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1. Une stratégie pionnière en Europe sur un sujet complexe

1.2. La France s’est dotée depuis 2014 d’une stratégie dans un cadre européen qui reste

La prise de conscience de l’importance de la question des perturbateurs endocriniens a amené le gouvernement français et les parties prenantes à inscrire ce thème parmi les priorités de la santé environnementale et à élaborer une stratégie nationale.

1.2.1. La SNPE, une première initiative pour formaliser une politique de gestion du risque engendré par les perturbateurs endocriniens

C’est au cours de la Conférence environnementale de septembre 2012 que le gouvernement d’alors s’est engagé à élaborer une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens7. Un groupe de travail, composé de l’ensemble des parties prenantes (élus des parlements français et européen, organismes publics de recherche, d’expertise et de surveillance, associations de protection de l’environnement et de défense des consommateurs, représentants d’entreprises et organisations professionnelles, ministères concernés), s’est réuni à six reprises au premier semestre 2013 et a produit un rapport formulant un certain nombre de propositions. Ce rapport a ensuite fait l’objet d’une consultation du public par internet à l’automne 2013.

6 Etude 2015 – Estimating Burden and Disease Costs of Exposure to Endocrine-Disrupting Chemicals in the European Union – Équipe scientifique menée par Leonardo Trasande (Université de New York-NYU-Langone Health)

7 La feuille de route gouvernementale issue de la table-ronde « Prévenir les risques sanitaires environnementaux » de la conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012 prévoyait une mesure n°4 précisant que « concernant les perturbateurs endocriniens, un groupe de travail associant l’ensemble des parties prenantes sera mis en place pour élaborer d’ici juin 2013 une stratégie nationale comprenant des actions de recherche, d’expertise, d’information du public et de réflexion sur l’encadrement réglementaire ».

C’est à partir de ce rapport et des contributions issues de la consultation publique, et après avis du Conseil national pour la transition écologique, qu’a été adoptée le 29 avril 2014, la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE). Cette stratégie, qui fixe comme objectif premier la réduction de l’exposition de la population et de l’environnement aux perturbateurs endocriniens, s’articule autour de quatre axes :

◦ Recherche, valorisation, surveillance,

◦ Expertise sur les substances,

◦ Réglementation et substitution des perturbateurs endocriniens,

◦ Formation et information.

Depuis son adoption, la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens a été déclinée dans différents plans et programmes : troisième Plan national santé environnement (PNSE 3) adopté en conseil des ministres le 12 novembre 2014, Plan santé au travail, Plan cancer, Programme de bio-surveillance… Des mesures complémentaires ont été décidées lors des conférences environnementales de novembre 2014 et avril 2016. La loi santé de 2016 a également prévu des mesures spécifiques aux perturbateurs endocriniens8.

1.2.2. Dans un cadre européen complexe pour encadrer les produits chimiques et leurs usages

L’encadrement des produits chimiques relève avant tout de l’échelon européen. Il est régi par le règlement REACH9 qui s’applique sans transposition dans tous les États membres de l’UE. Il impose aux fabricants et importateurs de produits chimiques d’identifier les dangers associés à leurs substances, d’évaluer les risques potentiels et d’indiquer les mesures à prendre pour écarter tout dommage pour la santé et l'environnement. Le règlement REACH prévoit que les substances « présentant un niveau de préoccupation équivalent aux substances CMR ou PBT 10», ce qui est le cas des PE, puissent être identifiées comme des substances extrêmement préoccupantes, et ainsi être inscrites sur la liste des substances soumises à autorisation.

De même, le règlement CLP11 impose un étiquetage spécifique pour les substances CMR 1A et 1B dont certaines sont des PE potentiels. Cependant, la réglementation CLP exclut certains produits (aliments, compléments alimentaires, dispositifs médicaux, médicaments, cosmétiques) qui relèvent de réglementations sectorielles spécifiques.

Seuls les règlements sur les produits phytopharmaceutiques (1107/2009) et biocides (528/2012) prévoient explicitement le principe d’exclusion des substances présentant des effets de PE. Le règlement sur les cosmétiques (2009) prévoit une révision en ce

8 L’article 58 prévoit la remise au Parlement d’un rapport d’évaluation de la SNPE en janvier 2017 (rapport en cours de finalisation). L’article 59 encadre l’usage du bisphénol A dans les objets en contact des nourrissons (biberons, tétines, jouets …).

9 REACH :, Registration, Evaluation, Authorization and Restriction of Chemicals

10 CMR cancérigène – mutagène – toxique pour la reproduction – PBT substances persistantes bioaccumulables toxiques

11 CLP pour classification, labelling, packaging

qui concerne les substances PE lorsque des critères d’identification auront été adoptés.

Il n’existe pas de dispositions qui permettraient une application homogène pour une même substance dans toutes les réglementations qu’elles soient transversales ou sectorielles (lorsqu’elles existent). Les mêmes substances sont utilisées, mais les produits diffèrent, rendant alors inopérantes les réglementations lorsqu’elles existent.

1.2.3. Sans définition consensuelle et opérationnelle des PE

Les textes sur les pesticides et les biocides sont difficiles à appliquer pour ce qui concerne leurs effets en tant que PE à cause de l’absence de publication de critères d’identification des perturbateurs endocriniens que la Commission devait faire adopter avant le 13 décembre 2013.

Condamnée pour carence par la CJUE le 16 décembre 2015 pour ne pas avoir adopté avant décembre 2013, de définition relative à la caractérisation des PE au titre du règlement biocides, la Commission a présenté un premier texte en juin 2016. Modifié depuis à cinq reprises, ce texte n’a recueilli la majorité qualifiée nécessaire à son adoption que le 4 juillet 2017. Validé par le Conseil, le texte a été rejeté par un vote du Parlement européen le 4 octobre 2017 pour ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques. Il a en revanche été publié le 17 novembre 2017 pour les biocides.

La définition du caractère de perturbateur endocrinien reste encore un sujet difficile en raison de ses enjeux potentiels sur l’activité économique et sur les inquiétudes croissantes des citoyens sur l’impact concernant leur santé et celle de leurs enfants.

Cette tension est une incitation à approfondir la connaissance pour dégager des choix les plus éclairés possibles.