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Freins à la coopération entre l’Inde et la Chine

3 Apports politiques des programmes spatiaux

3.3 Approche comparée Inde – Chine

3.3.4 Freins à la coopération entre l’Inde et la Chine

La Chine s’est déclarée disposée à coopérer avec d’autres États, au premier chef desquels

l’Inde, dans le domaine des études spatiales

116

. Cependant je ne suis pas optimiste quant à

l’idée d’une coopération effective entre les deux pays pour l’ensemble des raisons

suivantes :

l’Inde ne fait pas partie de l’Apsco

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(mais bien le Pakistan, allié de la Chine), la

coopération spatiale régionale exclut donc l’Inde au profit du Pakistan ;

l’Inde ne donnerait jamais volontairement des informations utiles militairement (ex :

technologie liée aux missiles) à ses rivaux potentiels (Pakistan, Chine) et

réciproquement ;

l’Inde se doit de respecter la volonté américaine concernant les règles de non transfert

de technologie vis-à-vis de la Chine si elle désire continuer à bénéficier de l’aide

technologique américaine dans le cadre de son propre programme spatial ;

tant qu’il y aura des conflits frontaliers (fussent-ils limités) liés à des revendications

territoriales (ex : Arunachal Pradesh), la coopération semble difficile ;

la Chine n’a aucune intention de partager des informations dans des domaines tels que

le vol habité

118

où elle est largement en avance par rapport à l’Inde. Ce qui explique aussi

115

Voir SOLOMONE Stacy, China’s strategy in space, Springer editions, New York, 2013, p. 59. / ALIBERTI Marco, When China

goes to the Moon, ESPI (European Space Policy Institute), « Studies in Space Policy » collection, Springer International

Publishing AG editions, July 2015, p. 31. 116

« L’Inde et la Chine à la conquête de l’espace », Sputniknews.com (anciennement « la voix de la Russie »),

4 décembre 2013, disponible à l’adresse suivante :

http://fr.sputniknews.com/french.ruvr.ru/2013_12_04/LInde-et-la-Chine-a-la-conquete-de-lespace-8901/ (consultée le 15 avril 2014).

117

Apsco : Asia Pacific Cooperation Organization. Les pays fondateurs comptent la Chine et le Pakistan. Le but étant d’assurer la coopération et la promotion des activités spatiales pacifiques entre les pays membres. Ceux-ci sont : la Chine, la Mongolie, la Thaïlande, l’Indonésie, l’Iran, le Pakistan, le Bangladesh, le Pérou et la Turquie. Le quartier général de l’organisation est Beijing. Voir l’annexe 23 pour plus de détails.

118

Analyse comparée de la politique spatiale de deux pays émergents: Inde et Chine 42

pourquoi l’hypothèse d’une coopération triangulaire Chine-Inde-Russie est également à

rejeter, d’ailleurs l’Inde écarte également cette idée

119

;

 selon moi la priorité en termes de coopération pour la Chine serait :

o

d’abord une collaboration bilatérale avec une puissance spatiale majeure afin de

maximiser ses chances de succès techniques et d’avoir des partenaires ayant les

reins solides au niveau financier pour gérer des projets ambitieux (ex : base

lunaire). Ceci permettrait à la Chine d’en tirer un prestige utile à son soft power.

Dans ce cas la Chine exigera d’être traitée au moins d’égal à égal avec une autre

puissance (je pense aux USA, à la Russie ou à l’Europe) ;

o

ensuite seulement dans le cadre d’un « Plan B » une coopération multilatérale au

niveau régional via l’Apsco où la Chine serait considérée comme le « leader

naturel ». Cependant la Chine préfèrera toujours une coopération bilatérale avec

une puissance spatiale majeure lui offrant plus d’avantages politiques ;

o

toute collaboration bilatérale avec l’Inde dans le cadre d’un « Plan C » serait

envisagée en tout dernier ressort, aucune des deux nations ne le voulant

vraiment. Pour information une collaboration avec le Japon serait impossible vu la

mésentente profonde entre ces deux nations (sans compter le nécessaire aval

préalable des USA).

Ces freins à la coopération entre ces deux États sont selon moi en ligne avec la vision des

relations internationales des réalistes. Selon ces derniers la coopération entre États-Nations

est très difficile

120

pour des raisons de confiance (absente entre la Chine et l’Inde), de

recherche de ses propres intérêts après analyse rationnelle de la situation (selon un rapport

coût/bénéfices de ses actes éventuels) et d’anticipation d’un conflit potentiel. Dans cette

optique, les États puissants tentent de maintenir l’ordre dans le système. Mais en situation

de déséquilibre de la puissance, ceux-ci n’hésitent pas à intervenir militairement (ce qui fut

déjà le cas entre l’Inde et la Chine lors de l’intervention militaire de 1962, un nouveau conflit

est théoriquement possible tant que les frontières restent contestées). Dès lors, la guerre et

la menace de guerre sont dans les relations internationales à l’horizon des décisions

stratégiques et politiques. Les tenants du réalisme ont une vision pessimiste des relations

internationales dans laquelle les États entrent forcément en conflit armé tôt ou tard, à cause

de l’anarchie du système international et de la quête de puissance des États pour assurer

leur survie. Cette vision permet ainsi de comprendre le manque de coopération entre ces

deux puissances émergentes.

119

ALIBERTI Marco, When China goes to the Moon, ESPI (European Space Policy Institute), « Studies in Space Policy » collection, Springer International Publishing AG editions, July 2015, p. 251-252.

120

PAQUIN Stéphane et DESCHÊNES Dany, Introduction aux relations internationales - Théories, pratiques et enjeux, éditions Chenelière éducation, 17 août 2009, p. 10.

Analyse comparée de la politique spatiale de deux pays émergents: Inde et Chine 43

Afin de ne pas noircir le tableau, notons toutefois qu’il existe une coopération de nature

juridique entre les deux pays.

La Chine soutenue par l’Inde, (ainsi que la Russie et le Canada d’ailleurs), considère que les

instruments juridiques ne sont pas adaptés pour empêcher une course aux armements dans

l’espace. C’est pourquoi elle a proposé à plusieurs reprises dès l’an 2000 la mise en place

d’un Comité ad hoc pour la prévention d’une course aux armements dans l’espace

extra-atmosphérique (faisant suite à la résolution « Paros» du 9 décembre 1982) à la

Conférence des Nations Unies

121

sur le désarmement.

Comme mentionné à l’annexe 23, il existe aussi une coopération internationale (au niveau

de l’Onu) où les deux nations coopèrent, par exemple dans le domaine humanitaire (gestion

des catastrophes majeures).

Les agences spatiales européenne (Esa) et française (CNES) ont fondé la « charte

internationale

Espace

et

Catastrophes

majeures

122

»

entrée

en

vigueur

le

1

er

novembre 2000. La Charte propose un guichet unique permanent et gratuit d’acquisition

de données satellites dans les cas de catastrophes d’origine naturelle ou humaine. Chaque

agence membre s’engage à fournir des données (prises de vue spatiales des sites

concernés) afin d’atténuer les effets des catastrophes sur la vie des gens et de faciliter les

secours. En Asie la CNSA chinoise, l’ISRO indienne, la JAXA japonaise et le KARI

123

sud-coréen ont signé cette Charte. Le document a aussi été signé par les agences spatiales

russe (Roscosmos), canadienne (CSA

124

), anglaise (UK Space Agency), allemande (DLR

125

),

argentine (CONAE

126

) et la NOAA

127

américaine.

Les perspectives de coopération ne détrôneront jamais les objectifs de primauté politique,

de supériorité et de souveraineté technologique liée au spatial.

121

La conférence du désarmement est un forum de discussion sur les armements dans le cadre de l’Onu. C‘est là qu’ont été négociés des traités importants tels que le traité de non prolifération nucléaire ou le traité d’interdiction complète des essais nucléaires.

122

« International Charter Space and Major Disasters », disponible à l’adresse suivante: https://www.disasterscharter.org/web/guest/home (consultée le 15 décembre 2014).

123

Korea Aerospace Research Institute. 124

Canadian Space Agency. 125

German Aerospace Centre (« DLR » en allemand). 126

Comision Nacional de Actividades Espaciales. 127

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