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2.3 Dynamique à forte intensité

2.3.4 Fractionnement de l’arc

Lindmayer – 2004

Lindmayer [4] s’intéresse aux arcs électriques créés dans des conditions proches de celles de l’arc de coupure dans le disjoncteur, en particulier au processus de fractionnement. Son montage expérimental permet d’estimer le temps de frac-tionnement de l’arc sur une plaquette par une mesure déportée du courant tra-versant celle-ci : Mutzke [45] estime ce temps à δtf = 0,1 ms pour une intensité de 0,55 kA, ainsi que le met en évidence la figure 2.15. Cet ordre de grandeur corrobore celui avancé dans le chapitre précédent pour le disjoncteur. Cepen-dant, aucune perspective n’est donnée concernant la dépendance de ce temps avec les paramètres du système dont il dépend très certainement (intensité du courant, géométrie des amenées de courant et des plaquettes de fractionnement, échappements, etc.).

Lindmayer propose un modèle de fractionnement basé sur les observations réalisées par Burkhardt [46] et dont il propose une vision schématique très claire, voir figure 2.16. Lors de l’essai de coupure, l’arc est accéléré par les forces de Laplace. Les plaquettes de fractionnement bloquent le mouvement de la colonne mais de part et d’autre les pieds avancent. Cela correspond à un allongement

Fig. 2.15 – Mise en évidence de la durée de la phase de fractionnement de l’arc électrique avec une plaquette de fractionnement [45].

Fig. 2.16 – Mécanisme de fractionnement de l’arc tel que décrit par Lindmayer [4] d’après Burkhardt [46].

de la colonne et donc de la tension d’arc. À un moment donné, deux nouveaux pieds sont créés sur la plaquette, à une certaine distance du bord. L’arc peut alors de nouveau se déplacer.

Afin de modéliser le mouvement de l’arc dans une telle configuration, Lind-mayer introduit un modèle de gaine, exprimé sous la forme d’une caractéristique tension - densité de courant UE(J). La forme proposée permet de créer un méca-nisme de butée et donc de retarder le fractionnement de l’arc lorsque la colonne atteint la plaquette. Afin de reproduire l’accrochage du pied d’arc, Mutzke[45] introduit une surtension à la création du pied d’arc pour une densité de courant d’environ 1,2.104A.m−2. Cette surtension contraint l’arc à se courber encore plus avant de créer un pied. L’ordre de grandeur validé par l’auteur, en confrontant le résultat de ses modélisations à l’expérience, est de 39,4 V pour une tension de gaine après établissement de l’arc de 20 V . Malheureusement, il n’est pas proposé d’interprétation physique permettant de faire le lien avec les propriétés des gaines décrites dans la littérature, et les données expérimentales de

valida-2.3. DYNAMIQUE À FORTE INTENSITÉ 61

tion publiées sont très peu nombreuses. Il est donc très difficile de se faire une idée quant à la réelle pertinence de ce modèle et à l’étendue de son domaine de validité.

Yang – 2010

Yang [47] propose un travail similaire mais, en faisant l’économie de la me-sure de courant dans la plaquette, il utilise une chambre de coupure plus réaliste. Il propose un modèle d’arc qui ne traite de façon particulière que la gaine ca-thodique et utilise des ordres de grandeurs de surtension pour le fractionnement plus réalistes, à savoir 8.1 V lors de la création du pied. L’aspect le plus original

Fig. 2.17 – Modélisation de la variation de la tension d’arc lors du fractionnement (à t ' 1,0 ms) avec et sans prise en compte de l’érosion des électrodes. La courbe avec prise en compte de l’érosion présente un accord correct avec les données expérimentales [47].

de son travail est la prise en compte de l’érosion des plaquettes après le fraction-nement de l’arc et le calcul de l’impact des vapeurs métalliques sur la tension de la colonne d’arc. L’auteur montre ainsi que la prise en compte de l’érosion per-met de reproduire fidèlement la baisse de tension consécutive au fractionnement de l’arc.

Mais de nouveau, le très grand nombre de paramètres intervenant dans le modèle et le peu de données expérimentales présentées pour sa validation rendent difficile de juger de la réelle pertinence de ce travail. Néanmoins il permet de démontrer que la chute de tension après le fractionnement de l’arc peut être liée non pas à une caractéristique UARC(I) donnée, mais à une évolution de la composition chimique du plasma liée à la dégradation thermique des électrodes.

2.4 Conclusion

Les auteurs des travaux présentés ci-dessous s’accordent à constater une aug-mentation de la tension d’arc avec l’augaug-mentation de l’intensité du courant, pour une intensité du courant d’au moins quelques centaines d’ampères, et ce en l’ab-sence de confinement par des parois, c’est-à-dire sans contraindre physiquement le rayon de la colonne d’arc. Deux comportement bien distincts émergent : soit la caractéristique UARC(I) dynamique est linéaire et réversible , soit elle présente une hystérésis, avec une tension d’arc plus élevée lors de la montée du courant. De manière surprenante, le comportement constaté lors de la descente du cou-rant est similaire dans les deux cas. Nous allons donc ci-dessous synthétiser les informations disponibles dans la bibliographie par type de phase, que nous dé-finirons en fonction du sens de variation du courant et de l’aspect réversible ou non du comportement de la tension.

Phase de montée linéaire

La tension d’arc augmente linéairement avec le courant tant que les électrodes restent passives, c’est-à-dire ne présentent pas de signe d’évaporation massive.

Ce comportement est constaté par Mitchell dans le vide jusqu’à 8 kA trodes en cuivre, anode passive) et par Nakayama dans l’air jusqu’à 13 kA (élec-trodes en tungstène, que l’on peut supposer passives). Dans ces deux cas l’onde de courant est similaire à une sinusoïde de 50 Hz, ce qui correspond à un temps de montée t0= 5 ms. Le coefficient G, définit par l’équation 2.3 (UARC = U0+GI), dépend notamment des paramètres géométriques de l’arc : il augmente avec la distance inter-électrodes d et diminue avec le diamètre des élelectrodes. Son ordre de grandeur, que nous exprimerons rapporté à la longueur de l’arc, est

G/d '1 V.A−1.m−1.

Phase de montée hystérétique

Lorsque l’évaporation des électrodes est massive, la tension d’arc atteint une valeur plus élevée et ne dépend plus linéairement de l’intensité du courant.

Ce phénomène est constaté dans le vide par Mitchell lorsque l’anode en cuivre commence à s’évaporer pour une intensité du courant supérieure à 8 kA et pour un courant bien plus faible lorsque l’anode est revêtue de plomb (que l’on peut supposer s’évaporer bien plus facilement). Strom constate également ce comportement pour un arc très long dans l’air (d > 1 m), amorcé par un fil fusible entre des électrodes de laiton. Aucune explication n’est présentée sur la valeur de tension atteinte lors de cette phase ni sur son éventuelle dépendance vis-à-vis de paramètres géométriques ou temporels. Elle est dans tous les cas

2.4. CONCLUSION 63

supérieure à la tension pour la même intensité lorque le courant décroît et elle semble à peu près constante durant cette phase.

Phase de descente

La tension d’arc varie linéairement avec l’intensité du courant, quelle que soit l’allure de la tension durant la phase de montée.

La caractéristique UARC(I) dynamique descendante semble même similaire, sinon identique par exemple pour Mitchell, à la caractéristique de montée du courant en l’absence d’évaporation significative. Elle ne dépend donc pas de la valeur de courant maximal atteint, c’est-à-dire que la phase de descente semble complètement indépendante de l’histoire de l’arc et de l’état des électrodes.

Dans tous les cas, la tension cathodique UC semble rester constante. Kimblin le montre dans le vide à l’aide d’une sonde de potentiel et Yokomizu dans l’air par des mesures de la tension d’arc en fonction de la distance. De plus, il ne semble pas y avoir un impact majeur de la présence ou non d’un gaz : les tendances et les ordres de grandeurs sont similaires dans les deux cas. En revanche, l’impact du temps reste assez mystérieux car assez peu exploré. Si les ordres de grandeurs utilisés pour le courant descendant correspondent à notre application, les temps de montée sont généralement bien plus long que l’ordre de grandeur mesuré par Lindmayer, hormis Ratovoson mais qui malheureusement ne propose pas de mesure de la tension durant cette phase.

Différentes pistes d’explication sont avancées pour expliquer la dépendance de la tension d’arc avec le courant. La plupart concernent la tension de colonne : un confinement de la colonne par le champ magnétique induit ou par la taille réduite des électrodes, une répartition non uniforme des vapeurs métalliques dans la colonne, l’impact des vapeurs métalliques sur la conductivité de la colonne d’arc et sur les pertes par rayonnement. Seul Ratovoson avance l’hypothèse d’une tension cathodique qui diminue avec l’échauffement de la cathode par l’arc.

Mais trop peu de travaux expérimentaux sont disponibles pour réellement conforter l’une ou l’autre de ces explications.

Si la littérature apporte des pistes intéressantes pour comprendre le compor-temet d’un arc dans des conditions transitoires à fort courant, il faut garder à l’esprit que les conditions de l’arc de court-circuit ne sont pas représentées, en particulier concernant les points suivants :

— Le temps de fractionnement de l’arc dans le disjoncteur est de l’ordre de 0,1 ms, ce qui est bien plus rapide que la dynamique utilisée ci-dessus,

avec un temps de montée d’environ 5 ms. Il n’existe aucune évidence que le taux de variation du courant ait son importance sur la tension, mais quoiqu’il en soit il joue certainement sur la dynamique de vaporisation des électrodes, qui à son tour impacte la tension d’arc,

— Les électrodes utilisées sont systématiquement très massives, alors que dans une chambre de coupure de disjoncteur elles sont au contraire très fines. Nous pouvons donc nous attendre à une montée en température bien plus rapide et une érosion plus importante des électrodes dans notre application, et partant, une hystérésis sans doute plus prononcée.

— L’impact du matériau sur le phénomène reste relativement peu documenté. Or il s’agit d’un aspect qui constitue un levier facile à mettre en oeuvre dans la conception d’une chambre de coupure.

Chapitre 3

Outils expérimentaux

L

e chapitre 1 présente les caractéristiques du disjoncteur modulaire lors d’un essai de court-circuit et ce que nous pouvons induire du com-portement de l’arc électrique après fractionnement dans le déion. En effet, il est difficile d’observer directement le comportement de l’arc électrique de coupure dans le disjoncteur : sa géométrie est très complexe et ses parois sont opaques. L’incrustation de parois transparentes permet d’appréhender ce com-portement mais malheureusement modifie de façon importante le comcom-portement de l’arc. Ainsi, de façon complémentaire à l’instrumentation du disjoncteur mo-dulaire, nous avons souhaité développer un montage expérimental le plus simple possible, permettant une observation aisée de l’arc mais néanmoins représentatif du comportement de l’arc électrique dans le disjoncteur.

Nos prérequis sont les suivants :

1) des électrodes réalistes, non seulement concernant leur matériau et leurs dimensions, mais aussi le fait que ces électrodes soient isolées thermique-ment,

2) une distance inter-électrodes réaliste et constante durant l’essai, typique-ment 1 mm,

3) un arc statique, i.e. dont le mouvement est limité, ce qui correspond à l’état recherché dans un disjoncteur après fractionnement,

4) des conditions de courant réaliste,

5) un mode d’amorçage « propre », i.e. qui n’apporte pas d’éléments étran-gers à l’arc entre électrodes comme par exemple le fait l’explosion d’un fil fusible, afin de simplifier l’interprétation des résultats d’essai.

Notre travail constituant une première approche, nous avons également ap-porté deux simplifications majeures. Dans un disjoncteur il y a typiquement entre dix et quinze arcs en série après fractionnement dans le déion. Nous nous limiterons à un seul. Ainsi, alors que dans le disjoncteur, chaque plaquette de

fractionnement est d’un côté cathode, d’un côté anode, ce qui très certainement impacte la stabilité de l’arc mais aussi la montée en température des plaquettes, dans notre montage expérimental, une électrode sera soit cathode soit anode. Ensuite, nous travaillerons sans aucun confinement de l’arc électrique, en dehors de celui des électrodes elles-mêmes. Ce choix simplifie énormément l’étude car il nous affranchit des phénomènes suivants : montée en pression de la chambre d’arc, modification de la composition chimique de la colonne d’arc par ablation des parois, refroidissement de l’arc par les parois. Il nous permettra également un accès visuel aux phénomènes et donc un meilleur diagnostic, ce qui est primordial en première approche.

Nous détaillerons ci-dessous les différents éléments du montage expérimental et des outils de diagnostic associés en justifiant nos choix de conception.

3.1 Chambre d’arc