• Aucun résultat trouvé

Genèse du projet

Dans le document Affects, médias, terrorisme (Page 168-172)

Chapitre 4 : Création : « L’artiste et le guerrier », la mini-série d’anticipation

4.1. Genèse du projet

4.1.1.   Point de départ et mise en contexte de la création

7 janvier 2015. La date terrible des attentats contre Charlie Hebdo qui a conduit à celui de l’Hyper cacher, deux jours plus tard. Dans chacune de ces attaques, je me suis retrouvé au plus proche, faisant ma correspondance à Paris précisément ces jours-là, en attendant de m’envoler pour Montréal. Pendant ces trois jours, soumis à la force implacable des médias qui faisaient état de cette abomination inattendue (puis finalement « pas si inattendue »), j’ai commencé à me demander ce qu’il se passait dans notre monde pour qu’on s’attaque à la presse satirique117.

Je ne m’étais jamais intéressé jusqu’à ce jour à l’actualité politique ni à la montée du fondamentalisme religieux qui semble avoir trouvé sa nouvelle victime : l’islam. Pourtant, j’ai toujours eu une fascination pour les complots et les scandales médiatiques et politiques, trouvant là-dedans une source inépuisable d’histoires aussi romanesques que sordides.

117 Bien évidemment, le choc de l’attentat contre l’hyper cacher n’en est pas moins important.

Mais dans ce cas-ci, c’est précisément l’attaque menée contre des caricaturistes de la presse satirique française qui interpelle et qui a commencé à faire germer cette création.

J’ai commencé à me renseigner sur tous ces « nouveaux » enjeux qui semblaient redessiner la carte de notre planète. Je me suis rendu compte qu’un Etat islamique s’est autoproclamé en juin 2014, une information dont j’avais vaguement entendu parler sans y accorder une quelconque importance. Je découvre en détail toute l’histoire du djihad, et des affrontements entre un « Occident » et un « Orient » qui ne cessent de se renvoyer la balle depuis des décennies sans réellement régler leurs conflits.

Petit à petit, l’intérêt et la curiosité font leur chemin, je m’intéresse aussi à cette montée réactionnaire dont mon Europe semble assaillie de toutes parts, et je me demande pourquoi certaines mesures comme le droit du mariage pour les gays ou le remboursement à l’IVG, symboles de nos avancées sociétales, sont remis en cause. Pourquoi doit-on rendre payante l’école publique aux immigrants… Pourquoi s’accaparer le port du voile et en faire un débat indécent… Ce qui nous conduit à la question qui est certainement la plus épineuse aujourd’hui, que deviennent la tolérance et le progressisme dans nos sociétés démocratiques occidentales ?

Nous n’arrêtons pas d’accuser les médias d’avoir « dédiabolisé » les mouvements radicaux tel que l’extrême droite et d’avoir porté sur le devant de la scène : Marine Le Pen, par souci d’audience et d’un besoin insatiable d’en faire un « buzz »118…

118 Un article intéressant qui fait l’analyse de la montée de l’extrême droite tout en expliquant que

les médias ne sont pas les responsables comme beaucoup le laissaient penser : http://www.acrimed.org/Les-medias-et-le-Front-National-indignations-selectives-et-banalisation

Nous remettons sans cesse en cause leur éthique douteuse de journaliste qui conjecture avant d’avoir de réelles sources, de tomber trop facilement dans le propos catastrophiste, unilatéral, sans servir une vraie réflexion119… J’aimerais

penser que non, ce serait trop noircir la réalité.

C’est ce que je vais essayer d’explorer dans mon récit d’anticipation où l’extrême droite vient de gagner la présidence par vote démocratique, redistribuant ainsi les cartes des enjeux planétaires.

4.1.2.   Choix du mémoire-création

Le choix du mémoire-création m’a semblé tout de suite évident. D’une part car je me destine à l’écriture de scénario, mais surtout pour la complémentarité des deux travaux. Alors que la partie théorique exige un travail académique fondé sur des recherches que l’on va synthétiser en apportant nos propres éléments d’analyse, il exige une grande part d’objectivité, de prendre du recul sur l’ensemble des faits présentés et d’éviter les propos inutilement catastrophistes en les nuançant. Ce qui, pour un sujet comme celui-ci, n’est clairement pas un luxe.

La création a donc été placée en début de mémoire pour introduire notre propos. Elle a pu présenter le savoir acquis durant le long cheminement de ce travail

théorique, tout en impliquant une réflexion plus subjective et engagée sur notre monde d’aujourd’hui… et de demain.

Elle a mis en avant les affects, puisque nous atterrissons dans cette société nouvelle par les yeux des différents personnages, qu’ils soient « otages » d’une nouvelle présidente venant de l’extrême droite, ou otages d’une organisation terroriste appelée Daech (ou possiblement un autre nom d’un organisme inventé qui lui aura succédé pour éviter des possibles anachronismes ou non-sens avec notre réalité).

Elle a aussi permis d’introduire le rôle des médias, car ces personnages sont automatiquement soumis à la vitesse de l’information des réseaux sociaux et des écrans disséminés partout dans leur ville. D’un côté, le gouvernement et Daech cherchent à devenir tous deux les orchestrateurs de l’ombre prenant le contrôle de l’information pour mieux servir leurs intérêts. De l’autre, les résistants du gouvernement qui diffusent des informations piratées pour faire tomber la présidente, introduisant ainsi la question des algorithmes et des moyens de diffusion et leur effet « contagion » que nous avons abordé dans le mémoire.

Enfin, elle a permis d’embrayer sur le combat contre le terrorisme… en posant tout d’abord la question suivante : pourquoi appelons-nous « terroristes » ce qu’eux appellent « résistants » comme le disait Ben Yehuda dans Terror, Social and Moral Boundaries ? La création a donné la parole aux terroristes de Daech par le biais de deux journalistes kidnappées, qui sont finalement obligées de produire des vidéos

pour la production Al Hayat Media Center. Ces deux journalistes se heurtent aux différentes visions du monde, que ce soit celle des responsables (émirs) de l’organisation, ou celle des djihadistes venus de partout dans le monde pour réaliser leur jihad. Leur usage de la violence au sein de leurs vidéos fera l’objet de toute une partie de l’histoire où l’on pourra suivre leur processus de production qui mettent en scène des exécutions ou des explosions. Nous avons également exploré comment un film de propagande djihadiste peut s’organiser en terme de tournage de séquences, de montage et de diffusion à l’échelle internationale.

Dans le document Affects, médias, terrorisme (Page 168-172)