1.2 Amidon de pomme de terre
1.2.3 Traitements hydrothermiques de l’amidon
1.2.3.1 Gélatinisation et empesage
Lorsque l’amidon est chauffé au-delà de 60°C, en présence d’un excès d’eau (teneur
supérieure à 60 %), et sous agitation modérée pour éviter la sédimentation des grains, il se
produit un phénomène irréversible appelé gélatinisation (Boursier, 2005). Il s’agit de la
disparition de l’état cristallin accompagné d’un gonflement irréversible des grains d’amidon et
à la solubilisation de l’amylose.
Les liaisons hydrogènes au sein des grains d’amidon, assurant la structure cristalline de
l’amidon, sont fragilisées entraînant une absorption d’eau et le gonflement irréversible des
grains d’amidon (Olkku and Rha, 1978). La température à laquelle se produit ce phénomène
est la température de gélatinisation. Elle correspond à la température à laquelle la structure
cristalline disparaît. La gélatinisation est ainsi facilement détectée par la perte progressive et
simultanée de la croix « noire » de polarisation (figure 16) et de la cristallinité des grains
d’amidon. Le gonflement très rapide du grain d’amidon est limité sur une plage de
température de 1 à 1,5°C. Le gonflement de tous les grains est obtenu sur une plage de
température de 10 à 15°C (Boursier, 2005).
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Figure 16 : Traitement thermique en excès d’eau d’un amidon de pomme de terre observé sous microscope optique (Dubal, 2016).
Au-delà de cette température de gélatinisation, la viscosité augmente et conduit à la
destruction de la structure granulaire. Il s’agit de l’empesage. L’amylose s’échappe du grain
d’amidon via les canaux amorphes et la structure poreuse du grain d’amidon. Ce phénomène
conduit à la formation de l’empois d’amidon. Au-delà de l’empesage, si la température
continue à augmenter, les grains résiduels éclatent provoquant une chute de la viscosité et une
solubilisation supplémentaire des constituants de l’amidon. La solubilisation est totale au-delà
de 100°C.
L’empois d’amidon est défini comme étant une suspension de grains gonflés, enrichis en
amylopectine, et partiellement éclatés dans un milieu continu de macromolécules solubilisées,
principalement de l’amylose, qui ont diffusé hors des grains, (Buléon, Colonna et al., 1990).
Le fait que la phase continue soit constituée d’amylose solubilisée et la phase discontinue de
fantômes de grains d’amidon enrichis en amylopectine s’explique en grande partie par
l’incompatibilité thermodynamique de l’amylose et de l’amylopectine.
Le comportement de gélatinisation de l’amidon de pomme de terre (de type B) est caractérisé
par la concomitance de la solubilisation de l’amylose et du gonflement du grain d’amidon. A
l’opposé, les amidons de céréales (de type A) sont caractérisés par une première étape de
gonflement limité à la température de gélatinisation, suivie à 90°C d’un second gonflement
accompagnée d’une solubilisation plus marquée (Buléon, Colonna et al., 1990).
La gélatinisation est une réaction endothermique, elle peut s’observer par analyse enthalpique
différentielle. Cette technique est couramment utilisée pour détecter les transitions de phase.
La transition de gélatinisation se présente sous la forme d’un endotherme caractérisé par des
températures caractéristiques (température initiale, température du pic et température finale)
et une enthalpie de gélatinisation. La figure 17 présente les thermogrammes de l’amidon de
pomme de terre et de l’amidon d’orge. Généralement, une haute température de gélatinisation
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et un pic endothermique étroit suggèrent un ordre moléculaire important (Vamadevan and
Bertoft, 2015). La température de gélatinisation de l’amidon de pomme de terre évaluée par
analyse enthalpique différentielle est de 65°C (Bauer, Badoud et al., 2010).
Figure 17 : Thermogrammes d’amidon de pomme de terre (trait plein) et d’amidon d’orge (trait pointillé) en excès d’eau obtenus par analyse enthalpique différentielle. Les températures de transition de gélatinisation sont notées To pour la température initiale, Tm pour la température du pic et Tc pour la température finale (Vamadevan and Bertoft, 2015).
L’un des outils les plus couramment employés pour suivre la gélatinisation de l’amidon est le
Rapid Visco Analyser
(RVA, analyseur rapide de viscosité, Perten, Suède). Cet instrument
est configuré pour simuler les profils de chauffage et de refroidissement des process
industriels. Le profil de gélatinisation obtenu est un enregistrement de la viscosité en fonction
de la température, de la vitesse de cisaillement et du temps. Ces profils (figure 18) fournissent
une multitude d’informations dont notamment la température de gélatinisation, le pic de
viscosité (Vamadevan and Bertoft, 2015). On peut noter que le pic de viscosité de l’amidon de
pomme de terre est le plus important (550 RVU) par comparaison avec les autres amidons
testés. Cette différence est attribuée aux groupes phosphates estérifiés présents dans l'amidon
de pomme de terre et à une plus grande quantité d’amylose solubilisée dans la phase continue
en raison du fort degré de gonflement des grains d’amidon de pomme de terre (Vamadevan
and Bertoft, 2015). Le pic de viscosité est une mesure du pouvoir épaississant de l’amidon.
Par contre, la perte de viscosité suite au pic de viscosité est plus importante pour l’amidon de
pomme de terre que pour les autres amidons. Cette information est indicative de la faible
résistance de l’amidon de pomme de terre à la cuisson et au cisaillement, par rapport aux
autres amidons testés (Bauer, Badoud et al., 2010).
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Figure 18 : Profils de gélatinisation de l’amidon de pomme de terre, l’amidon de tapioca, l’amidon de maïs, l’amidon de blé, l’amidon d’orge obtenus en utilisant le Rapid Visco Analyser. La température de gélatinisation est notée PT, le pic de viscosité est noté PV (Vamadevan and Bertoft, 2015).