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Chapitre I. Physiopathologie des troubles gynécologiques hormono-dépendants

I. Généralités sur les perturbateurs endocriniens

La fonction reproductrice est une fonction fragile pouvant être facilement sujette à des perturbations qui seraient directement ou indirectement reliées à divers facteurs tels que : le mode de vie, la nutrition, la prédisposition génétique ou encore l’exposition à des substances chimiques (Jégou et al., 2009; INSERM, 2010) .

Ainsi, depuis le début des années 90 est née une préoccupation particulière et croissante vis-à-vis d’un groupe de substances chimiques portant le nom de perturbateurs endocriniens (PE), et ceci à la suite d’un ensemble d’observations faite au niveau de la faune sauvage où un certains nombre d’espèces (poissons, oiseaux, reptiles et mammifères) sont concernés par des anomalies du comportement sexuels, une altération de la fertilité ainsi que divers malformation touchant l’appareil reproducteur pouvant conduire à une extinction des population (Diezi, 2009 ; Duval et Simonot, 2010).

I.1 Définition

Le terme de perturbateur endocrinien est apparu pour la première fois aux États-Unis à l’occasion d’une réunion organisée par la W.Alton jones Foundation en 1991. Depuis, diverses définitions existent au niveau international mais sont débattues. Selon l’OMS les perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle étrangères à l’organisme qui peuvent interférer avec le fonctionnement des systèmes endocriniens et induire ainsi des effets délétères sur cet organisme ou sur ses descendants (Duval et Simonot, 2010).

I.2. Caractéristiques et mode d’action

Comme il fut exposé précédemment, Les perturbateurs endocriniens sont des substances qui interfèrent avec le fonctionnement du système endocrinien qui rappelons-le est un système complexe, composé de nombreux organes (Fig.17) : pancréas, surrénales, thyroïde, parathyroïdes, ovaires testicules… etc. dont chacun d’entre eux secrète des hormones qui diffusent dans tout l’organisme par le biais de la circulation sanguine assurant une certain équilibre au sein de celui-ci et une bonne coordination des ses fonctions dont la fonction de

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reproduction. Les PE agissent de deux manières différentes (Falcy et al., 2000 ; Duval et Simonot, 2012) :

- Soit indirectement en interférant avec la synthèse, le stockage, le transport, le métabolisme, la fixation, l’action et l’élimination des hormones naturelles

- Ou bien directement en interagissant avec les récepteurs hormonaux agissant comme un œstrogène par activation illégitime des récepteurs d’œstradiol ou comme un anti- androgène par réduction de l’activité transcriptionnelle des récepteurs aux androgènes. Les PE sont des substances ayant des particularités qu’on ne retrouve pas chez d’autres substances toxiques : - Elles sont ubiquitaires, présentes dans l’eau, l’air, les sols et par conséquent dans l’alimentation, l’exposition pouvant de faire par différents modes : ingestion, inhalation, absorption, ou même par transfert placentaire ;

- Elles sont pour la plupart lipophiles, c'est-à-dire qu’elles peuvent se fixer sur le tissu adipeux, elles ont été détectées et dosées dans le sang, le tissu adipeux, le lait maternel, le liquide amniotique, le sang du cordon ou encore le lait maternel qui peut faire transiter 80 à 90% des substances toxiques réalisant chez le nouveau-né une absorption 10 fois plus élevée que chez l’adulte ;

- La majorité de ces substances sont des polluants organiques persistants qui s’accumulent dans les écosystèmes, avec une biodégradation lente et des effets rémanents, ils sont responsables d’une contamination faible certes, mais persistante ajoutant à ceci un effet d’amplification avec l’augmentation des concentrations à chaque étape de la chaine alimentaire ;

- Les PE sont des substances particulières dont la toxicité n’obéit pas au paradigme traditionnel qui veut que les effets d’un poison ou d’une substance toxique soient intiment reliés à sa dose. En effet, la relation entre la dose de ces substances et l’effet produit n’est pas linéaire, on assiste même à des effets plus prononcés à faible dose qu’à forte dose. D’autres notions sont également à prendre en considération telles que : la durée d’exposition et la période d’exposition ou fenêtre d’exposition avec une vulnérabilité plus accrue pendant la période de développement fœtale et les premières années de vie. En outre, ces différentes substances exercent entre elles des effets synergiques et cumulatifs constituant un effet cocktail.

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- Enfin les PE sont des composées sournois dont les effets se manifestent à l’âge adulte et pouvant se transmettent au fil des générations et ceci en interférant avec les mécanismes épigénétiques tels que la méthylation de l’ADN.

I.3. Principales substances identifiées comme PE et sources

Il existe deux sources potentielles pour les perturbateurs endocriniens :

I.3.1. Source naturelle

Il s’agit de :

- Phyto-œstrogènes qu’on retrouve dans certains produits végétales tels que le germe de luzerne, le soja, le pois chiche ou encore le froment. Bien que notre organisme soit en mesure d’éliminer aisément ces substances un risque lié à une très forte consommation doit être pris en considération.

- Hormones de synthèse dont la structure est identique à celle des hormones naturelles et dont le but est d’agir sur le système endocrinien et le moduler : les contraceptifs oraux, les traitements hormonaux substitutifs ou encore certains additifs alimentaires pour animaux en sont des exemples.

I.3.2. Source anthropique

De 1930 à 2004 la production de substances chimiques est passée de 1 million de tonnes à 400 millions de tonnes. Le nombre de substances commercialisées se situe aux alentours de 100.000 dont 30.000 sont produites à plus d’une 1 tonne chaque année en Europe, cette hausse de production s’est accompagnée ces dernières décennies par l’explosion de l’incidence de certaines pathologies qui bien qu’elles soient multifactorielles ont un lien étroit avec l’exposition à ce genre de substances. Ces substance sont devenues banales et font partie de notre quotidien il s’agit de produits utilisés dans l’industrie (produits d’entretien), l’agriculture (pesticides), des biens de consommations (additifs plastiques) ou encore des sous produits comme les dioxines, le tableau suivant présentes quelques exemples de perturbateurs endocriniens les plus connus (Duval et Simonot, 2010).

Page 45 I.4. Perturbateurs endocriniens et santé

Le nombre d’études scientifiques traitant des effets avérés ou éventuels d’une exposition aux toxiques hormonaux est assez conséquent. Ces études utilisent pour la plupart des modèles animaux (principalement murins) dont ils extrapolent les observations à l’homme. Toutefois, un certain nombre d’enquêtes épidémiologiques est également disponible traitant des conséquences de ces expositions au sein de la population générale ou de populations à risque (agriculteurs, ouvriers…etc.).

Les pathologies les plus susceptibles d’être attribués à une exposition aux PE sont résumées dans le tableau 1 :

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Dans ce qui va suivre nous nous intéresserons de plus près à un type particulier de perturbateurs endocriniens qui a fait couler beaucoup d’encre au cours de ces dernières années : il s’agit du Bisphénol A.

Tableau 1 : Pathologies susceptibles d’être la conséquence d’exposition aux perturbateurs endocriniens (Multigner et Kadhel, 2008)

Infertilité féminine Fausses couches Endométriose Puberté précoce Cancer du sein Thélarche Pseudohermaphrodisme Prématurité

Modification des paramètres anthropométriques à la naissance Modification du sex-ratio

Anomalies du développement de l’appareil génital Atteintes du neurodéveloppement Infertilité masculine Cancer de la prostate Cancer du testicule Dysfonctionnement érectile Pathologies thyroïdiennes Obésité Diabète de type II Troubles immunitaires

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Chapitre III : BPA et impact sanitaire