• Aucun résultat trouvé

4 1 Contexte d’écriture

5. Sipour Pashout (Une simple histoire)

5.3 Analyse du texte

5.4.3 La génération des enfants : Blouma, Hirshel, Mina (parents et amis) Tzirel, Hirshel et Blouma

Blouma, se trouve donc, dès la première page, orpheline de père, de mère et possède si peu, que tous ses biens tiennent dans un baluchon qui contient, selonJabès, « … la terre et plus d’une étoile351 ». Suivant les conseils de ses généreuses voisines, elle quitte son domicile et arrive, après un voyage en voiture tirée par des chevaux, dans une maison où elle attend, assise sur une chaise, la venue d’un proche.

L’arrivée en premier de Tzirel lui confère un rôle central dans l’histoire. Celle-ci, ne se doutant pas de ce qui l’attend, tient la jeune fille affectueusement par le menton, acte

symptomatique et demande à la jeune fille qui elle est et ce qu’elle désire352. Blouma se présente et raconte qu’elle est ici parce qu’orpheline, elle n’a nul autre endroit où se rendre353. Naïveté d’une adolescente certainement tenue à l’écart des histoires du passé qui ne peuvent que les désunir. Tzirel grimace et se tait ; acte manqué, expression de l’inconscient qui se produit lorsque le moi baisse sa vigilance à cause d’un incident ou d’une émotion354 ; ici, la présence de la jeune fille renvoie soudain vers un passé qui risque de déstabiliser le confort de leur vie actuelle ; on peut supposer que celle-ci personnifie inconsciemment dans l’esprit de Tzirel la fille qu’elle a souhaitée au moment de sa grossesse. Fille portée par la femme destinée à son mari. Jalousie et envie. Instincts (maternels) mis à vif. Son accueil met la jeune fille si mal à l’aise que Blouma se saisit de son balluchon355. Réflexe de protection, souligné par la triple utilisation de la racine a-h-z prendre356, sous forme nominale et verbale –actif et passif, chez cette adolescente qui se précipite sur le peu d’affaires qu’elle possède. Rivalité qui s’installe immédiatement entre deux femmes : une adolescente, jolie, gracieuse et fine, face à une femme de près de cinquante ans aux formes généreuses357 . Tzirel se reprend, soupire et instaure immédiatement un rapport de force enrobé de pitié ; elle se dit peiné du décès de sa mère tout en soulignant qu’elle était au courant de leurs difficultés puis ajoute : « Tout le monde n’a pas la chance de mériter une belle vie358 ». Perfide, elle parle de mérite ; pertinente et



351

E. Jabès, Le livre des questions, Le livre de Yukel, p 38

352

Sipour Pashout, p 5

353

Ibid. p 5

354

A. Freud, Le moi et les mécanismes de défense, p 15

355 Sipour Pashout, p 5 356 Ibid. p 5 ʺʸʧʠ ʤʦʩʧʠ ʥʬ ʯʩʠʹ ʭʥʷʮʡ ʥʬʹʡ ʦʧʠʰʹ ʩʮʫ ʤʩʬʨʬʨʮ ʺʠ ʤʦʧʠʥ ʤʩʰʩʲ ʺʠ ʤʮʥʬʡ ʤʬʩʴʹʤ 357 Ibid. p 22 358 Ibid. p 6 "ʤʫʥʦ ʭʣʠ ʬʫ ʥʠʬ"

socialement rôdée, elle invoque une intervention céleste, puis évoque son père, grand lettré mort avant l’âge, mentionnant qu’elle sait qu’il lui a enseigné à lire mais ajoute qu’elle espère que ses parents lui « ont enseigné les choses qu’une femme doit savoir359 ». Mépris et dédain pour déstabiliser la jeune fille. Inconsciemment, elle nargue : j’ai épousé l’homme qui aurait dû être ton père ; l’instruction ne rapporte pas, je n’en ai pas et je m’en porte très bien puisque je nous avons tout ce qu’il nous faut ; voyons ce que tu sais faire. Méfiance, distance installée entre elle et la jeune fille qui contraste brutalement avec le geste spontané qu’elle eut envers l’adolescente qui passe sans transition de sa mère soumise, malade et coupable, à une autre figure de mère, forte, arrogante, calculatrice et affectée. Confrontation entre deux classes sociales, deux générations, une forme d’éducation et un manque d’éducation.

Tzirel, forcée de recevoir la jeune fille à cause des convenances sociales, lui propose de rester en attendant de voir ce qu’ils feront pour elle, peut-être même lui trouver un mari, -éveillant chez Blouma un espoir d’avenir- puis lui assigne une chambre dans la maison. La jeune fille s’endort épuisée dans une pièce sous les toits, ce qui lui donne l’impression « de planer dans le vide360 ». Sensation déstabilisante même si « vers le toit toutes les pensées sont claires361 » ; clarté inconsciente, élévation temporaire et symbolique pour Blouma habituée à dormir au rez-de-chaussée chez ses parents. La jeune fille se réveille confuse en pleine nuit, ne reconnaissant ni son lit ni sa chambre et se demande si elle va retrouver le sommeil, refuge rassurant. A son réveil alors qu’il fait déjà jour, seule dans un lieu étranger, elle se souvient alors du rêve qu’elle a fait et qui l’a gardé éveillée un moment au cours de la nuit. Le narrateur raconte le contenu manifeste362 du rêve

censuré sur le moment:

« sur une place publique de la ville, assise dans une voiture, elle se sent honteuse de se trouver parmi la foule et descend ; sitôt descendue, les chevaux sautèrent et se mirent à galoper elle se tint là les bras tendus attendant que le propriétaire de la voiture arrive afin d’empêcher les chevaux d’écraser les passants, elle attendit mais il n’arriva pas. Elle sentit le drame arriver, et se couvrit les yeux avec ses mains afin de ne pas assister au drame363 ».

 359 Ibid. p 6 "ʺʲʣʬ ʤʫʩʸʶ ʤʹʠʹ ʭʩʸʡʣ ʪʺʥʠ ʭʩʣʮʬʮ ʥʩʤʹ" 360 Ibid. p 6 361

G. Bachelard, La poétique de l’espace, p 35

362

S. Freud, Sur le rêve, p 60

363 Sipour Pashout, p 6 ʥʶʴʷ ʤʣʸʩʹ ʯʥʩʫ ,ʤʣʸʩʥ ʭʩʡʸʤ ʺʥʹʸʡ ʡʹʩʬ ʤʮʶʲʮ ʤʹʩʩʡʺʰ ,ʤʬʢʲʡ ʸʩʲ ʬʹ ʤʡʥʧʸʡ ʺʡʹʥʩ..." ʭʩʶʸ ʥʬʩʧʺʤʥ ʭʩʱʥʱʤ , ʭʩʫʸʣ ʩʸʡʥʲʬ ʭʩʱʥʱʤ ʥʱʮʸʩ ʠʬʹ ʣʲ ʤʬʢʲʤ ʬʲʡ ʠʥʡʩʹ ʤʺʴʶʥ ʭʩʣʩ ʨʥʹʩʴʡ ʤʣʮʲ , ʠʡ ʠʬʥ ʤʰʩʺʮʤ . ʤʠʡʥ ʺʹʧʸʺʮ ʺʥʰʲʸʥʴʹ ʤʹʩʢʸʤ , ʡʫ ʺʥʰʲʸʴʡ ʺʥʠʸʬ ʠʬʹ ʤʩʣʩʡ ʤʩʰʩʲ ʤʹ "

Un travail d’analyse364 et la chaine associative365 permet de détecter le contenu

latent366 du rêve et son processus de transformation367. Place publique, voiture, voyageurs et chevaux sont des réminiscences de la veille en corrélation avec la vie diurne368. Place

publique : rehovah, de la racine r-h-b369, s’élargir et s’ouvrir, nefesh rahavah avidité, rehav

lev insatiable, proche de rehov rue ; symbole du désir féminin370, association avec « fille des rues »-prostituée, sentiment de honte ; preuve du désir et du trouble que cette agitation sonore éveille en elle et symbolique sexuelle du rêve. Rue, chemins du monde, sheviley

ha’olam371, ouverture vers ailleurs ; voyages et livres : enseignement de son père; horizons infinis ; inconnu et surprises ; émerveillements et peurs ; passages, départs et arrivées ;

« On refera le même chemin dix fois, cent fois… et tous ces chemins ont leurs chemins

propres. –Autrement ils ne seraient pas des chemins372… ». Voiture, dont le bruit parvient à

ses oreilles au matin ; sons auxquels se mêlent l’arrivée du train en gare, va-et-vient d’un piston qui touche au but ; acte sexuel et jouissance ; excitation auditive, stimulis de réveil

fortuit373 qui met fin au sommeil. Elle descend, « symbole d’une valeur morale374 » contraire à la ‘aliah spirituelle, socialement et sans bagages, seule, exposée aux yeux de tous, affolée par sa libido.

Les chevaux bondissent et se mettent à courir. Cheval symbole de puissance, contrasté, -solaire et lumineux, glorieux et majestueux- mais aussi diabolique375 ; expression de la sexualité infantile pour Freud376 ; « chevaucher sa partenaire » ; « symbole chtonien à connotation maternelle qui figure les couches les plus profondes de



364

S. Freud, Sur le rêve, p 60

365 Ibid. p 55 366 Ibid. p 60 367 Ibid. p 60 368

S. Freud, Sur le rêve, p 68

369 Ibn Manzour, Lisan el’Arab, Dar Sader, Beyrouth, 2008 En arabe ΐ˷Σέ: ϊδΗ΍ s’élargir, racine de laquelle est

également tiré le verbe accueillir et le mot bienvenue ΎΒΣήϣ.

370

D. Shreibaum, L’interprétation des rêves dans l’œuvre de S.Y. Agnon, p 135 qui reprend en notes de fin de chapitre l’analyse du Dr. Fleiss concernant un passage du Décameron.

371

A. Holtz, Livres et auteurs dans Sipour Pashout de SY Agnon, p ʨʫʷ : « Livre écrit par Shimshon Bloch 1784-1845 de Kalikov-Galicie dont une première partie, en rapport avec l’Afrique, est publié en 1821. La seconde partie, également en rapport avec l’Afrique, est publiée en 1827 et la troisième non terminée est publiée à titre posthume en 1855. Livre très populaire parmi les lecteurs de langue hébraïque ». « Le second livre du même titre est publié en 1864 par Abraham Mendel Mor 1815-1868 de Lvov essentiellement consacré à la géographie européenne … ». Dans Sipour Pashout, p 31 : titre du livre lu par Yona Tauber en route pour Lemberg pour obtenir son diplôme mais qui après avoir terminé le livre rentre à Shiboush.

372

J. Derrida, L’écriture et la différence, p 105 citant Jabès

373

S. Freud, L’interprétation des rêves, pp 57-58

374

D. Shreibaum, L’analyse des rêves dans l’œuvre de S.Y. Agnon, p 136

375

Petit Larousse des symboles, p 148

376

l’inconscient dans leur double aspect créateur et destructeur. A un autre niveau le cheval est conçu comme un être « noble » et intelligent, mais aussi timide et qui se laisse facilement effrayer ; le cheval et son cavalier sont alors conçus comme le ça (la pulsion) et le moi. Lorsque l’intégration mutuelle de ces deux éléments est rompue, des rêves surviennent dans lesquels on voit des chevaux ruer aveuglément ; leur fonction est probablement d’inciter à renouer cette relation377 ». Dans le rêve de Blouma, les chevaux résument en un élément ses désirs contradictoires et l’expression de sa libido que l’absence de cavalier (le moi en relâche) laisse percevoir.

Dans la rue, apeurée, elle attend bras ouverts ; comme une fille, un client ; position du rêveur dans la réalité378 : Blouma à l’aube d’une nouvelle vie, prête à embrasser les changements qui l’attendent ; geste opposé à celui de Tzirel qui l’accueille ; corps à corps érotique avec le mari suggéré par sa parente.

La jeune fille attend le baal, maître de maison ba’al habayt , qui n’a pas encore fait son apparition, l’absent qu’elle attend de rencontrer et qui renvoie à son père, sa famille et un secret ; ba’al ha-‘agalah propriétaire de la voiture –signe d’une aisance bourgeoise à laquelle elle aspire- et qui renvoie au ba’al, mari suggéré par Tzirel, déplacement et restes

diurnes, qu’elle espère trouver, qui prendrait en main sa voiture, la sortant de la situation

difficile dans laquelle elle se trouve et qui, dans le rêve, empêcherait les chevaux d’écraser les passants ; désirs refoulés écrasants qui s’expriment ; celui qu’un homme prenne en main les siens et les contrôle. Désir à contrario379 : écraser les témoins de son désarroi

actuel. En premier lieu Tzirel, la rivale, dont elle a perçu la grimace et l’ambivalence et qui éveille en elle un sentiment de jalousie car sa situation est enviable puisqu’elle a un mari, un toit, une famille et une sécurité financière.

Mais le cocher n’arrive pas. Attente déçue comme au temps de son père. Retour à l’enfance. Désappointements et frustrations. Contrairement à la pensée freudienne pour qui « Träume sind Schäume380 », ici comme dans d’autres rêves agnoniens, l’auteur introduit un élément prémonitoire.

Elle sent le drame arriver et masque ses yeux pour ne pas le voir. Angoisse dont la cause est la réalisation voilée d’un désir refoulé. Drame mentionné à deux reprises en une



377

Encyclopédie des symboles, Libraire générale française, 1996, p 130

378

S. Freud, L’interprétation des rêves, p 74

379

Ibid. p 75

380

phrase. Drame vécu et drame qui se profile. Drame du récent décès de sa mère, de sa solitude, de l’isolement dans lequel elle se trouve et drame de l’incertitude qu’offre sa nouvelle vie. Elle voudrait continuer à masquer sa libido galopante de jeune fille, si puissante qu’en se réveillant la nuit elle oublie son rêve et ce n’est que plus tard, le matin au réveil, –après un travail de remémoration- qu’elle s’en rappelle.

Ce rêve centré autour de l’arrivée dans ce nouveau lieu, l’agitation du voyage, les émotions provoquées par ce déplacement et l’idée d’un mari possible, offre les aspirations, les craintes et les sentiments de Blouma tout en s’inscrivant dans le récit comme l’une des seules fenêtres ouvertes sur le caractère d’une jeune fille réservée, discrète et « inatteignable381 » ; mise en abyme de son histoire.

Blouma, déstabilisée, reste couchée un long moment réfléchissant et repensant à sa mère, alitée. Le narrateur emploie quatre fois en deux phrases le verbe coucher, établissant un parallèle entre « sa mère couchée dans une tombe et Blouma couchée dans le lit chez ses parents382 ». Analogie pour souligner l’impression de froideur et de mort qui secouent Blouma et la projettent hors de son lit.

Lorsque Madame Horwitz se réveille pour préparer le petit déjeuner habituel, celui- ci est déjà prêt et Blouma y a ajouté les gâteaux offerts par ses voisines. Le narrateur souligne la position sociale de Tzirel en lui donnant le titre de maitresse de maison faisant déjà de Blouma une servante. Allusion aux contes de fées, à Cendrillon, et aux baguettes magiques qui rendent tout possible. Prise de pouvoir territoriale pour Blouma qui prépare le petit déjeuner avant le réveil de la maitresse de maison. Blouma qui s’occupait de tout chez elle depuis la maladie de sa mère a tout organisé383. Réflexe provenant d’une habitude ; gratitude en échange de sa présence dans la maison ; preuve qu’elle a bien acquis les qualités requises pour qu’une jeune fille satisfasse un mari. Riposte d’une rivale. Victoire accentuée par l’arrivée de Barouch Meïr, le mari, qui apercevant Blouma et les gâteaux, salue la jeune fille et se frotte les mains comme chaque fois qu’il fait une bonne affaire ; acte symptomatique384. Discret, le maître de maison n’accueille pas Blouma et

malgré le regard bienveillant qu’il lui porte et « les éclats de tendresse qui vont de ses yeux



381

D. Shreibaum, L’analyse des rêves dans l’œuvre de S.Y. Agnon, p 140 « non seulement pour Hirshel et les autres hommes de Shiboush mais également pour le lecteur »

382

Sipour Pashout, p 7

383

Ibid. p 7

384

aux siens385 », ne s’adresse jamais directement à elle, ni dans cette scène ni au cours du récit, laissant à sa femme le soin de l’intégrer comme elle le souhaite dans leur maison et dans leur vie ; habitude contractée dès le début de leur mariage ; l’argent génère le pouvoir.

Hirshel, qui a seize ans, arrive en dernier. Après avoir gouté les gâteaux il dit : « Pour de tels gâteaux, il convient de dire une bénédiction386 ». Tzirel coupe alors une petite tranche d’un gâteau, en goûte et demande à Blouma « Qui a fait ces gâteaux ? Toi ?387 ». Blouma admet qu’elle n’a pas fait ceux-là, mais qu’elle sait faire les mêmes. Agacée par cette rivale qu’elle a sous-évaluée, Tzirel tente de reprendre le dessus et, en pleine contradiction, essayant de mettre un frein à l’esprit d’initiative de la jeune fille, annonce : « Dieu soit loué, nous ne faisons pas de gâteaux, de sablés et de biscuits. Du pain ordinaire nous suffit388 » ; par opposition au pain béni, par la grâce ou par une cérémonie religieuse. « Les aliments permettent aux auteurs d’enrichir l’aspect social, économique ou idéologique de l’œuvre… La relation à la nourriture peut s’associer à toutes les composantes de l’individualité, et tout d’abord à l’instinct vital389 ». Blouma, rabrouée, semble perdre une manche de ce duel féminin ; pourtant, lorsqu’elle baisse les yeux, elle entend le bruit de mastication des gâteaux390 qui contredit les paroles de Tzirel irritée par l’enthousiasme de son fils qui voudrait lui dire quelques mots à l’oreille mais qui élève la voix pour dire : « Avoue maman que ces gâteaux sont délicieux391 ». Manque de maturité pour un jeune d’adolescent touché par la douceur visuelle et gustative –qui renvoie inconsciemment dans sa finalité à « la petite chose pouvant être détachée du corps392 », concept dégagé par Freud concernant les rapports entre oralité et analité. Il prend inconsciemment le parti de Blouma qui le trouble ; désir refoulé puisqu’il se trouve en présence de sa mère-toute-puissante ; sentiment œdipien et sentiment de castration393. Pour Amos Oz, Hirshel « voit en Blouma la mère qu’il n’a jamais eue394 ». Tzirel qui répond alors « Bien, bien395 ». Gestuelle d’une rivalité qui s’installe396. Dès lors, Blouma sera

 385 Sipour Pashout, p 20 "ʤʮʥʬʡ ʬʹ ʤʩʰʩʲ ʪʥʺʬ ʸʩʠʮ ʪʥʸʡ ʬʹ ʥʩʰʩʲʮ ʭʩʠʶʥʩ ʤʡʩʧ ʬʹ ʭʩʶʥʶʩʰ" 386 Ibid. p 8 "ʪʸʡʬ ʤʠʰ ʥʬʠ ʯʥʢʫ ʬʲ" 387 Ibid. p 8 "?ʺʠ ?ʥʬʠ ʺʥʢʥʲ ʤʴʥʠ ʩʮ" 388 Ibid. p 7 389

A.J. Baudrier, Le roman et la nourriture, pp 5-6

390

Sipour Pashout, p 7 "ʬʥʧ ʭʧʬʡ ʥʰʬ ʩʣ .ʭʩʷʩʷʸʥ ʭʩʫʲʫʥ ʺʥʢʥʲ ʩʴʥʠ ʥʰʠ ʯʩʠʹ ʭʹʤ ʪʥʸʡ

391

Ibid. p 8 "ʺʥʮʩʲʨ ʥʬʠ ʺʥʢʥʲʹ ʠʮʠ ʺʠ ʤʣʥʮ ,ʸʮʠʥ ʥʬʥʷ ʺʠ ʤʩʡʢʤʥ"

392

A. Green, Le complexe de castration, PUF, Paris 1990, p 24

393

Ibid. p 23

394

A. Oz, The Silence of Heaven, p 40

395

Sipour Pashout, p 8

396

associée, tout au long du récit, à la douceur des gâteaux, à leur plaisir sensuel, évoqué même après le départ de la jeune fille, une première fois par le narrateur à l’occasion d’une visite de Guédaliah Tzimlich chez les Horwitz397 puis encore lors d’un diner de soukkot398 chez les Tzimlich après les fiançailles. Blouma, en donnant de Tzirel l’image d’une « parfaite » maitresse de maison, contribue à sa manière au rapprochement des deux familles.

Blouma débarrasse et s’installe spontanément dans le rôle d’aide-ménagère avec ces gestes-réflexes issus de sa vie familiale. Dans la cuisine, -beit habišoul, terme rabbinique inspiré par beit hamidraš399 (maison d’études religieuses) : la maison (pièce) où

l’on cuisine, au lieu de mitbah, mot usuel, donnant soudain à ce lieu, forme de temple, une résonnance sacrée à la nourriture et à l’acte de cuisiner-, Tzirel indique à la jeune fille l’emplacement des divers ustensiles. Celle-ci remarque le regard que Blouma porte sur la planche des laitages puis sur celle de la viande. Allusions aux règles alimentaires religieuses. Tzirel demande à Blouma si elle sait cuisiner et, devant la réponse positive, elle enchaine « Lorsque tout sera rangé, ils apporteront la viande ; voilà du riz, des nouilles, du gruau et tout ce qui s’offre à tes yeux400 ». Etalage de biens pour impressionner la jeune fille qu’elle traite déjà comme une employée. Blouma répond d’un hochement de tête, l’air de dire qu’elle peut se débrouiller toute seule401. Tensions confirmées. Tzirel comprend, sort et revient, en patronne, à l’heure du déjeuner pour trouver le repas prêt.

Sitôt arrivée, Blouma dégage « un souffle positif402 » et « un fil de grâce se perpétue dans ses gestes403 » ; retour au paragraphe d’introduction d’Agounot404 et à l’importance accordée aux mains dans la première version d’Agounot. A la manière d’une gouvernante, celle-ci prend, dès le lendemain, -ironie d’une situation lorsque le narrateur précise que c’est le jour de la fête du travail-, les choses en mains et montre à sa « parente » ce dont elle est capable sans se douter que cette position va se retourner contre elle car, lorsque l’agence de placement du personnel vient voir Tzirel, celle-ci répond que le lit de l’employée de maison est occupé par une parente ; autrement dit, que la position



397

Sipour Pashout, p 34

398

Voir Glossaire termes juifs p 411

39 9Ib i d. 4 10 400 Ibid. p 8 "ʺʥʠʥʸ ʪʩʰʩʲʹ ʤʮ ʬʫ ʩʸʤʥ ʯʩʱʩʸʢ ʩʸʤʥ ʺʥʩʸʨʠ ʩʸʤʥ ʦʸʥʠ ʩʸʤ ,ʸʹʡʤ ʥʠʩʡʩ ʭʩʬʫʤ ʺʠ ʧʩʣʰʹ ʣʲ" 401 Ibid. p 8 402 Ibid. p 21"ʤʡʥʨ ʧʥʸ ʤʠʡ" 403 Ibid. p 22 "ʤʮʥʬʡ ʬʹ ʤʩʣʩ ʩʹʲʮʡ ʪʹʮʰ ʯʧ ʬʹ ʺʥʧ" 404 Agounot, p 329

est prise. Blouma se trouve alors contrainte d’accomplir ces travaux. Substitution naïve dans son esprit d’adolescente d’une maison par une autre. Là, on lui donne les moyens qui manquaient chez elle, et elle accomplit toutes sortes de travaux ménagers405. L’insistance avec laquelle le narrateur revient sur son travail : « les plats sont assaisonnés, les sauces faites, les draps repassés, les vêtements recousus, les chaussures propres et chaque coin brille et tout ce qu’elle accomplit est fait tranquillement et sans bruit 406», rappelle un passage de Flaubert dans Un cœur simple : « Pour cent francs par an, elle faisait la cuisine, cousait, lavait, repassait, savait brider un cheval, engraisser les volailles, battre le beurre, et resta fidèle à sa maîtresse407 ». « Le quantitatif de l’entassement est là au service du qualitatif des valeurs que veut promouvoir l’ironiste408 ».

Avant l’arrivée de Blouma, qui symbolise « l’éros et la fonction nourricière de la femme…409 », les plats ne reflétaient pas les saisons mais depuis, les choses sont rentrées dans l’ordre chez les Horwitz410 ; « La qualité la plus indispensable du cuisinier est l’exactitude…411 » ; miracle d’une harmonie retrouvée ; le pain servi avec le café est remplacé par des gâteaux et le narrateur s’étonne des qualités de la jeune fille : « Dieu du