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Formulation des bétons recyclés à base de GBR

Chapitre I. Bibliographie et contexte

I.4. Formulation des bétons recyclés à base de GBR

Une grande dispersion des résultats peut être observée dans la littérature, principalement causée par les différentes sources et la qualité des bétons d’origine qui sont recyclés. Plusieurs études mettent en évidence l’hétérogénéité importante des GBR et confirment la nécessité de contrôler leurs propriétés pour différentes applications et surtout pour formuler de nouveaux bétons recyclés [55, 56].

Selon la norme [NF EN 206-1/CN], l’eau efficace du béton est déterminée en prenant en compte l’absorption d’eau des granulats (WA24) déterminée conformément à la norme [NF EN 1097-6]. Cependant, une petite variation dans l’estimation du coefficient d’absorption d’eau (WA24), peut provoquer soit un excès d’eau conduisant à de mauvaises propriétés mécaniques, soit à un manque d’eau entraînant une mauvaise ouvrabilité du béton recyclé [57]. De plus, le fait d’utiliser WA24 dans le calcul de l’eau efficace peut engendrer des résultats inattendus puisque le malaxage se fait pendant une durée très inférieure à 24 heures [58].

I.4.1. Maîtrise de l’eau efficace

Plusieurs types d’eau peuvent être distingués dans un béton frais : 1- l’eau d’ajout qui est l’eau ajoutée réellement au mélange en prenant en considération l’état d’humidité initiale des granulats, 2- l’eau totale qui est la somme de l’eau d’ajout avec l’eau apportée par les adjuvants et par les granulats et 3- l’eau efficace qui est l’eau contenue dans la pâte de ciment fraiche. L’eau efficace peut être admise comme un critère de durabilité pour la conception du béton [NF EN 206-1/CN].

Selon la norme européenne [NF EN 206-1/CN], l’eau efficace est obtenue en soustrayant l’eau absorbée par les granulats de l’eau totale. Notée Eeff, dans la littérature et dans cette thèse, cette eau est prise en compte dans la détermination du rapport Eeff sur poudres (ciment ou ciment + filler).

En utilisant des granulats naturels l’absorption d’eau ne cause pas de réel problème dans la fabrication des bétons puisque le coefficient d’absorption est faible (0-1%) et impacte peu l’eau efficace. Par contre, les coefficients d’absorption des GBR varient entre 5% et 10% et donc pour une gâchée de 1000 litres de béton recyclé contenant 1 tonne de granulats recyclés,

Dans les centrales à béton, l’absorption d’eau réelle des GBR n’est vérifiée que périodiquement. Un autre problème que rencontre l’industrie de production du béton de granulats recyclés est la variabilité de la teneur globale en eau dans les GBR. Certaines usines ont un système continu mis en place pour la surveillance de ce paramètre pour corriger l’eau d’ajout, et la plupart de ces systèmes dépendent d’un échantillon quotidien prélevé dans un grand lot de granulats qui sont très hétérogènes. Toute erreur de l’un de ces deux paramètres (coefficient d’absorption et teneur en eau initiale) induit une sur ou sous-estimation de la teneur en eau finale ou de la quantité d’eau à compenser dans le béton recyclé.

Joseph et al. [52] montrent qu’une surestimation de l’absorption d’eau influe sur la qualité du béton au même titre que l’augmentation du rapport E/C. Ces deux augmentations conduisent à une perte dans les propriétés mécaniques comme la résistance à la compression et à une augmentation de maniabilité (peut être non désirable selon la structure à couler) (Figure 12). En fait, ces effets ne sont pas seulement dus à une augmentation de l’eau libre dans le mélange du béton mais aussi à la diminution du dosage en ciment dans la formulation puisque la quantité de ciment n’est pas modifiée. Les effets de sous-estimation de l'absorption d'eau sont limités à la perte d'ouvrabilité, qui peut être compensée par une augmentation du dosage en superplastifiant.

Figure 12. Influence de la surestimation de l’absorption d’eau des GBR sur le comportement du béton frais et du béton durci [52].

I.4.2. Pré-humidification des GBR

La pré-saturation des GBR pourrait être une solution technique potentielle pour palier à l’absorption différée de l’eau dans le béton. Cependant, cette opération reste une tâche très complexe pour la production industrielle des bétons recyclés [59, 60].

Dans la littérature, plusieurs auteurs ont étudié l’influence de l’état de pré-mouillage des GBR sur le comportement rhéologique des mortiers et des bétons recyclés, en variant l’humidité initiale des granulats recyclés [61-63]. Etant donné que les méthodes de pré-mouillage affectent de manière significative les propriétés de ces bétons aux états frais et durci, il est important d’en tenir compte avant de commencer le processus de production du béton.

Contrôler le transfert d’eau entre les granulats et la matrice dans le béton est difficile, il faut en effet trouver un compromis entre la saturation complète et la sous-saturation des granulats recyclés. D’une part, une saturation complète peut être appliquée pour arrêter tout transfert de l’eau efficace vers les granulats recyclés [64]. D’autre part, une saturation complète des GBR pourrait aussi entrainer un relargage d’eau dans le mélange du béton recyclé [59].

Gonzalez et al. [65] ont proposé d’immerger les granulats recyclés dans de l’eau pendant 10 minutes avec un bref séchage à l’air et l’élimination de l’eau à la surface des granulats. Dans une autre étude, il est montré que les GBR séchés à l’air ont amélioré la maniabilité et la résistance à la compression du béton [22].

Sanchez-Roldan et al. [66] ont étudié l’effet de la pré-saturation et du temps de trempage des GBR sur l’affaissement des bétons (Figure 13). Ils ont conclu que le pré-mouillage affecte la consistance du béton par rapport au temps de pré-trempage. Pour obtenir un béton recyclé à maniabilité désirée un temps de pré-trempage de 10 minutes était suffisant.

Figure 13. Influence de l’eau dans le béton recyclé sur son comportement à l’état frais [66]. La série C est un béton à base de granulats naturels et les séries de 0 à 5 sont des bétons recyclés.

Dans l’étude de Mefteh et al. [61] l’affaissement des bétons incorporant des GBR n’est pas influencé par l’humidité initiale des GBR. En effet, l'affaissement est similaire à celui du béton produit avec des granulats naturels. L'étude pourrait être interprétée comme l'effet d'une absorption rapide par les GBR [67].

Poon et al. [24] ont montré que l’état initial de pré-saturation des granulats naturels et recyclés influence les caractéristiques des bétons aux états frais et durcis. Dans leur étude, les états d'humidité des granulats ont été contrôlés soit séchés à l'air (AD), soit séchés à l’étuve (OD) et soit saturés à surface sèche (SSS). En plus, ils ont montré que l’utilisation des gravillons de GBR à l’état sec ou dans un état d’humidité inférieur à l’état SSS avait un effet positif sur la résistance du béton. Par contre, la résistance du béton fabriqué avec des GBR à l’état SSS est diminuée. Dans ce cas, la chute de résistance peut être attribuée à l’effet du micro-ressuage quand le béton est compacté. Au cours du compactage du béton, l’eau contenue dans les granulats se déplacerait vers la pâte de ciment augmentant ainsi le rapport Eeff/C à la zone d’interface. La liaison entre la matrice de ciment et les granulats serait donc plus faible. A l’inverse, quand on utilise les GBR à l’état sec, l’eau peut être absorbée par les granulats, il y aurait donc un mouvement d’eau de la pâte de ciment vers les granulats. Le rapport Eeff/C diminuerait et la résistance du béton serait augmentée.

Ainsi, une meilleure compréhension et une bonne caractérisation des propriétés des GBR sont nécessaires pour fabriquer du béton recyclé. Une bonne estimation de leurs caractéristiques optimise leur utilisation dans de nouvelles formulations de béton recyclé. La détermination de la capacité et de la cinétique d'absorption d'eau et la connaissance de l'état initial d‘humidification des GBR sont nécessaires pour la formulation de nouveaux bétons et pour le contrôle de l’eau efficace réelle dans le mélange du béton.