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3. Modélisation numérique de familles d'astéroïdes

3.1 Fragmentations catastrophiques

Qu'appelle-t-on collision catastrophique? Le terme catastrophique est relié à l'énergie de l'impact. Il désigne un impact tel que le plus gros fragment restant est au mieux, aussi gros que la moitié de la cible originale.

Le point de départ habituel pour les études des collisions entre astéroïdes est le laboratoire. Cependant, il y a plus de sept ordres de grandeur de différences de taille entre les expériences de fragmentation de laboratoire et les impacts entre astéroïdes. La seule façon de relier les données expérimentales avec les tailles des astéroïdes est de faire appel aux théories dites d'échelle.

3.1.1 Expériences de laboratoire.

Jusqu'à présent un grand nombre d'expériences de laboratoire ont été menées, couvrant une grande gamme de vitesses d'impact (50 m/s à environ 12 km/s). Des tests ont été effectués dans des chambres à vide pour simuler l'espace interplanétaire (Ryan et al. 1991 ; Nakamura et Fujiwara, 1991), d'autres dans des environnement pressurisés pour simuler la compression gravitationnelle (Housen et al. 1991), d'autres encore dans des chambres à ciel ouvert (Martelli et al. 1991 ; Giblin et al. 1994). Les matériaux utilisés pour les cibles sont aussi très variés : roche naturelle, aluminium, acier, mortier, basalte, nylon, glace, pyrex. Pour reproduire la réalité des astéroïdes, les cibles peuvent avoir des structures particulières, préfragmentées ou avec un noyau métallique. Aussi, pour simuler l'impact du projectile, des charges de contact ont été utilisées. L'analyse post-impact de ces expériences inclut l'obtention des tailles, formes et vitesses des fragments, l'étude de la façon dont s'est fragmentée la cible, l'analyse de la répartition de l'énergie entre les fragments.

On peut résumer les principaux enseignements de ces expériences (Martelli et al. 1994):

• les vitesses des fragments sont plus élevées près du point d'impact, et décroissent quand on s'éloigne de ce site. De plus, les fragments de surface tendent à être plus rapides que ceux de l'intérieur de la cible.

• pour les collisions catastrophiques de cibles en basaltes, la plupart de l'énergie de l'impact est communiquée aux très petits fragments près du site d'impact sous forme d'énergie cinétique, ainsi qu'en chaleur.

• les plus gros fragments tendent à être plus lents que les plus petits. • la vitesse de rotation des fragments décroît quand leur taille augmente.

• D'après les expériences de Giblin et al. (1994), les rapports des demis grands axes B/A et C/A sont centrés autour de 0,6 et 0,4 respectivement.

• La distribution de masses des fragments reflète remarquablement celle des familles d'astéroïdes (voir au chapitre 1, la Figure 1.13). Elle peut être ajustée par une loi de puissance. Cependant, on ne peut pas trouver un seul exposant pour toute la distribution. La distribution de taille est souvent divisée en deux ou trois segments, avec une pente de la distribution plus raide pour les plus gros fragments.

3.1.2 Lois d'échelle.

Le but de la théorie d'échelle est de permettre d'extrapoler les résultats expérimentaux au cas astéroïdal. Une loi d'échelle complète devrait permettre, pour un impact donné, de déterminer la distribution des tailles, des vitesses, des formes et des spins des fragments. Cependant, malgré les progrès récents dans ce domaine (Davis et al. 1994, Holsapple, 1994 et références incluses), nous sommes loin de cet idéal.

Le degré de fragmentation subi par la cible est habituellement quantifié par le paramètre fl qui est le rapport entre la masse du plus gros fragment et celle de la cible. Ce paramètre est égal à 1 pour un simple rebond, entre 0,5 et 1,0 pour des impacts cratérisants et inférieur à 0,5 pour les collisions catastrophiques. L'énergie de la collision, égale à l'énergie cinétique du projectile, est supposée se répartir équitablement entre la cible et le projectile (Hartmann 1980, 1988). Cette hypothèse reste valable quand la cible et le projectile sont constitués de matériaux similaires, mais pas dans le cas contraire (Ryan et Davis 1994). Le concept fondamental pour décrire les collisions catastrophiques introduit la force de l'impact, S qui est la densité d'énergie nécessaire pour produire une collision tout juste catastrophique (fl = 0,5). Ce paramètre est principalement fonction du type de matériel et de son état

physique, ainsi que de sa taille. Pour une force d'impact d'une cible donnée, la relation empirique de Fujiwara et al. (1977),

f

l SM E =     ρ / . 2 1 24

est utilisée pour calculer fl en fonction de S, M la masse de la cible, ρ sa densité, et E l'énergie cinétique du projectile. Une distribution cumulative de masse de la forme,

N(>m) = C m-b

décrit approximativement la distribution de masse des fragments (Zappalà et al. 1984), où N(>m) est le nombre de fragments ayant une masse plus grande que m. L'exposant b et la constante de normalisation C sont déterminés par la taille du plus gros fragment et la condition de conservation de la masse. En particulier, b est une fonction dépendant seulement de fl :

b = (1 + fl)-1

En plus de la détermination expérimentale de la force d'impact du matériau d'un corps, il faut aussi connaître comment varie S avec la masse (ou le rayon) de la cible. Différentes lois d'échelle basées sur les propriétés des matériaux, les contraintes à l'intérieur de la cible et les effets de la compression gravitationnelle peuvent être appliquées au calcul de S pour les tailles astéroïdales (Davis et al. 1994). A titre d'exemple je donne à la figure 3.1 l'allure de Q* en fonction du rayon de la cible. Q* est l'énergie de la collision (catastrophique) par unité de masse et est relié à S par la relation Q* = S/ρ. Cette courbe indique, dans un premier temps, qu'il faut moins d'énergie par unité de masse pour fragmenter une cible de plus en plus grande, jusqu'à ce que, les effets de la gravitation aidant, la tendance s'inverse.

Figure 3.1 : L'énergie de collision par unité de masse Q*, pour une collision catastrophique, en fonction du rayon de la cible.