20 30 40 50 60 70 Temps thermique No m br e de f eu ille s
F. 3.2 – Nombre de feuilles en fonction du temps thermique pour 20 plantes poussant dans des conditions standard de densité 10.89 pl/m2 et dapport en fertilisants 136 kg/ha.
de plantes, et reposant donc sur lhypothèse irréaliste selon laquelle les données provenant dun même individu sont indépendantes voir par exemple Xue et al. 2004 ; Frank et Bauer 1995 ; Bauer et al.
1985 ;Streck et al.2005 ;Juskiw et al.2005, soit basés sur des valeurs moyennes, ce qui permet de contourner le problème des corrélations entre mesures, mais implique également une perte importante dinformation Lemaire et al.,2009. En prenant lexemple de lengrais, même si la littérature est relati-vement abondante concernant linluence que peut avoir ladministration dazote sur la croissance et le développement de la betterave, son effet sur chacun des paramètres dorganogenèse a rarement été étudié.
Lee et Schmehl1988 ont observé un effet non signiicatif de lazote sur le phyllochrone, mais un effet signiicatif de linteraction azote-date de récolte, et azote-date de récolte-date de semis. A contrario,Stout
1961 a montré quun niveau élevé dazote pouvait stimuler la croissance de nouvelles feuilles. Quoiquil en soit, les résultats de ces études reposent sur des hypothèses dindépendance entre mesures dune même plante, ou sur des valeurs moyennes, et doivent donc être interprétés avec précaution. En effet, il nest pas possible avec ce type dapproches de distinguer la variance imputable à la variabibilité inter-individuelle de la variance résiduelle, toutes les sources de variabilité étant alors réunies sous un même terme derreur, ce qui peut conduire à sous-estimer ou à sur-estimer la signiicativité des tests statistiques.
Nous proposons dans cette section un modèle dorganogenèse non linéaire mixte, permettant de mo-déliser lévolution du nombre de feuilles en fonction du temps thermique. Le modèle sera appliqué dans un premier temps sur une population standard, puis adapté pour tester leffet des facteurs environnemen-taux, en prenant pour exemple leffet de lazote. Le modèle a été entièrement implémenté sous le logiciel Monolix e Monolix Team,2011, dans lequel lestimation se fait par lalgorithme SAEM présenté en section2.4.
1.1 Formulation du modèle
Ain de tenir compte des deux phases de développement observées chez la betterave parMilford et al.
1985a etLemaire et al.2008, nous avons utilisé un modèle linéaire par morceaux, avec quatre para-mètres dont linterprétation biologique est immédiate : le temps dinitiation correspondant au temps de germination, le rythme dapparition des feuilles au cours de la première phase, le temps de rupture
cor-respondant au début de la deuxième phase de développement, et le rythme dapparition des feuilles lors de cette deuxième phase.
Comme détaillé en section1, le modèle non linéaire mixte peut sécrire sous forme de modèle hiérar-chique à deux niveaux : un premier niveau dans lequel on sintéresse à la variabilité intra-individuelle, et un second dans lequel on modélise la variabilité inter-indivduelle. Nous notons yij le nombre de feuilles de la plante i i = 1, . . . , s au temps thermique tj j = 1, . . . , ni.
Variabilité intra-individuelle :
yij = f (tj, ϕi) + g(tj, ϕi)eij 3.1 où ϕi est le vecteur de paramètres spéciiques à la plante i, et eij un terme derreur avec N (0, 1). Par rapport à léquation 2.1, nous avons introduit un modèle derreur résiduel par lintermédiaire de la fonc-tion g. Ceci permet notamment de tester des modèles derreur additifs en posant g = σ, ou multiplicatifs en posant par exemple g = σf. Des modèles combinés peuvent également être testés, avec g = a + bf.
La fonction f représente lévolution non linéaire du nombre de feuilles en fonction du temps ther-mique. Dans notre cas, il sagit dune fonction linéaire par morceaux déinie de la façon suivante :
f(tj, ϕi) = ϕi,1(tj − ϕi,0)1tj≥φi,0 + ϕi,3(tj− ϕi,2)1tj≥φi,2 3.2 où ϕi,0 est le temps thermique dinitiation, ϕi,1 le rythme dapparition des feuilles lors de la première phase, ϕi,2 le temps de rupture et ϕi,3 le changement de rythme observé au cours de la deuxième phase, pour la plante i. On modélise ainsi le changement de pentes entre les deux phases de développement, et on force les deux segments de droite à sintercepter au point dabscisse le temps de rupture. Les phyllochrones des deux phases de développement se déduisent aisément à partir des paramètres ϕi,1 et ϕi,3 : en notant γi,1et γi,2 les phyllochrones des première et deuxième phases de développement, respectivement, on a les relations suivantes :
γi,1 = 1
ϕi,1 3.3
γi,2 = 1 ϕi,1+ ϕi,3.
Variabilité inter individuelle :
ϕi = Aiβ+ ξi, ξi ∼ N (0, Γ) 3.4
où Ai est une matrice de design connue, β le vecteur des effets ixes, et ξi le vecteur deffets aléatoires associé à la plante i, et Γ la matrice 4 × 4 de covariance des effets aléatoires.
La matrice Aipermet de tenir compte de leffet de certaines covariables sur les paramètres. Dans notre cas, nous avons considéré deux formulations différentes pour Ai, selon que lon souhaite évaluer leffet de covariables ou non :
– dans le cas où lon sintéresse à la population standard, aucune covariable nest introduite dans le modèle, et on a donc Ai = I4 et β = (β0, β1, β2, β3)t
– lorsque lon sintéresse à leffet de certaines covariables, et plus précisément ici à leffet de lazote, on considère que la valeur moyenne dans la population varie selon la dose reçue. Trois niveaux ont été comparés, et donc, deux covariables ont été introduites dans le modèle sous forme de variables indicatrices : si, qui vaut 1 si la plante i a reçu une dose standard dazote, et 0 sinon, et hi, qui vaut
1 si la plante i a reçu une dose élevée dazote et 0 sinon. Par conséquent, les plantes nayant pas reçu dazote sont celles pour lesquelles si = 0et hi = 0. Finalement, nous avons :
Ai = 1 si hi 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 si hi 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 si hi 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 si hi
et β = (β0, δs,0, δh,0, β1, δs,1, δh,1, β2, δs,2, δh,2, β3, δs,3, δh,3)t, où δs,jreprésente la différence entre la valeur moyenne du paramètre ϕi,j pour les plantes ayant reçu une dose standard s dazote, et la valeur moyenne de ce même paramètre pour les plantes nayant pas reçu dazote. On peut déinir de la même façon le paramètre δh,j pour les plantes recevant une forte dose dazote h. Finalement, pour les plantes ne recevant pas dazote, la moyenne du vecteur deffets aléatoires est (β0, β1, β2, β3)t, pour les plantes recevant une dose standard dazote, cette moyenne vaut (β0+ δs,0, β1+ δs,1, β2+ δs,2, β3 + δs,3)t, et enin, pour les plantes ayant reçu une forte dose dazote, cette moyenne vaut (β0+ δh,0, β1+ δh,1, β2+ δh,2, β3+ δh,3)t. La variance des effets aléatoires reste la même quelque soit la dose dazote reçue.
Le vecteur de paramètres est alors θ = (β, Γ, σ) si g = σ ou g = σf, et θ = (β, Γ, a, b) si g = a+bf. Il est possible dapprocher la moyenne et la variance des deux phyllochrones voir équation 3.3 à laide dun développement de Taylor à lordre 1. Si X est une variable aléatoire de moyenne m et de variance σ2, et si h est une fonction dérivable telle que h′(m) ̸= 0, on peut utiliser les approximations suivantes :
E(h(X))≈ h (m) 3.5
Var(h(X)) ≈ (h′(m))2Var(X).
Lutilisation dune matrice de covariance Γ non diagonale et sans structure particulière augmente le nombre de paramètres à estimer, ce qui, compte tenu du faible échantillon dont nous disposons, peut conduire à des problèmes didentiiabilité ou de convergence de lalgorithme. Cest la raison pour laquelle nous avons également testé dautres structures de covariance plus parcimonieuses :
1. on considère que le paramètre ϕi,k nest corrélé à aucun autre ϕi,l pour l ̸= k. Par exemple, pour k = 0, cela signiie que le temps dinitiation est indépendant des trois autres paramètres, ce qui donne la forme suivante pour Γ :
σ20 0 0 0 0 σ2 1 σ12 σ13 0 σ12 σ2 2 σ23 0 σ13 σ23 σ23 , 3.6
2. on considère que les paramètres ϕi,k et ϕi,l, où k ̸= l, ne sont corrélés avec aucun autre paramètre. Par exemple, pour k = 0 et l = 1on obtient la matrice de covariance suivante :
σ02 0 0 0 0 σ12 0 0 0 0 σ2 2 σ23 0 0 σ23 σ2 3 , 3.7
3. on considère enin lindépendance entre les paramètres, ce qui équivaut à une matrice Γ diagonale. Les différentes structures de covariance ont été comparées à laide des critères AIC et BIC.