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Chapitre 2 Les troubles du comportement en sommeil paradoxal

2.5 Les TCSP idiopathiques

2.5.1 Généralités

Les TCSP sont dits idiopathiques (TCSPi) lorsqu’aucune cause pathologique n’est retrouvée. Cependant, les patients avec TCSPi se différencient des sujets sains sur de nombreux aspects qui seront détaillés dans cette section.

Des évaluations standardisées des fonctions cognitives chez des patients avec TCSPi dont le diagnostic est confirmé par PSG mettent en évidence des troubles cognitifs touchant

différents domaines. En 2004, Ferini-Strambi et collaborateurs ont présenté les résultats d’un groupe de 17 patients diagnostiqués avec TCSPi et dont les fonctions cognitives ont été évaluées grâce à une batterie de tests évaluant l’efficience cognitive globale, la mémoire, les fonctions visuo-spatiales et les fonctions exécutives. Les performances des patients ont été comparées à un groupe de témoins sains appariés. Les résultats de cette étude ont mis en évidence chez les patients, des troubles cognitifs touchant les capacités de visuo-construction (test de copie d’une figure de Rey-Osterrieth 45,46) et d’apprentissage visuo-spatial (Corsi Supra-span Learning test 47) 48. Une équipe italienne a publié en 2008 les résultats obtenus lors d’une étude similaire : 23 patients avec TCSPi et 23 participants contrôles sains appariés ont été évalués sur le plan cognitif (efficience cognitive globale, mémoire, fonctions exécutives, fonctions visuo-spatiales). En comparaison du groupe contrôle, les patients avec TCSPi ont de moins bonnes performances en apprentissage d’un matériel visuo-spatial (mémoire non verbale) et en mémoire épisodique verbale 49. L’équipe québécoise de Montréal a également apporté de nombreuses données sur la cognition des patients avec TCSPi. En 2008, l’évaluation de 14 patients a permis de mettre en évidence des troubles cognitifs touchant l’attention, les fonctions exécutives et la mémoire verbale 50. Une association entre TCSPi et un trouble cognitif léger (MCI) a également été montrée : 50 % des patients avec TCSPi présentaient un MCI essentiellement de type « non amnésique » touchant les fonctions exécutives et l’attention 51.

Il ressort de la littérature que les domaines les plus souvent affaiblis sont l’attention, les fonctions exécutives, la mémoire épisodique verbale et l’apprentissage d’un matériel non-verbal 48–53. La présence d’anomalies des fonctions visuo-spatiales 48,52,53 reste quant à elle controversée 49–51. Cette variabilité pourrait être expliquée par l’utilisation de différents tests lors des évaluations de la cognition ou encore par l’utilisation de tests multi-déterminés. Cette limitation a en partie été écartée avec l’utilisation de tests informatisés évaluant spécifiquement les différentes composantes du traitement des informations visuo-spatiales. Les patients présentant des TCSPi montrent alors un trouble spécifique des capacités visuo-perceptives en l’absence de troubles visuels sensoriels 52. De ces études, émergent des similarités entre les déficits visuo-perceptifs observés chez les patients avec TCSPi et ceux déjà décrits dans la DCL 53.

Les autres anomalies retrouvées chez les patients ayant des TCSPi concernent les fonctions végétatives, sensorielles et cérébrales tant sur le plan anatomique que fonctionnel.

L’olfaction et la vision des couleurs sont affaiblies chez les patients avec TCSPi 55. Des signes dysautonomiques ont également été rapportés et peuvent être de différents types : anomalies cardiaques 56, hypotension orthostatique 57, dysfonction érectile et constipation 55

.

Un ralentissement du rythme éléctroencéphalographique durant l’éveil a été décrit chez les patients présentant des TCSPi par rapport à un groupe contrôle ; ce ralentissement concerne de nombreuses régions corticales (frontales, pariétales, centrales, temporales et occipitales)54et pourrait être en lien avec les déficits cognitifs 58.

D’un point de vue de l’anatomie cérébrale, des modifications mises en évidence en imagerie en tenseur de diffusion (DTI) ont été rapportées chez les patients avec TCSPi dans le tronc cérébral (pont, substance noire), le fornix, la voie de traitement de l’information visuelle droite et le lobe temporal supérieur gauche 59,60. Ces modifications suggèrent des anomalies du tissu cérébral et ne semblent pas uniquement concerner la substance blanche. Une augmentation de la densité de substance grise a été mise en évidence dans les hippocampes de manière bilatérale, pouvant suggérer une réorganisation neuronale fonctionnelle chez ces patients 60. Une hyperéchogénicité de la substance noire mettant en évidence une surcharge en fer dans les ganglions de la base est présente chez les patients avec TCSPi 61–63.

Ces changements anatomiques sont associés à des modifications fonctionnelles. Une diminution de la densité de transporteurs dopaminergiques dans le striatum chez des patients présentant des TCSPi (N=5) par rapport à des sujets contrôles a été mise en évidence lors d’une étude en tomographie par émission monophotonique (TEMP). Cette diminution était néanmoins moins importante que dans le striatum controlatéral aux symptômes moteurs de patients avec une MP 64. Ce dernier résultat est compatible avec l’hypothèse selon laquelle le processus physiopathologique observé chez les patients avec une MP est déjà présent, bien que moins évolué, chez les patients avec TCSP dits idiopathiques. Cette étude comportait certes un faible effectif mais les résultats ont été confirmés par une étude utilisant une méthodologie similaire : 40 % des patients avec TCSPi

(N=43) présentaient une diminution du transporteur de recapture de la dopamine dans le striatum 63. Les TCSP sont également associés à une diminution du débit sanguin cérébral (mesurée en TEMP) dans le cortex frontal et dans des régions pariétales médianes, et à une augmentation de ce débit dans des régions sous-corticales (pont, putamen, hippocampes) 65.

Ces anomalies sont accompagnées d’autres symptômes, marqueurs d’une

neurodégénérescence neuronale, tels que des troubles de la discrimination des couleurs et de l’olfaction.

L’ensemble de ces données semble suggérer l’existence, chez les patients ayant des TCSPi, d’une atteinte cérébrale plus étendue que les seules lésions responsables des TCSP. Les TCSP constitueraient alors une première manifestation clinique d’un processus neurodégénératif. Le fait que de nombreux patients ayant des TCSPi développent une maladie neurdégénérative, va dans le sens de cette hypothèse.