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La francophonie, un atout pour le dialogue stratégique et la coopération sécuritaire régionale

Dans le document Francophonie et profondeur stratégique (Page 35-39)

Si l’on o ue la pro l ati ue de la fran ophonie au Maghre sous l’angle de la profondeur strat gi ue, il est

tentant de la comprendre dans une perspective de rapport de force politico-militaire – le glacis – à usage et au bénéfice de la France seule, où la pratique ou non de la langue française départage les acteurs locaux en alliés, adversaires, rivaux, etc. Pourtant, si la question de la francophonie dans cette région, vu la charge historique, affective

et id ologi ue u’elle ontinue à véhiculer, reste à manier avec précaution, elle doit désormais être envisagée par

l’ense le des a teurs appartenant à ette aire linguisti ue o e un fa teur fa ilitant les rappro he ents, la

confiance et la coopération, en particulier dans les domaines de la sécurité et de la défense.

Une telle perspe ti e peut tre fa ilit e par le fait ue ’est au sein des pou oirs r galiens, o e la diplo atie ou la

défense, et plus particulièrement dans les forces armées, que le français conserve une place de choix comme langue de travail et de communication en interne69 o e à l’e t rieur. Si e onstat aut pour les trois pays du Maghre entral, alors e ue les l gislations nationales i posent dans es se teurs o e dans d’autres (la justi e en

particulier l’usage de l’ara e en tant ue langue de sou erainet , il re t une a uit parti uli re on ernant l’Alg rie, où, o e on l’a u, la langue française onser e une forte harge pol i ue. On re ar ue ainsi ue l’ar e

nationale populaire algérienne, pilier de l’État et gardienne par e ellen e des aleurs nationalistes, reste l’un des

secteurs les plus francisés – du moins au niveau des officiers supérieurs –de l’État70

. En revanche, la Mauritanie, pour des raisons liées à son histoire récente, a vu son appareil militaro-sécuritaire devenir largement arabisé, et ce au

d tri ent du français. Cette situation est le r sultat d’une oop ration ise en pla e a e des pays ara es o e l’Alg rie et l’Irak, ais aussi du fait u’il n’y a plus de ilitaires d’origine négro-africaine, auparavant majoritaires au

sein de l’ar e, depuis la fin des ann es .

Le fait que ces pays ont une coopération ancienne et souvent poussée dans les domaines militaro-sécuritaires avec la France, et que leurs forces armées ont ét pour une part i portante ar u es par l’influen e française dans leur

formation et leur fonctionnement, ne suffit pas toutefois à expliquer cette situation. Les appareils de défense au Maghreb occupent une place particulièrement importante au sein des appareils d’État et et tat de fait est

probablement amené à durer, quelles que soient les évolutions politiques à venir. Depuis plusieurs années, les armées maghrébines se consacrent à la modernisation et à la profession-nalisation de leurs moyens humains et matériels, dans un contexte stratégique régional fragile et incertain. Il en découle un besoin roissant de onta ts a e l’e t rieur, par le iais de for ations, d’ hanges, d’e er i es o uns71. À partir de là, la dimension linguistique prend toute son

i portan e, ar en tant de andeur de for ations aupr s de la Fran e, ’est dans sa langue ue l’on entend tre for . Le français appara t don ien o e un e teur pri ordial d’ou erture ers l’e t rieur pour les adres

supérieurs et intermédiaires des ar es aghr ines. L’effort de pro otion du français au profit de es at gories

68Rachid Ghannouchi, leader du parti Ennahdha majoritaire au sein de l’actuel gouvernement tunisien, a ainsi déclaré le 26 octobre 2011 à Radio Express FM : « Nous sommes arabes et notre langue, c’est la langue arabe. On est devenu franco-arabe, c’est de la pollution linguistique.» Au

Maroc, où existe un fort clivage entre les médias arabophones et francophones, l’actuel gouvernement dominé par le Parti de la justice et du développement (PJD) a tenté de remettre en cause, à travers une réforme de l’audiovisuel, la diffusion à une heure de grande écoute du journal

télévisé en français de la chaîne publique 2M.

69 Les forces armées royales, de même que la gendarmerie royale et les forces auxiliaires marocaines ont ainsi fait le choix du français comme langue de travail.

70 Flavien BOURRAT, « L’armée algérienne: un État dans l’État ? », Les Champs de Mars, no 23, Paris, La Documentation française, 2012, p. 21-37. Rémy LEVEAU, Le Sabre et le Turban, Paris, Éditions François Bourin, 1973, p. 210-212.

71 Pour les trois pays, des formations existent également aux États-Unis et, dans le cas de l’Algérie, dans la Fédération de Russie, ce qui suppose une maîtrise des langues de ces deux États. La connaissance de la langue russe au sein de l’armée nationale populaire algérienne est rendue nécessaire, y compris parmi les personnels techniques, en raison du partenariat privilégié existant depuis 1962 entre les deux pays dans le domaine de

d’a teurs tati ues ne doit ependant pas se porter seule ent en a al, à tra ers des for ations dispens es en Fran e, ais s’e er er aussi en a ont, dans les pays on ern s, de manière que les personnels intéressés puissent déjà

disposer d’un agage linguisti ue suffisant.

Il on ient par ailleurs de prendre en o pte le fait ue l’a tuelle onne a trise du français par les adres des

armées maghrébines repose sur une formation reçue avant les réformes des années 1970-80. Sachant que cette

situation est a en e à durer en ore un ertain te ps, d’autant ue la rel e des offi iers haut grad s se fait plus tardi e ent dans les pays du Maghre (et d’une ani re g n rale dans le onde ara e u’ailleurs dans le onde, la

question de la connaissance du français ne manquera cependant pas de se poser lorsque cette génération cédera la place à des officiers formés en langue arabe.

La formation en France

Elle concerne depuis longtemps les armées marocaines et tunisiennes. Cette démarche est facilitée par le fait que la

for ation ilitaire sup rieure dans les deu pays s’inspire du od le français. Les offi iers l es ou stagiaires en

école de formation initiale (Écoles spéciales militaires, É ole na ale, É ole de l’air sont s le tionn s par on ours pour le uel un on ni eau de français est essentiel. Dans le adre des oles ult rieures (É ole d’ tat-major, École supérieure de guerre), les stagiaires envoyés en France par le ministère de la Défense tunisien sont sélectionnés parmi les têtes de promotion, la maîtrise du français étant un critère déterminant.

En re an he, la reprise de la for ation de ilitaires alg riens ne s’est faite u’à partir de dans les do aines de la

gendar erie, de la sant et à l’É ole de guerre, ainsi ue dans les oles d’offi iers et d’appli ation. Le olu e des

personnels ainsi formés est en hausse, mais reste modeste, compte tenu des difficultés côté français à accroître

l’offre, et, ôt alg rien, à fournir des personnels maîtrisant suffisamment la langue française72. Ce point illustre bien

l’a iguït de la situation du français au Maghre , ui, algr l’aug entation du no re de ses lo uteurs, fait fa e à

une baisse de son niveau, particulièrement perceptible au plan professionnel. Les personnels militaires ne font pas exception, que ce soit en Algérie, mais aussi en Tunisie et au Maroc. Sans pour autant généraliser, il existe dans ce

do aine un d alage entre les nou elles g n rations d’offi ierset les pr dentes, u’il faut i puter à la d gradation et au al as de l’enseigne ent des langues, nota ent d oulant de la politi ue d’ara isation en e dans les

années 1970 et 1980 dans les trois pays.

L’e seig e e t du f a çais e ilieu ilitai e aghrébin

Il est dispensé dans le cadre de la coopération bilatérale de défense existant entre certains pays et la France. En effet, la baisse de niveau observée rend nécessaire et même obligatoire que des cours de français soient donnés aux futurs stagiaires se rendant en Fran e, afin ue la for ation reçue dans le adre de l’enseigne ent ilitaire sup rieur leur soit profita le. Le renfor e ent ou la r introdu tion de l’enseigne ent du français est don un a e ajeur d’effort de

la coopération de défense française au Maghreb, en particulier en Algérie où il y a un vide à combler.

Con ernant l’Alg rie, si la parti ipation d’enseignants français en ilieu ilitaire est pour le o ent lo u e, des

professeurs algériens financés par la Direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère

français des Affaires trang res enseignent la langue française à l’É ole ilitaire polyte hni ue. En Tunisie, les ours sont dispens s par l’Institut français de Tunisie, dans le adre d’une on ention ilatérale. Les officiers de la mission

française de oop ration parti ipent gale ent à ette for ation, nota ent dans le do aine de l’e pression rite.

Au Maroc, cette formation, dont les modalités sont semblables à celles appliquées en Tunisie, est étendue à des

ilitaires de pays d’Afri ue su saharienne ayant eu -mêmes des relations de défense avec Paris et Rabat.

72À l’exception des personnels de la gendarmerie nationale algérienne, dont les candidats proposés maîtrisent bien le français. On retrouve cette

La f a opho ie, fa ilitateu des elatio s e t e le Magh e et l’Af i ue su saha ie e

Le dernier point évoqué au paragraphe précédent est particulièrement évocateur des possibilités existant de voir le français devenir, de langue de communication, la langue régionale de coopération y compris en matière de défense et

de s urit . La fran ophonie, à partir du o ent où elle n’est plus perçue o e l’instru ent e lusif de proje tion de la politi ue française dans la r gion, pourrait ainsi onstituer la he ille per ettant d’arti uler et de onsolider les liens entre le Maghre et l’Afri ue su saharienne. D’ores et d jà, on onstate ue les relations denses et les échanges

u’entretiennent les pays du Maghre a e leurs oisins afri ains fran ophones, nota ent au Sahel, où les

problématiques sécuritaires, à la lumière des événements en cours au Mali, sont particulièrement aiguës, se font le plus souvent en français. Cela peut, au-delà des divergences et des rivalités existantes, faciliter des coopérations transversales et interrégionales, voire des médiations73, autant d’initiati es rendues n essaires par le onte te

actuel.

Face à des défis sécuritaires ui on ernent un ense le g ostrat gi ue re ou rant l’ense le du Bassin de la M diterran e o identale et l’espa e sah lo-saharien, le français apparaît comme la langue de communication

naturelle, au ôt de l’ara e74 et des langues berbères75, nota ent de part et d’autre du Sahara.

L’initiati e « 5+5 Défense76 » est de ce point de vue une sorte de laboratoire, bien que les pays du Sahel –à l’e eption

de la Mauritanie – n’y parti ipent pas. Sans e lure l’anglais et l’ara e, o pte tenu de la pr sence en son sein de pays non francophones, la langue française y occupe une place déterminante, que ce soit dans la concrétisation des

projets de oop ration ou dans les r fle ions strat gi ues ui y sont en es. â ela s’ajoute le fait ue, dans le

prolongement de la pratique du français, il existe, comme le reconnaissent les partenaires de la rive sud de la

M diterran e, une o pr hension, oire une sensi ilit o une per ettant d’aller de l’a ant dans les projets

communs.

73Le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) a ainsi récemment appelé à une médiation du Secrétaire général de l’OIF dans le

conflit qui l’oppose au gouvernement malien. Le MNLA a fait valoir, pour justifier sa proposition, que l’OIF regroupait la plupart des acteurs

régionaux touchés par le conflit et qu’elle n’était pas engagée militairement dans le conflit.

74Si l’arabe reste la langue de communication officielle entre les États du Maghreb, ces derniers –à l’exception de la Libye – utilisent également

le français lors des échanges dans les domaines militaires et sécuritaires. En dehors des milieux officiels, l’arabe est largement pratiqué parles

commerçants transsahariens, pour la plupart d’origine arabe.

75 Le touareg, ou tamasheq, qui appartient aux langues berbères, est parlé par plusieurs millions de personnes dans trois pays du Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso), et deux du Maghreb (Algérie, Libye).

76L’initiative « 5+5 Défense », lancée en décembre 2004, estla dernière-née d’un ensemble de partenariats associant les cinq pays de la rive nord

(Espagne, France, Italie, Malte, Portugal) aux cinq pays de la rive sud (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie, Tunisie) de la Méditerranée occidentale. Les activités menées dans son cadre concernent quatre domaines de coopération en matière de sécurité, en particulier : la surveillance maritime, la sûreté aérienne, la contribution des forces armées à la protection civile en cas de catastrophe majeure, ainsi que la formation.

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