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avec l’indice r. Ceci signifie que les individus semblent appariés avec des individus génétiquement différents, ce qui pourrait leur permettre d’augmenter les chances de produire des jeunes hétérozygotes.

B. Quels sont les bénéfices à s’apparier avec un individu

génétiquement différent ? [Article 4]

Puisque les mouettes sont appariées de façon à diminuer la probabilité de produire des jeunes homozygotes, il devrait être coûteux de s’apparier avec des individus génétiquement semblables. J’ai pu identifier plusieurs de ces inconvénients.

Tout d’abord, les couples génétiquement proches ont moins de poussins que les autres (ceci n’a cependant été établi qu’avec l’indice Phm, cf. [Article 4] Figure 2). De plus, j’ai trouvé une corrélation positive significative entre l’hétérozygotie du poussin et sa valeur sélective en 2005. Cette année-là, j’ai pu génotyper un grand nombre de poussins (n = 82) et suivre leur développement de l’éclosion jusqu'à l’âge de 25 jours. J’ai trouvé que les poussins les plus hétérozygotes grandissaient plus vite (en termes de poids, de longueur du tarse et de l’aile), et avaient une meilleure survie jusqu’à 25 jours que les poussins plus homozygotes (cf. [Article 4]). Ainsi, produire des poussins hétérozygotes est réellement avantageux chez cette espèce, et de tels bénéfices génétiques indirects pourraient expliquer l’appariement observé selon la dissimilitude génétique.

C. Fréquence de copulation et consanguinité du couple

Les mouettes sont ainsi appariées de façon à augmenter leur chance de produire des poussins hétérozygotes, ces poussins ayant une meilleure croissance et une meilleure survie. Un certain nombre de couples sont cependant formés d’individus génétiquement semblables (ou, en tous cas, plus semblables que les autres). Ces appariements sub-optimaux pourraient s’expliquer soit par une mauvaise estimation du génotype du partenaire, soit parce que les individus les plus adéquats n’étaient plus accessibles. Pour de tels couples, la reproduction pourrait représenter un coût très important, puisqu’elle ne serait plus contrebalancée par des avantages tels que la production de poussins de bonne qualité. Ces couples pourraient donc adopter des comportements qui leur permettrait d’éviter la reproduction (c’est une espèce longévive qui peut donc se reproduire plusieurs fois).

Une étude préliminaire sur les données comportementales recueillies par Fabrice Helfenstein lors de sa thèse (population du Cap Sizun, Helfenstein 2002) montre que la fréquence de copulation est corrélée avec la similarité génétique des couples (calculée ici grâce à l’indice Phm, cf. Figure II-1). Les couples génétiquement similaires copulent donc moins fréquemment que les couples génétiquement dissemblables. Ce comportement pourrait être interprété comme une stratégie d’évitement de la reproduction.

Les mouettes semblent donc s’apparier de façon à diminuer la probabilité d’avoir des jeunes homozygotes. Ceci s’expliquerait par le faible succès d’éclosion des couples génétiquement semblables, et par la faible qualité des jeunes homozygotes (croissance et survie plus faible jusqu’à 25 jours). Cet appariement pourrait résulter de différents mécanismes. Les individus peuvent effectivement montrer une préférence (active) pour les individus les plus distants génétiquement, utilisant pour cela des indices phénotypiques leur permettant d’estimer le génotype de leurs congénères. On peut également imaginer un mécanisme passif : en effet, en supposant que le succès de reproduction est corrélé à la

0 0.02 0.04 0.06 0.08 0.1 0.3 0.35 0.4 0.45 0.5 0.55 0.6

Similarité génétique du couple

F q u e n c e d e c o p u la ti o n

Figure II-1 Corrélation entre la similarité génétique du couple et sa fréquence de copulation.

La fréquence de copulation pour chaque couple est calculée en cumulant les données sur les trois années d’observation. Les analyses sont faites en utilisant une fréquence de copulation par année et par couple (en nombre de copulations par heure d’observations ; modèle mixte, n = 52, F = 7.67, p = 0.013; incluant l’identité du couple comme paramètre aléatoire : z = 1.72, p = 0.04). Le protocole utilisé pour les observations comportementales est décrit dans Helfenstein et al. (2003).

SYNTHESE – L’appariement chez les mouettes =================================================================== similarité génétique, et en imaginant que les couples qui échouent leur reproduction divorcent davantage, alors les individus pourraient finalement se retrouver appariés à des individus génétiquement différents (mais ceci pourrait prendre du temps).

Afin de tester le réalisme d'un tel mécanisme passif, j’ai effectué des simulations en utilisant les paramètres estimés d’après la population de Middleton (les paramètres utilisés étaient les fréquences alléliques, le taux de mortalité, le taux de succès, et les taux de divorce après succès ou échec de reproduction ; ces paramètres ont été estimés à partir de l’échantillon d’oiseaux génotypés). Chaque année, les individus sont virtuellement appariés au hasard, et on évalue le nombre d’années nécessaires pour obtenir un état semblable à celui observé en 2003 et 2004. Dans le modèle, chaque couple formé peut échouer ou réussir sa reproduction, et divorcer à la fin de la saison (ceci en accord avec les paramètres estimés). De la même façon, les individus peuvent également mourir, ce qui conduit à la formation de nouveaux couples.

Si le succès de reproduction est aléatoire (les couples génétiquement les plus semblables ayant autant de chance de réussir que les autres), alors le modèle n’atteint jamais l’état observé en 2003 ou 2004. Ceci indique que la corrélation entre succès de reproduction et la similarité génétique doit être particulièrement forte. Par ailleurs, même lorsque seuls les couples génétiquement les plus semblables échouent leur reproduction, il faut un taux de divorce après succès proche de 0% et/ou un taux de divorce après échec bien plus important que celui estimé à Middleton, afin d’atteindre l’état observe dans une durée raisonnable (c’est-à-dire, après un nombre d’années compatible avec le taux de mortalité de la mouette tridactyle). Ces résultats tendent à montrer qu’un mécanisme passif de ce type n’explique pas les observations, puisque la corrélation que nous avons mesurée entre le succès de reproduction et la similarité génétique est assez faible, et que les divorces sont plutôt rares à Middleton.

La sélection naturelle devrait donc favoriser les individus ayant une préférence marquée pour les individus distants génétiquement. Ceci semble par ailleurs corroboré par le fait que les couples génétiquement semblables semblent éviter la fertilisation (taux de copulation plus faible), ce qui pourrait indiquer qu’ils sont effectivement capables d’estimer le génotype de leur partenaire et d’adopter un comportement adéquat.

Pour estimer le génotype de leur partenaire, les individus devraient donc utiliser des indicateurs phénotypiques de la qualité génétique. Ceux-ci sont cependant encore largement spéculatifs, car le mécanisme par lequel les mouettes (et les oiseaux de mer en général) choisissent leur partenaire est encore mal connu.

III. Comment les individus estiment-ils le génotype de

leur partenaire ? [Article 5]

Helfenstein, et al. (2004a) avaient montré un appariement des individus selon la longueur du tarse chez les mouettes du Cap Sizun. Ce paramètre morphologique pourrait donc être utilisé comme point de départ pour étudier le rôle de caractères sexuels secondaires dans le choix du partenaire. Cependant, un tel appariement n’a pu être confirmé pour la population de Middleton, malgré un gros effort de capture. Aucune expérience de choix de partenaire n’a pu être menée jusqu'à présent, ce qui rend le rôle de cette variable dans le formation des couples assez ambigu. Par ailleurs, il est peu probable que ce paramètre puisse être un bon estimateur de la qualité génétique, car nous n’avons trouvé aucune corrélation entre la longueur du tarse et différentes mesures de la qualité génétique (héterozygotie, etc.). Je vais donc essayer dans cette partie de proposer d’autres indices qui pourraient avoir un rôle dans le choix du partenaire chez les mouettes tridactyles.

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