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Fumbuni et Dembeni dans le Mbadjini : gardiens du temple ?

Réalisation du grand mariage et développement du village 5.1 « Shewo rangu » : l’honneur avant tout (le couple grand mariage et

carte 7. Une nouvelle géographie du grand mariage

5.3.2 Fumbuni et Dembeni dans le Mbadjini : gardiens du temple ?

Les cartes précédentes (cartes 6 et 7) indiquent les localités de Wela, Mbeni, Banbadjani, Gnadomboeni et Mnungu au Nord et surtout Fumbuni et Dembeni au sud comme les fervents gardiens de la tradition. Les dépenses du grand mariage y sont, pour ainsi dire, « illimitées ». A Fumbuni, toutefois, un mouvement de fronde mené par les intellectuels de la cité a fendu

une brèche dans le béton du Anda. De plus en plus de personnes 75 adhèrent à cet élan de

réformes et deux tendances se dessinent : -les katiba (réformateurs)

-les anti-katiba (anti-réformateurs) qui restent dominants

5.4 Budget estimatif du grand mariage

Il serait extrêmement ambitieux de tenter d’établir un budget du grand mariage qui soit cohérent car d’abord le système trouve sa justification dans l’imprévisible et l’improvisation et ceux qui se sont aventurés à essayer d’en contrôler les dépenses l’ont compris à leur dépens, par des injures et humiliations adressées à leur personne et à leur lignage, ensuite le grand mariage est une affaire de moyens, ceux qui en disposent plus en dépensent plus ou l’inverse. Enfin selon les localités le coût varie du simple à « l’illimité… ».

Voici toutefois une ébauche de budget moyen anonyme pour avoir une idée des chapitres des dépenses proéminentes :

Tableau 8. Budget estimatif du grand mariage Montant

Désignation Quantité KMF Euro

Préliminaires Dragla 1 500 000 1 0116,26 Djoho 1 300 000 609,76 Djouba 3 75 000 152,44 Miharouma 3 22 500 45,73 Nkandou 5 125 000 254,07

Kofia 5 250 000 508,13

Bouchouti+divers 2 500 000 1 016,26

Riz (sac) 170 2 040 000 4 156,34

Toureau Mpahamoizi 1 350 000 711,38

Mtsamiyo ya hirimu ya wunamdji 1 50 000 101,63

Sous total 1 4212 500 8561,99

Source : auteur

Les dépenses

Mdhoihiricho (officialisation) 75 000 152,44

Mdhoihiricho (samdi suivant) 3 135 000 6 371,95

Semaine cérémonial dimanche suivant chez le mari

1940 000 3943,09

Lundi suivant chez la femme 1 100 000 2 235,77

Mercredi suivant (Mdrégo wa saya

125 000 254,07

Jeudi suivant : Madjilisse 270 000 548,78

Vendredi suivant Djaliko 405 000 823,17

Samdi suivant toirab

Dimanche zifafa 3 390 000 6 890,24

Kesso (mercredi) 340 000 691,06

TOTAL GENERAL 14 917 500 30 320

Source : auteur

De telles sommes d’argent sont hors de portée des indigènes qui s’en remettre à la diaspora et à défaut se sacrifient à l’aventure migratoire.

Nous voulons insister sur le fait que ces chiffres varient fortement en fonction des régions, du positionnement à la réforme. Le grand mariage est semblable à un puzzle dont voici une des pièces.

5.5 Le « Mdji » (arrondissement coutumier)

Au même titre que la coutume du Anda, le village « mdji » est un identifiant prépondérant dans l’échiquier social de Ngazidja et nous présentons ici l’étendue de son influence sur

l’individu à la Grande Comore. Le terme « mdji »(village, localité) véhicule diverses significations et nuances que nous allons expliquer.

Le « village » chez le migrant Grand comorien :

La grande majorité des migrants Grand-Comoriens placent la considération villageoise au- dessus de toute autre valeur sociale.

Soef Elbadaoui76 définit le rapport de cette manière : « A priori, c’est le village qui socialise

le Comorien. Etre d’un village, c’est être un animal formaté pour agir comme tous les autres. Je caricature un peu mais le villageois reste cet animal qui rassure les siens. C’est presqu’un être parfait aux yeux de ses semblables… »

Ne pouvant compter que sur eux-mêmes pour développer leur village77, les migrants

comoriens en France, animés d’une détermination à toute épreuve se lancent dans des projets personnels et collectifs mis en chantier dans leur localité d’origine . Ils y consacrent le temps, l’énergie et les ressources qu’ils peuvent déployer. Regroupés dans des ensembles associatifs réticents à toute fédération à une plus grande association de peur d’entamer leur autonomie, ils vivent à l’heure du village natal.

Pour Blanchy (2008), « le cadre de vie sociale aux Comores est le village dont les propriétaires, ceux qui y sont nés, se distinguent des résidents qui sont venus s’y marier […] La première image d’un village est celle d’une communauté qui se différencie des autres et ce parfois à l’occasion des conflits avec l’extérieur, avec d’autres communautés. Un gros village assez cosmopolite quant à l’origine de ses habitants et leur niveau social, peut trouver une unité nouvelle lors des disputes avec un village voisin ».

La notion de « mwigni mdji »78 : cette notion est essentielle pour l’identification des individus. Les Comoriens peuvent se reconnaitre, faire connaissance, se situer mutuellement et approfondir leurs relations grâce à quelques interrogations permettant l’identification dont les réponses véhiculent un certain nombre de données significatives.

Répondre par un nom de village, à la question « we mdahu ? » : d’où es-tu originaire ?, fournit à l’interlocuteur une première gamme d’informations : village rural ou zone urbaine, village de cultivateurs ou village de pêcheurs, village lié par des alliances préférentielles avec tel réseau de villages etc.

La mention du quartier peut dans certains cas, renseigner sur l’origine noble ou servile de la famille.

76 Ecrivain et homme de théâtre comorien

77 L’Etat comorien, embourbé complètement dans le sous développement et son corollaire 78 Littéralement : propriétaire de village c’est-à-dire un résident originaire dudit village

La deuxième question identificatoire est : « we mwana ndo ? » de qui es-tu l’enfant ? Selon Blanchy, la question n’est pas étroitement orientée sur le père et la mère de l’individu. Pour se faire identifier facilement, on répondra par le nom d’un ascendant connu, ou qui a le plus de chance d’être connu de l’interlocuteur.

Ainsi la qualité du « mwigni mdji » est fondée sur des réseaux de relations et de participation. Appartenir à la communauté villageoise, à l’origine, c’est être placé dans une position par sa naissance. Ce lien au village est tout d’abord symbolisé par la maison maternelle. Mais pour l’individu, plus qu’une position, c’est sa vie participative et active qui fonde sa qualité de membre du village.

Les « Midji »79de Ngazidja

« Les géographes distinguent habituellement la vie des villes et celle des campagnes. Mais aux Comores, la ville ou le village est l’endroit où l’on vit, tandis que la campagne et la mer sont les lieux de travail » (Vérin, Battistini, 1986). Les Comoriens ne font pas, en effet, la distinction entre la ville et le village. Le terme « mdji » désigne toute sorte d’agglomération humaine. Des qualifications adjointes vont expliciter les différents sens que recouvre le terme. On dira alors :

« Mdji mhuu » pour désigner une grande ville. « Mdji mtiti » pour une petite ville (village)

« Mdji wa yézi » : une capitale politique. « Mdji yitreya » : hameaux périphériques

L’opposition ville –village n’est pas pertinente chez le Comorien qui préfère aux critères qui se rapportent à la différentiation démographique, architecturale ou fonctionnelle, la hiérarchie traditionnelle.

Les villes s’échelonnent ainsi par ordre croissant : « Mdji wa yezi » : capitale de sultanat

« Mdji wa yézi » : encore même s’il s’agit d’une capitale d’un sultanat secondaire « Mdji ndzé » : localité ordinaire

« Mdji – yitreya » : hameau périphérique soumis à un mdji wa yezi Le classement des localités de Ngazidja donne en haut de la hiérarchie : Fumbuni dans le sultanat de Mbadjini

Iconi dans le Bamabao

79 Midji : pluriel de mdji

Ntsoudjini dans le Itsandra

Mitsamihuli Mdjini dans le Mitsamihuli En second lieu sont rangés les villes de : Mbeni dans le Hamahamé

Mdjoiyézi dans le Hambuu Ntsaweni dans le Mbudé