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Les Français ont plus de difficultés à indiquer le nombre de terroristes

II. Le souvenir des éléments factuels se perd pour une petite partie de la population

3. Les Français ont plus de difficultés à indiquer le nombre de terroristes

La mémoire événementielle se délite également au sujet du nombre de terroristes. La proportion des personnes qui ne sait plus combien de terroristes sont impliqués dans les attaques du 13 novembre augmente très fortement en 2018 (+20 points à 28%) et devient la première réponse donnée par les individus sondés alors qu’elle était au cinquième rang en 2016. 1% des répondants donnent le bon nombre de terroristes (9), stable par rapport à 2016 (-1 point). Plus de la moitié des personnes interrogées (52%) sous-estiment le nombre de terroristes (-9 points par rapport à 2016) quand seulement 16% donnent une estimation proche du nombre exact (-11 points par rapport à 2016).

Une explication de cette tendance à la sous-estimation du nombre d’attaquants peut résider dans le fait que la plupart des actes terroristes ayant eu lieu ces dernières années ont été perpétrés par de petits groupes d’assaillants (1 ou 2 personnes) comme à Nice ou à Toulouse. Parmi les autres explications possibles, l’existence de trois équipes de trois personnes le soir des attentats a pu jouer. Certaines personnes ont pu se remémorer uniquement certains des lieux des attentats et donc sous-estimer le nombre de terroristes. Cette hypothèse va de pair avec l’idée d’un attentat qui aurait pour partie échoué à Saint-Denis (les assaillants n’ont pu entrer dans l’enceinte du stade) : la plupart des répondants citent d’ailleurs 5 à 6 terroristes. Le nombre de terroristes morts le soir même peut également être avancé comme explication possible. Les personnes n’ayant pas suivi l’actualité de l’événement sur plusieurs jours ont pu être amenées à sous-estimer le nombre de terroristes impliqués le jour-même.

Graphique 18 : Dans votre souvenir, quel a été le nombre de terroristes ? (en %)

Champ : Ensemble des répondants – résidents de France métropolitaine âgés de 18 ans et plus. Source : CRÉDOC, Enquête « Conditions de vie et Aspirations », juin 2016 & 2018.

Lecture : 4% des répondants en 2018 se souviennent d’un nombre de terroristes compris entre 1 et 2.

En 2016, les personnes connaissant une victime ou un témoin direct des faits (cercle 1) et fréquentant les lieux des attentats (cercle 2) étaient plus nombreuses à donner une estimation proche du nombre de terroristes. En 2018, la précision augmente au sein du cercle 2 (+6 points d’estimation proche), sans doute moins sous le coup de l’émotion, vraisemblablement encore en contact régulier aujourd’hui avec les lieux, et plus à même d’entrevoir l’événement sous un angle factuel. En revanche, les individus avec la plus grande proximité affective aux attentats (cercle 1) sont nettement moins nombreux à s’en souvenir avec précision. Plusieurs lectures peuvent être proposées de ce résultat : ces personnes proches de victimes ou témoins directs cherchent peut-être à mettre à distance l’événement ; la modalité « ne sait pas » constitue pour eux une réponse refuge, leur évitant de donner un chiffre faux, ce qu’ils pourraient mal ressentir au vu de leur exposition (Graphique 19).

Le cercle 4 est bien plus prompt à l’oubli (+20 points de « ne sait pas », loin en tête des autres cercles. Reflet d’un certain clivage au sein de la population, ce cercle s’écarte des autres cercles dans ses réponses, notamment du cercle 3 : de 8 points d’écart à 18 points pour la modalité « ne sait pas ».

2 20 33 17 2 13 5 8 4 24 23 7 1 8 5 28 1 à 2

terroristes terroristes3 à 4 terroristes5 à 6 terroristes7 à 8 9 terroristes 10 terroristes Plus de 10terroristes Ne sait plus 2016 2018

Graphique 19 : Évolution de l’estimation du nombre de terroristes selon la proximité aux attentats entre 2016 et 2018 (en %)

Champ : Ensemble des répondants – résidents de France métropolitaine âgés de 18 ans et plus. Source : CRÉDOC, Enquête « Conditions de vie et Aspirations », juin 2016 & 2018.

La tendance à l’oubli des catégories socio-professionnelles les moins favorisées (non diplômés, bas revenus) se retrouve sur l’estimation du nombre de terroristes. Si, en 2016, ces catégories affirmaient déjà plus que la moyenne ne pas se souvenir du nombre de terroristes présents pendant l’attaque, cette tendance s’est accrue en 2018 au point que 47% des non diplômés et 37% des bas revenus donnent cette réponse (Graphique 20).

Graphique 20 : Évolution de la proportion de non diplômé et de bas revenus affirmant ne pas connaitre le nombre de terroristes entre 2016 et 2018 (en %)

Champ : Ensemble des répondants – résidents de France métropolitaine âgés de 18 ans et plus. Source : CRÉDOC, Enquête « Conditions de vie et Aspirations », juin 2016 & 2018.

28 31 25 22 3 4 2 10 14 37 19 11 18 19 12 30

Cercle 1 Cercle 2 Cercle 3 Cercle 4 Cercle 1 Cercle 2 Cercle 3 Cercle 4 Estimation proche Ne sait pas

2016 2018

+31 pts/2016

Au global, 44% de la population a oublié au moins un élément factuel lié aux

attentats (i.e. a répondu au moins une fois « je ne sais plus » à l’une des trois questions

précédentes) contre seulement 17% en 2016. Le maintien de la mémorisation s’observe particulièrement pour les catégories les plus marquées originellement par ces attentats, comme les plus diplômés par exemple, tandis que la mémorisation s’affaiblit auprès des catégories plus en distance et notamment des non-diplômés (voir V.3 p.63). L’âge a également une influence sur le degré de mémorisation comme nous le verrons plus spécifiquement en encadré (voir V.2 p.61), les plus âgés étant sujets à une forme d’oubli général tandis que les plus jeunes adoptent une démarche plus rationnelle et plus exacte, contrastant fortement avec leur comportement plus émotif de 2016. La proximité avec les attentats a également un impact sur la mémoire, les personnes sans lien avec l’événement ayant gardé une trace moins forte des différents éléments, les personnes du cercle 3 se situant dans un registre plus émotionnel et de peur, tandis que celles du cercle 1 semblent manifester une volonté d’oubli, possiblement dans un souhait de résilience (voir V.3 p.63).

La réalisation d’une régression nominale permet d’aller plus loin dans la distinction des dimensions sociodémographiques en lien avec la mémoire événementielle des répondants à l’enquête (pour le tableau de résultats détaillés, voir le Tableau 12 en annexe, p87) : En 2018, toutes choses égales par ailleurs, le fait d’être un homme, d’être diplômé du supérieur et d’avoir déclaré un lien de proximité avec les attentats, quel qu’il soit, a un impact significatif sur la probabilité de déclarer se souvenir de la plupart des éléments entourant les circonstances factuelles de la survenue des attentats. À l’inverse, être non diplômé, avoir de bas revenus, appartenir à la classe moyenne inférieure et habiter Paris ou son agglomération affecte négativement la mémoire, de manière significative.

III.

Les conditions dans lesquelles la population a appris