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Nous terminons ce chapitre par une estimation de la fréquence de transit atteinte par nos transistors. Il s’agit du dispositif "AB43" qui a une transconductance maximum de gm ≃ 10 µS (par nanotube) , et une capacité grille Cg ≃ 30 aF (par naanotube), ce qui se

traduit par une fréquence de transit estimée à fT = 2πCgmg ≃ 50 GHz. Le maximum de gm

étant atteint pour une tension grille de 0.5 V, la charge du canal est q = CgVg ≃ 100 e −

. En anticipant sur les résultats du chapitre 5, à savoir une sensibilité limitée par le bruit de grenaille, et en utilisant l’équation (1.10) page 14, on en déduit la troisième conclusion de ce chapitre qu’une résolution δqrms/e =

p

2q/ωTe ≃= 2.6 × 10 −5

e−

/√Hz est atteinte, valeur qui est compatible avec la détection nanoseconde d’électrons pulsés.

On peut se demander quelles sont les pistes pour augmenter la sensibilité en charge. La première consiste à raccourcir la grille puisqu’on gagne à la fois un facteur 2 sur gm et en

même temps, Cg et q sont directement proportionnels à Lg. Au total on peut espérer gagner

un facteur 4 en sensibilité. L’étape suivante consiste à utiliser des feuilles de graphène pour augmenter considérablement le nombre de modes participant au transport et donc gm.

Chapitre 5

Bruit de grenaille et résolution en

détection de charge

Ce chapitre est dédié à la caractérisation à basse température des transistors à nanotubes uniques. Il s’agit de mesurer la transconductance et le bruit des dispositifs à grille courte qui présentent un meilleur potentiel pour la détection de charge. En l’absence de station sous pointe RF cryogénique permettant de réaliser en série des mesures avec calibration in situ de l’amplitude et de la phase nous avons réalisé nos mesures sur des transistors individuels montés en boîtier. Une partie importante de notre travail, décrite au chapitre 3, a consisté à réaliser un boîtier porte échantillon RF adapté aux mesures large bande et bas niveaux pour la démonstration de la détection nanoseconde d’électrons uniques pulsés. Nous montrons ici comment une procédure originale de calibration permet d’exploiter ce dispositif pour réaliser des mesures quantitatives à basse température. Cette procédure est relativement lourde de sorte que seul un petit nombre d’échantillons ont pu être étudiés à froid. En particulier, la démonstration de la détection d’électrons uniques n’a pas pu être réalisée dans le temps de cette thèse et reste un défi pour notre successeur. Pour autant, les principales étapes de cette démonstration ont pu être validées comme le fonctionnement cryogénique GHz large bande, et la résolution ultime limitée par le bruit de grenaille qui sont détaillés dans ce chapitre.

La large bande passante et la bonne calibration de notre dispositif expérimental a ouvert la porte à la mesure du bruit de grenaille à haute énergie dans un régime jusqu’ici quasiment inexploré où se manifestent les mécanismes inélastiques. Ce régime est difficilement accessible dans les nano-conducteurs à cause de la présence d’un fort bruit de conductance, en 1/f ou 1/f2, généralement quadratique en tension d’excitation V

ds, qui domine le bruit de grenaille

à basse fréquence. Le changement de régime s’opère autour d’un dénommé "1/f corner" qui monte jusqu’à la bande FM (. 100 MHz) dans les conditions normales de polarisation Vds . 0.5 V. La large bande passante, 0.1–1 GHz, de notre dispositif permet d’accéder au

bruit de grenaille et de le séparer d’un éventuel bruit coloré par analyse spectrale. Nous mettons ainsi en évidence la saturation du bruit de grenaille au dessus d’un seuil de tension Vds, ou d’énergie eVds, correspondant à la barrière tunnel du transistor. En l’absence de

barrière, lorsque le transistor est polarisé en mode passant, nous observons un phénomène similaire que nous attribuons à l’émission de phonons optiques d’énergie ~Ω ∼ 200 meV dans les zônes d’accès de part et d’autre de la grille. Ce mécanisme avait été invoqué pour expliquer la non-linéarité du courant de transport dans les nanotubes monoparois avec une saturation à IP O

ds ∼ 4eΩ ∼ 20 µA. Nous retrouvons cette non linéarité et la saturation

du bruit de grenaille que nous mettons en évidence, donne une signature nouvelle et plus caractéristique des phénomènes hors équilibre puisqu’elle se manifeste dès les plus basses énergies c’est à dire pour Vds ≈ v0 = ~Ω/e.

5.1

Mesures en régime continu

Les données présentées dans ce chapitre concernent principalement les mesures faites sur l’échantillon AD128, de longueurs de canal 1 µm et de grille 300 nm, et de géométrie semblable à celle de l’échantillon AA22 de la figure 4.1 page 81. Par rapport aux mesures du chapitre précédent, la gamme de tensions drain-source et grille explorées a été augmentée, profitant de la meilleure thermalisation à basse température. Le schéma expérimental est donné sur la figure 3.5 page 71.

La figure 5.1 est un résumé des propriétés DC de l’échantillon AD128 à 4.2K. Le courant drain source dans les figures A et C est obtenu à partir des données brutes en retranchant le courant dans la résistance de 400 Ω montée en parallèle. Cette soustraction affecte la précision de la mesure ; sur cette figure, nous avons ajusté arbitrairement la valeur du courant soustrait

✬ ✫ ✩ ✪ -1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 -8 -4 0 4 8 -1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 -8 -4 0 4 8 -1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 -8 -4 0 4 8 -1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 -5 0 5 10 15 20 V g (V) I d s ( µ A ) V ds =[-1---+1V] V g =[-1---+1,5V] B V ds (V) I d s ( µ A ) V ds =[-1---+1V] C g m ( µ S ) V g (V) V g =[-1---+1,5V] D V ds (V) g d s ( µ S ) A

Tab.5.1 – Image optique du transistor AD128 et ses caractéristiques en tension drain-source et tension grille à 4K.

de sorte à annuler le courant drain-source aux minima observés en fonction de la tension grille aux polarisations négatives (voir figure C). Cette méthode conduit à sous-estimer le courant transporté par le nanotube. La figure A montre les caractéristiques Ids(Vds) dans

une large gamme de tensions drain-source positives et négatives permettant d’atteindre la saturation du courant Isat ≃ 8 µA. La décroissance du courant aux plus fortes polarisations

sur la figure A est un artefact de notre analyse des données. On note une dissymétrie des caractéristiques en polarisations positives et négatives qui est une propriété générale des transistors à nanotubes.

La dérivée numérique des courbes de la figure 5.1-A donne les valeurs de conductance différentielle présentées sur la figure B. A cause des erreurs de soustraction du courant dans la résistance parallèle, la conductance est définie à une constate près ; la même raison

✪ r(E),f(E)

Drain

Grille

Source

Source

.eV <0

ds .eVds .eV /2ds ..eVg r(E),f(E)

Drain

..eV variable

g .eV /2ds ..eVg .eVds

Grille

.eV >0

ds

Tab.5.2 – Schémas de la distribution des porteurs aux polarisations Vds positive et négative explique les valeurs négatives observées à forte tension. Le maximum de conductance de gds &15 µS en mode ouvert correspond à une résistance de Rds .60 kΩ soit une transmission

électronique D = gds × h/8e2 &0.05 (transistor double canal). Cette valeur, inférieure aux

transmissions optimales, D ∼ 0.5, reportées dans la littérature en régime Fabry-Pérot [46], est assez représentative de nos dispositifs.

La figure 5.1-C montre les caractéristiques courant-tension grille Ids(Vg). La fermeture

du transistor s’observe ici aux seules tensions négatives et ce pour une plage relativement réduite de tensions grilles. Nous reviendrons sur ce point plus bas au moment de commenter la figure 5.3. Le point le plus remarquable de la figure est le décalage ∆Vg ∼ 1 V entre

les positions des minima de courant pour les tensions de polarisation Vds = ±1 V. Cette

dissymétrie à forte tension peut se comprendre à l’aide du schéma simplifié de bandes de la figure 5.2, adapté à notre situation où le transport est assuré par les trous de la bande de valence. Aux tensions positives, le drain est fortement dopé en trou ce qui a pour effet de réduire la barrière effective vue par les trous.

La figure 5.1-D est la dérivée numérique des données de la figure C. Ces données ne sont pas affectées par l’imprécision sur la mesure du courant drain-source due au courant dérivé dans la résistance de 400 Ω qui est indépendant de la tension grille. La courbe correspondant aux polarisations positives est tronquée. Les polarisations négatives correspondent à une transconductance gm = ∂Ids/∂Vg > 0. Le maximum de transconductance pointe à 8 µS soit

une valeur comparable à la conductance différentielle aux même polarisations (voir figure B). On note aussi que gm(Vg) est quasiment indépendant de Vds à l’ouverture du canal

(Vg ∼ 0.5–1 V sur la figure D). Ceci est une propriété des transistors balistiques.

La figure 5.3-gauche reprend les données de la figure 5.1-C en ajoutant arbitrairement au courant drain-source un courant ohmique correspondant à une résistance parallèle de 500 kΩ. Ceci permet de décaler et de rendre plus visible les différentes caractéristiques. En particulier, on est en mesure de délimiter le domaine de tensions {Vds–Vg} correspondant

à la fermeture du transistor. Cette zone donne un parallélogramme, analogue des carreaux de Coulomb familiers dans la spectroscopie des SETs. La diagonale du parallélogramme, qui correspond à une barrière constante, est bien donnée par la droite Vg = Cte + Vds/2, comme

✬ ✫ ✩ ✪ -1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 -10 0 10 I d s * ( µ A ) V g (V) I ds avec un décalage

des courbes pour chaque V ds band gap Vg=cste+Vds/2 .eVds F(x),EF Drain Source Gate .D=eV -eVg ds/2

Tab. 5.3 – Gauche : Caractéristiques de la figure 5.1-C décalées en courant montrant le domaine de fermeture du transistor matérialisé par le parallélogramme sur la figure. La diagonale correspond à une ligne de barrière constante. Droite : schéma énergétique illus- trant la dépendance de la hauteur de barrière tunnel effective avec la valeur de tension de polarisation.