésique, traiter rhumatismes, douleurs reins, raideur, stimuler contractions utérus B. unijugata Pulpe écorce Per os Lavement

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B. unijugata Ecorce Décoction Per os Purgatif, traiter

fièvre B. unijugata Pulpe de feuilles Pommade Rajeunissant et relaxant Côte d’Ivoire

B. unijugata Feuilles Dans bain de vapeur

Inhalation Traiter fièvre enfants, tonifiant

Congo

B. unijugata Fruits Traiter nausée et

vomissements Nigeria B. unijugata Huile de graines Pommade République Centrafricaine

B. unijugata Feuilles Décoction Traiter vertiges République

centrafricaine

B. welwitschii Ecorce Révulsif sur la

peau

Apaiser douleurs reins, intercostales et lumbago

RDC

B. welwitschii Ecorce Décoction Per os Purgatif, traiter toux RDC

B. welwitschii Feuilles Moulues et associées à la banane

Per os Aphrodisiaque RDC

B. welwitschii Feuilles Décoction Cholagogue Nigeria et

Côte d’Ivoire B. welwitschii Sève de feuilles Traiter inflammations auriculaires Congo

Tableau 2. Utilisations traditionnelles des Blighia spp. en médecine traditionnelle africaine. Généré d’après Asamoah et al., 2010 ; Obeng, 2010a ;b.

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