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Généralisation des travaux de Rubinstein et Sarnak par Cha

1.3 Courses de polynômes irréductibles

1.3.2 Généralisation des travaux de Rubinstein et Sarnak par Cha

1−q1−s = 1−qu1 est la fonction ζ du corps de fonctionsFq(T).

Il est connu que ces fonctions satisfont l’hypothèse de Riemann, comme l’a démontré An-dré Weil (voir par exemple [Ros02, Appendix] pour une preuve moderne due à Bombieri), au sens où la partie réelle de leurs zéros est toujours 1/2 (ou 0). La présence de zéros « triviaux » de partie réelle 0 est simplement due à la non primitivité de certains caractères modulo M. Pour la variableu=q−s, cela se traduit par le fait que les zéros inverses desL(u, χ) ont pour module √

q ou 1. Les zéros triviaux ne jouant pas de rôle dans la suite, on notera donc dans la suite γχ = √

qeχ les zéros inverses de module √

q de L(u, χ), et une indexation sur γχ portera sur l’ensemble des zéros inverses non triviaux deL(u, χ), comptés avec multiplicités.

1.3.2 Généralisation des travaux de Rubinstein et Sarnak par Cha

Nous pouvons maintenant détailler la transposition de la méthode de Rubinstein et Sarnak par Cha dans [Cha08] dans le contexte des polynômes irréductibles dans Fq[T].

Définition 1.34. Soient M, A1, . . . , AD ∈ Fq[T] avec A1, . . . , AD premiers avec M. On La question est désormais d’étudier la densité naturelle

δ(PM;A1,...,AD) := lim

i) Les densités logarithmiques précédemment étudiées faisaient intervenir des intégrales.

Ici, on travaille avec la densité naturelle d’un ensemble discret, on pressent donc que les intégrales apparaissant dans la méthode de Rubinstein et Sarnak doivent être remplacées par des sommes.

ii) On peut remarquer que l’on cherche directement une densité naturelle au lieu d’une densité logarithmique à cause du choix de la définition de nos fonctions de comptage.

Si l’on avait travaillé avec #{P | |P| ≤ X, PA modM} = π(blogqXc;M, A), il aurait fallu considérer une densité «q-logarithmique ».

iii) Le lecteur attentif peut naturellement se demander pourquoi ne pas considérer l’en-semblePM;A1,...,AD :=nx≥2|Pn≤xπ(n;M, A1)>· · ·>Pn≤xπ(n;M, AD)oet la den-sité limY→+∞ 1

Y

RY 0 1PM;A

1,...,AD(t) dt pour utiliser les mêmes techniques qu’avant. La raison est la suivante : on verra plus bas une formule explicite pour la quantité

X

1.3 Courses de polynômes irréductibles

valable pour tout X entier, et on ne peut certainement pas extrapoler cette formule explicite à la quantité

pour x réel. Notre seule porte d’entrée ne nous autorise donc qu’à manipuler des variables entières. On verra plus tard que cela crée de nouvelles difficultés liées à d’éventuelles relations de dépendance linéaire avec π.

Comme précédemment, on a besoin d’extraire la partie oscillante des PNn=1π(n;M, Ai), au-delà du terme principal Φ(M)1 qNN commun à toutes les progressions modulo M.

Définition 1.36. Pour tout M, A∈Fq[T] premiers entre eux et tout entier X ≥2 on pose

Ici encore, la première étape est d’établir l’existence d’une distribution limite.

Définition 1.37. SoitE :Z−→RD. On dit queE admet unedistribution limitelorsqu’il existe une mesure borélienne µ sur RD telle que pour toute fonction continue bornée f sur RD on a

Cha démontre alors la formule explicite suivante.

Théorème 1.38 (Cha, [Cha08]). Pour tout M, A ∈Fq[T] premiers entre eux et tout entier X ≥2 on a

i) On retrouve un terme (presque) constant qui fait intervenir le nombre de racines carrées de A modulo M. C’est à nouveau ce facteur qui est à l’origine du biais de Tchebychev dans ce contexte.

ii) L’apparition du facteur Bq(X) et des coefficients γγχ

χ−1 est dû au choix de Cha de considérer les courses entre les fonctions de comptage des polynômes irréductibles de degrés inférieurs à X et non pas de degrés égaux à X. Dans ce dernier cas, on peut établir la formule plus simple (qui permet de montrer la formule ci-dessus par sommation)

X

qX/2(Φ(M)π(X;M, A)πq(X)) =−c(M, A)1−(−1)X

2 − X

χ6=χ0

χ(A)X

γχ

eχX +o(1) quand X →+∞. Dans tous les cas, la présence d’un terme dépendant de la parité de X provient du caractère discret des sommes considérées.

Pour relier cette formule explicite à l’existence d’une distribution limite dont la défini-tion même fait intervenir des sommes, on a besoin de la version suivante du théorème de Kronecker-Weyl, que l’on appellera la version discrète de ce théorème.

Théorème 1.40 (Kronecker-Weyl discret). Soit θ1, . . . , θr des nombres réels. Alors le sous-groupe Γ ={e1n, . . . , ern|n ∈Z}deTr est équiréparti dans son adhérenceΓ. Autrement dit, pour toute fonction continue f :Tr −→C, on a

Xlim→+∞

1 X

X

n≤X

fe1n, . . . , ern=

Z

Γ

f(z) dµ(z)

µ est la mesure de Haar normalisée de Γ. De plus, si π, θ1, . . . , θr sont linéairement indépendant sur Q alors Γ =Tr.

Remarque 1.41. On voit deux grandes différences avec la version « continue » du théo-rème de Kronecker-Weyl. Tout d’abord, on ne prétend pas que Γ est un sous-tore de Tr. En effet, ce dernier peut admettre plusieurs composantes connexes en fonction des relations de dépendance linéaire sur Q entre π, θ1, . . . , θr (voir Theorem 1.52 plus bas). De plus, on voit apparaître dans la dernière affirmation une condition d’indépendance linéaire avecπ, qui s’explique par le fait que si a est un rationnel alors eiaπn prend des valeurs discrètes dans T pour n∈Z. On y reviendra bien plus en détails dans la section 1.4.

À l’aide de ce théorème et de la formule explicite précédente, Cha établit l’existence d’une distribution limite µM;A1,...,AD pour la quantité EM;A1,...,AD lorsque A1, . . . , AD ∈ Fq[T] sont deux à deux distincts et premiers avec M. On notera que le terme Bq(X) de la formule explicite peut se réécrire q+

q

2(q−1) +eiπX q

q

2(q−1), de sorte que, hormis le reste o(1), la formule explicite ne fait intervenir que des termes de la forme aeibX avec a, b ∈ R, ce qui permet d’appliquer la version discrète du théorème de Kronecker-Weyl.

L’étape suivante consiste, comme dans les travaux de Rubinstein et Sarnak, à établir l’existence de la densité naturelle δ(PM;A1,...,AD) en passant des fonctions continues bornées sur RD à l’indicatrice de {(x1, . . . , xD)∈RD |x1 >· · ·> xD}. À nouveau c’est une certaine

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régularité de la distribution limite µM;A1,...,AD qui permet cela, et Cha introduit alors une hypothèse d’indépendance linéaire similaire à GSHpour les fonctions L de Dirichlet modulo M, que l’on notera GSHM.

Conjecture 1.42 (GSHM). Le multi-ensemble

(où l’on rappelle que XM désigne l’ensemble des caractères de Dirichlet modulo M) est li-néairement indépendant sur Q.

Remarques 1.43.

i) La condition 0≤θπ est analogue à la conditionγ ≥0 dans l’hypothèseGSH: tout comme dans le cas des fonctionsLde Dirichlet modulo un entier, les zéros viennent par paires. Siα=√

qe avec 0≤θπ est un zéro inverse de L(u, χ) alors q/α=√ qe−iθ est un zéro inverse deL(u, χ) d’après l’équation fonctionnelle vérifiée par les fonctions L de Dirichlet modulo M, avec −π≤ −θ ≤0.

ii) Le caractère discret de la situation impose de faire l’hypothèse d’indépendance linéaire avec π. Disons tout de suite que, contrairement à ce qui est conjecturé pour l’hypo-thèseGSH, l’hypothèse GSHM n’est pas toujours vérifiée. L’auteur de ces lignes ignore cependant si l’on connaît des polynômesM tels que le multi-ensemble{θ ∈]0, π[| ∃χ∈ XM,L(q−1/2e−iθ, χ) = 0} (noter les crochets ouverts) ne soit pas linéairement indé-pendant sur Q.

Ainsi, bien que la situation semble plus facile dans ce cas en raison de la présence d’un nombre fini de zéros, son caractère discret la complique techniquement.

Une fois ce travail préliminaire fait, les démonstrations des résultats suivants sont simi-laires à celles de Rubinstein et Sarnak.

Théorème 1.44(Cha, [Cha08]).SoitM ∈Fq[T]etA1, . . . , AD ∈Fq[T]deux à deux distincts

Cha obtient également des résultats similaires à ceux de Rubinstein et Sarnak pour la course entre les carrés et les non carrés modulo M dans le cas où M est irréductible. Celui-ci montre, en supposant GSHM (ou plus précisément en faisant l’hypothèse d’indépendance linéaire usuelle pour les zéros inverses de la fonction L de Dirichlet associée au symbole de Legendre M· modulo M), que le biais de Tchebychev est toujours présent au sens où δ(PM;N,R)> 12, avec n’admet que des zéros triviaux. On a alors la formule explicite

X à partir d’un certain rang X.