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Génération d’un pacemaker biologique

IV1.1 Les pacemakers/stimulateurs électroniques

IV.1.2 Génération d’un pacemaker biologique

Malgré tous ces progrès en matière de source d’énergie et d’optimisation, le pacemaker électronique présente toujours des limites à son utilisation. Par exemple, c’est le cas chez certains patients possédant une contre-indication suite à une première implantation infructueuse ou encore en cas d’anomalie du rythme cardiaque chez l’enfant ou encore chez le fœtus présentant un CHB.

D’après les revues des spécialistes Y. Saito et d’E. Cingolani parues récemment toutes les deux en 2018, les avancées basées sur des thérapies cellulaires ou géniques sont encourageantes mais encore trop incertaines pour des applications cliniques (Cingolani, Goldhaber et al. 2018, Saito, Nakamura et al. 2018). La création de pacemakers dit « biologiques » est un axe de recherche en développement ces dernières années pour trouver une alternative au pacemaker électronique. Le but est de générer une région pacemaker ectopique qui pourrait suppléer ou soutenir le NSA en cas de défaillance de celui-ci. La compréhension du système métabolique cellulaire du

pacemaker est indispensable pour en créer une copie. Les chercheurs s’intéressent à la

spontanéité de la cNSA qu’ils essayent de reproduire en exprimant les courants pacemakers caractéristiques de plusieurs manières (Figure 45).

Figure 45 : Les différentes stratégies innovantes ayant pour but de créer un pacemaker biologique. a : Des adénovirus sont utilisés pour surexprimer directement HCN et réduire Kir2.1 dans un cardiomyocyte classique. b : Une approche avec des cellules souches d’origine embryonnaire, pluripotentes implantées autour du myocarde peut créer une région pacemaker. c : On appelle « hybride » l’approche utilisant des cellules humaines de type mésenchymateuse utilisées pour se coupler à un cardiomyocyte par une jonction gap et délivrer les gènes nécessaires à l’expression d’HCN par exemple. d : La reprogrammation de cellules somatiques en cNSA est possible grâce à la surexpression de la T-box de transcription TBX18 via un adénovirus comme dans a. Sauf que la T-box est en amont de l’expression des canaux ioniques. D’après la revue de Cingolani et al., 2018.

Thérapies géniques

Les premiers essais de thérapie génique ciblant l’automatisme ont débuté dans les années 90. Ils ont consisté à sur-exprimer dHVUpFHSWHXUVȕDGUpQHUJLTXHVd’humains chez la souris puis le porc afin d’améliorer l’activité du NSA (Edelberg, Aird et al. 1998, Edelberg, Huang et al. 2001).

En 2002, une nouvelle étude axe sa stratégie sur l’inhibition du courant rectifiant IK1. Chez le cobaye, la suppression d’IK1 offre à des cardiomyocytes ventriculaires la capacité de générer une activité spontanée mais ne crée pas une véritable structure fonctionnelle semblable au NSA (Miake, Marban et al. 2002).

Puis de nouvelles stratégies de thérapie génique ont consisté à sur-exprimer un élément du

pacemaker tel qu’If. Des adénovirus visant la transduction d’HCN2 sont injectés dans le ventricule gauche chez le chien. Quatre jours plus tard, une activité spontanée est observée dans le ventricule gauche sous inhibition du tonus vagal (Qu, Plotnikov et al. 2003).

Ces premières études ont démontré qu’un remodelage génétique permettait de créer une activité

pacemaker par un remodelage génétique et ont servi de base à d’autres études. Comme en 2013,

où une équipe combine une stratégie d’adénovirus exprimant HCN2 et skM1 qui est un canal sodique dont les paramètres d’ouverture et de fermeture facilitent l’activité spontanée en diminuant le seuil de déclanchement de PA (Boink, Duan et al. 2013).

Une autre thérapie génique plus récente vise les facteurs de transcription permettant la différenciation cellulaire : elle est appelée « reprogrammation somatique ». Le but est d’obtenir des cNSAs pacemaker en induisant des voies de différenciation, ou bien en inhibant une des voies inverses (Figure 46).

Les facteurs de transcription embryonnaires TBX18 et TBX3 favorisent la différenciation en cNSA. TBX18 est impliqué dans la structure cellulaire et inhibe la différenciation en cellules atriales (Wiese, Grieskamp et al. 2009). L’injection d’adénovirus TBX18 dans le ventricule gauche du porc réduit significativement les AVBs et rétablit un rythme cardiaque normal (Hu, Dawkins et al. 2014). L’effet n’est que temporaire et limitant car le vecteur adénovirus n’intègre pas le génome. Le niveau d’expression de différents gènes changent : Cx43, Kir2.1, Nkx2-5 et Nav1.5 sont sous-régulés alors qu’HCN4 augmente comme dans le profil des cNSAs induites in vitro (Kapoor, Liang et al. 2013). Cette stratégie est pour l’instant la seule à être testée sur des modèles de gros animaux présentant des AVBs.

Figure 46 : Réseau transcriptionel d’influence déterminant le développement du NSA. D’après J.H. van Weerd et V.M. Christoffels, 2016

Thérapies cellulaires

Deux types de cellules sont utilisées comme base pour l’élaboration de pacemaker biologique : les cellules souches mésenchymateuses (Mesenchymal stem cell, MSC) et les cellules souches pluripotentes (PSC). Plusieurs exemples de leur utilisation :

En effet les MSC sont capables de se différencier en plusieurs types de cellule mésodermique dont les myocytes. Elles créent facilement un couplage électrique grâce à la forte expression de Cx40 et 43 et génèrent un courant Iflorsqu’elles sont transfectées avec HCN1, 2 ou 4 (Rosen, Brink et al. 2004).

Une étude préclinique chinoise sur le porc a montré un effet de l’injection de MSC transfectées avec le gène d’+&1VXUODVHQVLELOLWpGXF°XUjODUpSRQVHȕ-adrénergique, ce qui prouve un ancrage de ces cellules au niveau cardiaque (Zhang, Li et al. 2013).

Toutefois, les MSC migrent et se différencient en d’autres cellules in vivo et c’est cette instabilité qui limite l’utilisation de ce type cellulaire.

Le deuxième type cellulaire (PSC) est plus largement utilisé dans la recherche. Les PSC sont soit des cellules souches pluripotentes induites (« iPSC », cellule adulte somatique dérivée en cellule souche par des facteurs de croissance) ou d’origine embryonnaire (« ESC ») et ont la capacité de se différencier en tout autre type cellulaire.

Les cellules PSC dérivées en cardiomyocytes ont la capacité de produire une activité pacemaker grâce à l’expression des canaux ioniques et aux récepteurs nécessaires à la génération de cette activité, la propagation et la modulation de l’impulsion. Mais cette activité est insuffisante pour suppléer celle du NSA.

Dans une étude récente, des ESC de souris ont été transfectées avec le gène HCN4 du lapin puis différenciées en cardiomyocytes (Saito, Nakamura et al. 2015). Certaines cellules sur-expriment HCN4 (X3) tout en sous-exprimant le gène Kcnj2 codant pour Kir2.1, essentiel pour la génération du courant IK1. Ces cellules présentant un courant Ifimportant et des battements spontanés à fréquence rapide, répondent à l’IVA et à l’ISO. Placées en co-culture avec des cardiomyocytes dérivés d’iPSC d’origine humaine, elles ont la capacité de générer une activité

type cellulaire sur-exprimant HCN4 dans des modèles de rat développant des AVBs (Saito, Nakamura et al. 2018) et a observé que ces cellules pouvaient créer un nouveau rythme ectopique suffisant pour être un pacemaker biologique.

S. Chauveau et collaborateurs en 2017 ont publié une étude sur des cellules pacemaker issues d’ESC implantées in vivo. Ils ont utilisé le chien comme modèle d’étude, prélevant des ESC pour les dériver en cellules pacemakers et les implanter chez le même individu. L’avantage de cette technique est d’éliminer toute réponse immunitaire relative à la greffe des cellules. Le résultat de cette étude est encourageant puisque ces cellules injectées constituent un pacemaker biologique dans 50 % des animaux à partir de 4 semaines et sont par ailleurs capables de UpSRQGUHjXQHVWLPXODWLRQȕ-adrénergique (Chauveau, Anyukhovsky et al. 2017).

D’autres approches dites « hybrides » ont été développées, utilisant des MSC ou des fibroblastes comme vecteur à la place de vecteur viral pour délivrer des éléments pacemaker comme HCN (Cho, Kashiwakura et al. 2007, Plotnikov, Shlapakova et al. 2007). Elles permettent de limiter le rejet sans nécessiter l’immunosuppression.

Une autre étude a également montré que la différenciation de PSC d’origine humaine pouvait mener à un pacemaker biologique en se focalisant sur le progéniteur Nkx2-5 qui inhibe la différenciation en cellule pacemaker et favorise la différenciation en cellule atriale et ventriculaire. Les cellules appelées « SAN-like pacemaker cells » et identifiées Nkx2-5-ont été également transplantées dans le cœur du rat et génèrent un rythme ectopique dans le tissu cardiaque (Protze, Liu et al. 2017).

Que manque-t-il au pacemaker biologique pour être développé ?

Il n’a encore jamais été montré que la transplantation de pacemaker biologique d’origine génique ou cellulaire ait permis de retrouver efficacement un rythme cardiaque viable dans un modèle de gros animal présentant une bradycardie.

Une technologie de diffusion plus précise et plus stable des cellules ou d’adénovirus semble la solution pour obtenir un ciblage plus efficace et diminuer la migration non contrôlée de ces effecteurs dans l’organisme car le risque est en effet d’avoir une prolifération cellulaire tumorigène.