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II. Les cytokines de la famille IL-6/IL-12

1. Généralités sur les cytokines de la famille IL-12

La famille des cytokines de l’IL-12 est proche de celle de l’IL-6 puisque ces cytokines appartiennent aussi à la superfamille des cytokines de type I, dans laquelle les cytokines possèdent une structure de quatre hélices α. De plus, leur récepteur possède aussi un domaine hématopoïètine. Les cytokines de la famille de l’IL-12 sont des cytokines atypiques par leur structure. En effet, la caractéristique spécifique de ces cytokines vient de leur hétérodiméricité. À ce jour, cette famille est constituée de six membres (IL-12, IL-23, IL-27, IL-35, CLC/CLF et p28/CLF) qui sont proches des cytokines de la famille de l’IL-6 (Trinchieri, Pflanz et al. 2003). L’IL-12, en étant le premier membre caractérisé, représente le prototype des cytokines de cette famille. Elle a été identifiée à partir de lignée cellulaire B de lymphomes transformée par de virus de l’Epstein-Barr (Epstein-Barr virus ou EBV) (Kobayashi, Fitz et al. 1989). Le clonage des gènes codant l’IL-12 a permis de révéler une structure particulière (Gubler, Chua et al. 1991; Wolf, Temple et al. 1991). En effet, les cytokines de la famille de l’IL-12 sont constituées d’une sous-unité dite cytokinique associée à une sous-unité récepteur soluble, aussi nommée chaîne α du récepteur (Trinchieri 2003). L’IL-12 est ainsi composée de la protéine p35 (sous-unité cytokinique) qui possède la structure d’une cytokine de type I, associée à la protéine p40 (sous-unité α) qui possède les caractéristiques structurales de la région extracellulaire d’un récepteur de cytokine de type I (Figure 11). Ces deux sous-unités sont liées de façon covalente par un pont disulfure (Kobayashi, Fitz et al. 1989). Il est démontré que p35 est apparenté à l’IL-6 et que p40 est homologue à l’IL-6Rα, mais n’existe que sous forme soluble puisqu’il ne possède pas de séquence permettant un ancrage à la membrane plasmique (Trinchieri, Pflanz et al. 2003). Même si les gènes de p35 et de p40 se situent sur des chromosomes différents chez l’humain, la co-expression des deux sous-unités dans une même cellule est nécessaire à la formation d’un hétérodimère fonctionnellement actif. Bien que p35 possède une séquence

signal, elle n’est pas sécrétée seule, et sa sécrétion efficace requiert son association à la sous-unité p40 (Wolf, Temple et al. 1991).

Figure 11. Représentation schématique de la composition des différentes cytokines de la famille de l’IL-12.

Les chaînes IL-12Rβ1 et IL-12Rβ2, qui présentent une homologie de séquence avec les récepteurs de la famille du gp130, forment le récepteur fonctionnel de l'IL-12 (Figure 12) (Presky, Yang et al. 1996). La chaîne IL-12R2, en partie exprimée par les cellules de type Th1, confère à l’IL-12 sa spécificité de réponse. L’IL-12 joue un rôle immuno- régulateur au niveau des lymphocytes T et des cellules NK. Cette cytokine est

indispensable à la génération d’une réponse immunitaire de type Th1 et pour la défense de l’organisme contre des pathogènes intracellulaires. En effet, l’activation de l’immunité innée par la liaison de PAMP (pathogen-associated molecular pattern) au TLR (Toll-like receptor) induit la production d’IL-12 par les cellules présentatrices d’antigène (antigen- presenting cells ou APC) (Holscher 2004). L’IL-12 induit une production d’INF par les macrophages et les cellules dendritiques dépendante de l’activation de STAT4 (Figure 16) (Holscher 2004). L’IL-12 et l’INF favorisent la différenciation des lymphocytes T en cellules Th1 produisant de grandes quantités d’INF. De plus, l’IL-12 augmente l’activité cytotoxique des NK et favorise la génération des lymphocytes T cytotoxiques CD8+ (Holscher 2004). L’IL-12 possède aussi un effet anti-tumoral, mais s’est montré peu efficace et toxique lors d’essais précliniques (Trinchieri, Pflanz et al. 2003).

La sous-unité p40 de l’IL-12 peut également s’associer à la sous-unité p19, homologue à la p35, pour former l’IL-23 (Figure 11) (Oppmann, Lesley et al. 2000). Son récepteur contient une des chaînes du récepteur de l’IL-12, l’IL-12Rβ1, associée à la chaîne IL-23R (Figure 12) (Parham, Chirica et al. 2002). De façon similaire, la sous-unité p35 peut s’associer à la sous-unité EBI3 (Epstein-Barr virus-induced gene 3) et ainsi former l’IL-35 (Devergne, Birkenbach et al. 1997). La caractérisation de son récepteur n’a eu lieu que très récemment et révèle l’utilisation de la chaîne IL-12Rβ2, associée à la chaîne gp130 (Collison, Delgoffe et al. 2012). La figure 12 illustre les différentes sous-unités constituant ces cytokines ainsi que leur récepteur. Nous détaillerons plus spécifiquement deux d’entre elles (l’IL-27 et p28/CLF) dans les parties à suivre. L'expression coordonnée des sous- unités p35, p19 et p28 avec leur partenaire respectif au sein de la même cellule est indispensable pour leur sécrétion et par conséquent pour leur fonction biologique alors que les sous-unités p40 et EBI3 peuvent être sécrétées sous forme d’homodimère ou de monomère (Devergne, Birkenbach et al. 1997; Hunter 2005). Malgré leur proximité au niveau structural, ces cytokines peuvent présenter des disparités sur le plan de leur profil d’expression et de leurs fonctions.

Figure 12. Représentation schématique de la composition des différents récepteurs des cytokines de la famille de l’IL-12 et leur voie signalisation préférentiellement activées.

Bien que ces cytokines proviennent essentiellement des APC, des monocytes/macrophages et des cellules dendritiques, après activation (D'Andrea, Rengaraju et al. 1992; Macatonia, Hosken et al. 1995; Oppmann, Lesley et al. 2000) d’autres types cellulaires tels que les polynucléaires neutrophiles et les cellules de la microglie sont capables de les secréter (Suzumura, Sawada et al. 1998; Trinchieri 2003; Sonobe, Yawata et al. 2005).

Lors de réponses immunitaires, les lymphocytes T CD4+ naïfs peuvent se différencier en différents types de lymphocytes selon leur rôle, à savoir : lymphocytes Th1, Th2, Th17, T régulateurs (Treg), T auxiliaires folliculaires (Tfh) ou encore Th9 (Figure 13). Cette classification des cellules CD4+ est basée sur le profil d’expression de cytokines des lymphocytes ainsi que sur leurs fonctions auxiliaires (Zygmunt and Veldhoen 2011). Les cellules de type Th1 jouent un rôle prépondérant lors de réponses immunitaires contre des pathogènes intracellulaires et induisent la production d’IFNγ et d’IL-12. Ces lymphocytes de la voie Th1 sont aussi caractérisés par l’expression du facteur de transcription T-bet (T- box expressed in T cells) (Amsen, Spilianakis et al. 2009). Les lymphocytes CD4+ de la voie Th2 sont quant à eux impliqués dans la défense contre les pathogènes extracellulaires, dans l’immunité à médiation humorale ainsi que dans la réponse allergique (Zygmunt and Veldhoen 2011). Ils sont caractérisés par l’expression du facteur de transcription GATA-3 qui permet à ces cellules la production spécifique d’IL-4 et d’IL-5 (Amsen, Spilianakis et al. 2009). Enfin, le facteur de transcription RORγt (RAR-related orphan receptor gamma) dirige les cellules T CD4 vers la voie de différenciation Th17, qui est impliquée lors de maladies auto-immunitaires ou inflammatoires, mais qui permet aussi une réponse efficace contre certains agents infectieux tels que Candida albicans (Miossec, Korn et al. 2009). Ces cellules pro-inflammatoires produisent à ce moment-là de l’IL-17 et de l’IL-21 (Ghoreschi, Laurence et al. 2011). Afin que ce système ne soit pas uniquement activé, les cellules T CD4+ ont aussi la possibilité de se différencier en cellules T régulatrices, dites Treg. Cette voie de différenciation, dépendante de l’expression du facteur de transcription FoxP3 (forkhead box P3), permet la sécrétion de cytokines suppressives telles que l’IL-10, le TGFβ ou l’IL-35 et inhibe la prolifération d’autres lymphocytes T (Collison, Delgoffe et al. 2012). Ces cellules T régulatrices sont nécessaires au maintien de l’homéostasie immunitaire ainsi qu’à la prévention de l’auto-immunité. De plus, elles limitent l’immunité antitumorale (Zou 2006; Vignali, Collison et al. 2008).

Les cytokines de la famille de l’IL-12 sont principalement impliquées dans la régulation des réponses immunitaires Th1/Th2/Th17/Treg via les voies de signalisation MAP kinases, PI3 kinases, mais principalement via la voie Jak/STAT (Oppmann, Lesley et al. 2000; Mullen, High et al. 2001; Pflanz, Hibbert et al. 2004). Ainsi, l’IL-23 est une cytokine pro- inflammatoire impliquée dans la différenciation vers la voie Th17 (O'Shea and Paul 2002). L’IL-35 quant à elle, est dite suppressive, puisqu’elle induit la conversion de cellules T naïves en cellules Treg suppressives induites, aussi appelées iTreg (Collison, Delgoffe et al. 2012).

Figure 13. Représentation des différentes voies de différenciation possibles pour un lymphocyte T CD4+.