• Aucun résultat trouvé

6 Résultats et interprétations

6.2 L’AS et ses représentations de la fin de vie

6.2.8 Formations et supervisions pour les assistants sociaux

Si la sensibilité et l’expérience personnelle ou professionnelle sont des facteurs facilitant l’approche pour l’accompagnement en fin de vie, la question a été posée de savoir dans quelle mesure les

institutions se sentent concernées en offrant des supervisions ou des formations. En effet, jusqu’ici le problème des formations n’a été abordé que par la curatrice qui affirmait qu’il faut être préparé à l’accompagnement en fin de vie. Cette question a été posée à tous les intervenants.

De manière générale, les personnes interrogées ont répondu que les institutions pour lesquelles elles travaillent n’offrent pas de formations spécifiques pour la fin de vie. Une première assistante sociale répond: « non, il n’a y d’ailleurs à ma connaissance aucune formation spécifique pour les assistantes sociales confrontées à des situations de fin de vie. ». Cette personne reconnaît néanmoins que la question mériterait d’être relevée, car il manque un soutien ; en particulier pour les nouveaux assistants sociaux :

« Une de mes collègues, arrivée dans notre service, il y a peu de temps, a très vite dû intervenir dans les soins palliatifs ; elle a eu des difficultés. Je trouve que ça mériterait, pas forcément d’être formé, mais d’avoir un moment en équipe, pour reparler de ce que l’on fait, comme assistant social, lorsque nous sommes dans une situation de fin de vie. Avec elle, on a dû le faire de façon informelle et partager entre nous ; c’est-à-dire en partageant notre expérience, en mettant l’accent sur des questions telles que : jusqu’où on va ? Qu’est-ce qu’on arrête de faire et qu’est-ce qu’il vaut la peine d’être encore fait ? ». Une deuxième assistante sociale propose une formation dans le cadre de l’HES :

« On pourrait envisager dans le cadre de l’HES de parler de la mort, déjà… D’avoir aussi dans un module une approche de la mort multiculturelle, pour qu’on puisse envisager la mort sur plusieurs angles, en disant quelle est l’attitude, comment doit-on agir… »

Une troisième personne avoue avoir eu énormément de difficulté à pouvoir obtenir une formation, car elle désirait, dans le cadre de son travail, acquérir un outil supplémentaire :

« En tant que professionnelle, j’avais de la peine à m’inscrire à ces formations, car il y avait le CMS qui avait mis en place sa propre formation, mais pour les bénévoles. A force d’insister, j’ai pu participer à ces formations d’accompagnement de personnes en fin de vie. »

Les thématiques de la mort et de la fin de vie ne sont donc pas abordées dans les institutions. Les AS peuvent néanmoins, s’ils en ressentent le besoin, demander une supervision pour en discuter, mais il semblerait que ce soit le cas pour seulement trois personnes sur six. Dans de tels cadres institutionnels, il est effectivement difficile pour l’assistant social d’être préparé à aborder un accompagnement en fin de vie. L’assistante sociale qui travaille sous mandat de l’APEA15 déclare par ailleurs qu’une personne sans expérience ne devrait pas prendre des mandats de curatelle :

« J’ai envie de dire aux jeunes, ne venez pas dans un milieu de curatelles, aguerrissez-vous d’abord dans un CMS qui est très formateur ! Vous apprendrez un tas de choses, et vous ne pourrez pas déborder : le milieu de CMS est fait de protocole et de procédures […] Et puis ça fait peur de parler de la mort, de parler de décès ou de directives anticipées. »

6.2.9 Synthèse de chapitre

Les représentations des A.S. dans l’accompagnement en fin de vie sont conditionnées par plusieurs variables : les valeurs personnelles, l’âge, la personnalité, l’expérience de la mort, ainsi que par des facteurs d’ordre institutionnel. Si la définition de la fin de vie est polysémique pour les A.S., la plupart d’entre eux n’envisagent pas leur rôle dans l’accompagnement en fin de vie, et encore moins au chevet du mourant. En outre les personnes interrogées reconnaissent que cet accompagnement met en jeu une rupture avec leur propre identification à la profession. Néanmoins certains A.S. admettent que pour pouvoir affronter la question de la fin de vie avec leurs usagers, ils doivent aussi être capables d’affronter leur propre regard sur la mort. Ainsi, entre peur, dénis, désinvestissement, ou prise de conscience de leur propre finitude, les intervenants mettent en exergue des représentations de la fin de vie dans leur domaine d’activité qui diffèrent fortement d’une personne à l’autre, soulignant ainsi les réalités dynamiques et contradictoires de ce champ d’intervention. En effet, entre le besoin d’assurer un lien avec les vivants et le besoin de rompre avec l’idée de la mort, les A.S. se trouvent quelque part en porte à faux entre la consolidation d’un lien social qui perdurerait jusqu’à la fin et celui de devoir passer le témoin pour une fin de course qui se veut médicalisée.

6.3 Besoins des personnes en fin de vie et de leurs familles

La question des besoins des personnes en fin de vie et de leur famille est un sujet important du point de vue méthodologique de l’analyse de l’entretien. En effet, en lisant de manière transversale les entretiens et en me centrant sur les besoins de la personne, cette façon de procéder permet de prendre en compte : d’une part, les demandes implicites ou explicites de la personne, ainsi que ses voies d’accès à la demande ; d’autre part, les interventions que l’assistant social décide de mettre en œuvre pour répondre aux besoins.

Aussi, jamais très loin d’un besoin, l’intervention de l’A.S. s’inscrit dans une méthodologie qui doit tenir compte de « l’usager dans ses différentes dimensions » (DE ROBERTIS, 2007, p. 198), du cadre institutionnel dans lequel l’assistant social opère, ainsi que de la déontologie de la profession.

Le code déontologique du travailleur social énonce en effet que « le travail social consiste à empêcher, faire disparaître ou atténuer la détresse des êtres ou groupes humains » (AVENIR SOCIAL, 2010, p. 6). Il invite le travailleur social à entendre cette détresse et à mettre en œuvre des interventions pour « inventer, développer et fournir des solutions à des problèmes sociaux » (AVENIR SOCIAL, 2010, p. 6). Maela Paul soutient en outre que « L’une des fonctions de l’accompagnement est d’aider à repérer, élucider, formuler la demande. » (PAUL, 2004, p. 128)

Je tenterai donc de définir dans ce chapitre les besoins des personnes et de leurs proches dans les derniers instants ; d’énoncer les voix d’accès des assistantes sociales à ces besoins ; je citerai enfin leurs rôles et actions dans l’accompagnement de ces personnes. Il importe toutefois de relever ici, que ce que l’A.S. fait ou comment il le fait ne peut que difficilement être détaché du besoin de l’usager. Aussi, ce qu’il met en œuvre, en termes d’intervention fait nécessairement corps avec les besoins relatés. De Robertis l’affirme par ces mots : « Le comment faire est pour nous de l’ordre de la création individuelle, c’est la manière dont chacun habite son rôle, l’adapte et le transforme, il ne peut être défini d’avance, mesuré ou codifié. » (DE ROBERTIS, 2007, p. 198) Elle ajoute plus loin : « Faire une classification des types d’interventions en travail social en dissociant l’action des objectifs poursuivis est forcément une démarche insatisfaisante. » (DE ROBERTIS, 2007, p. 199).