• Aucun résultat trouvé

les formations travertineuses de la Vallée de l’Aigue Agnelle : séquence géobotanique holocène d’altitude (2400 m)

lE doMAinE Alpin dEs HAutEs VAllÉEs du QuEYrAs

Les agglomérations d’Embrun et de Guillestre, avec la place forte de Mont-Dauphin, sont établies sur de vieilles terrasses alluviales qu’entaillent la Durance et son affluent le Guil. Ces alluvions, consolidées en poudingue, ont été déposées à une époque intermédiaire entre les deux dernières glaciations quaternaires. Elles ont été recouvertes par des dépôts glaciaires de la glaciation la plus récente, qui tapissent largement les pentes dominant ces villes.

La place forte de Mont-Dauphin construite par Vauban à partir de 1693 était avant tout destinée à verrouiller les accès des vallées de la haute Durance et du Guil. Le nom de Mont-Dauphin a été nommé en référence au Grand-Dauphin, le fils aîné du roi de Louis XIV, la place forte étant située dans le Dauphiné.

Après Guillestre l’accès au Queyras passe par une route taillée dans une falaise rive gauche du Guil, 200 m à la verticale du torrent. À partir de la Maison du Roy, la route reste encaissée au fond d’une combe avec des versants très raides voire de véritables parois au défilé de la Chapelue. Nous sommes ici dans le Queyras calcaire, véritable barrière naturelle responsable de l’isolement du Queyras pendant des siècles. Cette première partie du massif est constituée de roches sédimentaires dont des calcaires, des dolomies, mais aussi des marnes et des grès, qui appartiennent à la nappe de charriage de la « zone briançonnaise ».

Le verrou glaciaire de Château-Queyras qui barre la vallée du Guil à été utilisé dès le XIe siècle pour y implanter un château. La construction actuelle mêle les tours et donjon carré du XIVe siècle avec un dispositif à la Vauban. Ce fort servait alors d’avant-poste destiné à retarder l’ennemi pour donner aux places de Mont-dauphin et de Briançon le délai nécessaire aux préparatifs de défense. Après Château-Queyras, les reliefs se font plus doux et le paysage s’ouvre. Cette partie orientale du massif est essentiellement formée de « schistes lustrés » et de calcschistes (nappe de la « zone piémontaise ») d’où émergent, surtout dans la partie la plus orientale, quelques massifs d’ophiolites. Il s’agit de roches sombres, comme le basalte ou le gabbro, souvent métamorphisées, et d’une couleur verdâtre. Plus dures, elles forment les principaux sommets comme le Mont Viso.

2 Km Tioures Fontgillarde Aiguille Village Saint-Véran Vallée de l'Aigue Agnelle Vallée du Peynin 0 Devez Système travertineux Figure 1

introduction et cadre conceptuel

Les travaux les plus anciens sur les travertins remontent au XIXe siècle. Ces formations sédimentaires, formées

de divers faciès calcaires (ou travertineux), détritiques et organiques (tourbes) constituent des systèmes travertineux (Vaudour, 1986 ; Magnin et al., 1991 ; Guendon, in Riser, 1999). Les empreintes végétales qu’ils renferment ont permis les premières observations sur les paléovégétations quaternaires (Saporta, 1860, 1867 ; Planchon, 1864 ; Fliche, 1904).

En dehors des pollens essentiellement présents dans les niveaux tourbeux peu fréquents, d’autres restes végétaux abondent dans les autres faciès. Les faciès travertineux comportent des empreintes de feuilles, fruits, cônes, aiguilles, troncs, branches ou brindilles, etc. tandis que les faciès détritiques renferment des charbons de bois. Cependant, malgré leur richesse et diversité en macrorestes végétaux, les systèmes travertineux restent peu pris en compte par les paléobotanistes. En France, nous pouvons citer Farizier (1980) et l’ATP- PIREN (Action Thématique Programmée - Programme Interdisciplinaire de Recherche sur l’Environnement), codirigée par J.-L. Vernet et J. Vaudour en 1990, comme principaux travaux où les macrorestes végétaux (principalement des empreintes) contenus dans des systèmes travertineux ont été étudiés afin de reconstruire des paléovégétations holocènes. Cependant, dans ces travaux antérieurs, les empreintes végétales récoltées ont été étudiées dans leur ensemble, et très rarement selon une chrono-stratigraphie (niveau par niveau) qui aurait permis une approche diachronique de l’évolution des paysages. Par ailleurs, les charbons de bois, qui abondent dans certains systèmes étudiés, ont été peu analysés.

À partir de l’étude de systèmes travertineux holocènes des domaines subalpins (Queyras, Hautes-Alpes) du Sud-Est de la France, notre démarche se propose de caractériser les paléopaysages qui se sont succédés autour de ces dépôts. Dans cette optique, conjointement à l’analyse paléobotanique menée, niveau par niveau, sur les empreintes végétales et les charbons de bois, des études sédimentaires et géomorphologiques des différents dépôts ont été réalisées afin de caractériser la signification paléoenvironnementale des divers faciès observés. Couplée à des datations au radiocarbone (14C : charbon de bois et/ou faciès travertineux) ou à l’Uranium/Thorium (faciès travertineux), cette double approche constitue notre méthode d’analyse de l’organisation spatio-temporelle des paléopaysages des sites étudiés. Nous la qualifions d’analyse géobotanique séquentielle.

caractéristique de la zone d’étude

Les systèmes travertineux étudiés sont localisés entre 2000 et 2300 m d’altitude dans le massif du Queyras (Hautes-Alpes, France), plus précisément dans les vallées de l’Aigue Agnelle et du Peynin (Fig. 1). Ce sont des édifices de petites dimensions (quelques dizaines de mètres de large, sur quelques mètres d’épaisseur maximum). Ces systèmes se sont formés à l’aval de petites sources naissant sur les versants sud des vallées. Dans le Queyras, le substratum de ces dépôts est essentiellement constitué par la formation dite des « schistes lustrés » et par des accumulations morainiques. Les eaux qui alimentent ces systèmes travertineux traversent des formations gypseuses triasiques et/ou des calcschiste crétacés en écailles dans les schistes lustrés (Brotto, 1986).

Les formations travertineuses d’altitude (2400 m) de la vallée de l’Aigue Agnelle :