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Formation-propagation du relief andin et évolution paléo-environnementale

Chapitre V – Conclusions générales de la thèse

2. Formation-propagation du relief andin et évolution paléo-environnementale

L’élaboration d’une coupe à échelle crustale des Andes Centrales du Nord (5-9°S), construite grâce à l’étude du prisme orogénique occidental et des travaux précédemment publiés à l’Est,

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a permis de mettre en évidence une architecture crustale à double vergence de la chaîne avec un raccourcissement minimum total de 158 km, réparti équitablement dans les prismes occidental et oriental (80 et 76 km) . Cette coupe est équilibrée grâce au marqueur régional de la surface d’érosion post-incaïque Eocène moyen, qui était située proche du niveau marin à ~39 Ma à travers toute la chaîne. En accord avec la géologie régionale et les données de géophysique profonde, cette coupe équilibrée montre que le raccourcissement suffit à expliquer l’épaississement crustal de la chaîne. L’importante épaisseur sous la Cordillère Occidentale est expliquée par le sous-charriage vers l’Est d’une partie de la zone de forearc et d’un duplex crustal sous les cordillères, accommodé en surface par un raccourcissement minimum de 80 km le long du WAET. Ces résultats expliquent le contraste géologique entre l’avant-arc et le reste des Andes. La modélisation directe géophysique (LitMod) montre une forte densité de ce bloc comparée à la Cordillère Occidentale, confirmant une composition d’origine très différente. Pour bien définir les structures crustales de la Cordillère Occidentale et pour expliquer les anomalies à l’air libre positives mises en évidence dans le Chapitre III, partie 2, il serait intéressant d’élaborer une carte des anomalies isostatiques résiduelles permettant de discerner les variations de densité intra-crustales.

La synthèse des âges de refroidissement AHe et AFT et la modélisation des histoires thermiques (provenant de cette étude et d’autres publications) indiquent une exhumation simultanée des prismes orogéniques occidental et oriental il y a environ 30 Ma. Une accélération généralisée et croissante de l’exhumation depuis ~17 et 8 Ma est observée, notamment avec l’accélération de l’exhumation du toit du WAET à 12-8 Ma, et de l’activation de la tectonique thick-skinned du bassin de Huallaga il y a ~8 Ma (Eude et al., 2015). Un différentiel d’exhumation a été calculé de parts et d’autres du WAET, avec une érosion totale de ~1980-3260 m et de ~3260-5240 m respectivement au mur et au toit du chevauchement.

Malgré une diminution de la convergence des plaques depuis 15-10 Ma (e.g. Maloney et al., 2013), cette accélération de la déformation est attribuée à l’entrée en subduction de la Ride Nazca il y a ~14-11 Ma (Hampel, 2002; Rosenbaum et al., 2005). Ceci est corroboré par la modélisation LitMod, indiquant une absence de coin asthénosphérique, et donc une grande surface inter-plaques permettant le transfert et la propagation des déformations dans les prismes orogéniques sus-jacents.

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Pour aller plus loin, il serait intéressant de faire une modélisation thermique permettant de simuler les âges thermochronologiques, les historiques d’exhumation et les données de vitrinite le long de notre coupe restaurée de type FetKin (Almendral et al., 2015).

Malgré le fait que l’équilibre isostatique soit atteint dans la modélisation des structures lithosphériques LitMod, l’Escarpement Ouest Andin, le haut plateau occidental andin (Calipuy) et les altitudes du Bassin de Huallaga ne sont pas reproduits, indiquant ainsi que d’autres processus façonnent le relief andin. La modélisation numérique tAo, prenant en compte les déformations tectoniques, la flexure lithosphérique, l’isostasie, les processus de surface (érosion-transport-sédimentation) contraints par des conditions climatiques particulières, a permis de tester et de confirmer que ce modèle d’épaississement crustal par raccourcissement d’un orogène à double vergence fonctionne. Les résultats montrent une très bonne concordance avec les épaisseurs crustales mesurées et la topographie, variant selon le climat. Cette modélisation montre qu’avec une accélération synchrone de la propagation des déformations dans les prismes orogéniques occidental et oriental (en trois étapes ; 30-17/17- 8/8-0 Ma), le soulèvement des cordillères n’est quant à lui pas simultané. La Cordillère Orientale est soulevée très rapidement à ses altitudes actuelles entre 16 et 11 Ma, alors que le haut plateau occidental et l’Escarpement Ouest Andin sont soulevés à la même vitesse que le taux de raccourcissement, pour finalement atteindre les altitudes observées à 0 Ma.

Le soulèvement tardif des Andes Centrales observé grâce à la modélisation tAo montre de fortes variations topographiques, d’érosion, de sédimentation, et donc une influence sur les paléoenvironnements. Les modèles tAo ont montré une augmentation accrue de la sédimentation à partir du Miocène supérieur-Pliocène dans l’avant-arc, la région intramontagneuse et le bassin de Huallaga. Cet apport sédimentaire est corrélé aux dépôts tardifs de sédiments détritiques grossiers observés à la même époque dans ces bassins, interrompant les environnements de dépôt calmes marin (avant-arc), lacustre (région intramontagneuse) et marin-lacustre du système Pebas dans le bassin d’avant-pays amazonien. En effet, la modélisation montre un environnement de dépôt situé sous le niveau marin sur près de 400 km entre 30 et ~8 Ma, qui semble correspondre au système Pebas. Le changement de drainage au Miocène supérieur du bassin transcontinental amazonien, serait en parti dû à l’activation des chevauchements de socle du Bassin de Huallaga à ~8 Ma, et de l’apport significatif de matériel détritique dans la partie occidentale du Bassin de Marañón, ce qui, combiné à une subsidence dynamique et à l’apport conséquent de sédiments provenant du

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Bassin Ucayali (non calculé dans le modèle), pourrait expliquer l'organisation actuelle du bassin d'avant-pays amazonien.

Ces résultats montrent qu’il faudra repenser le modèle géodynamique des Andes occidentales, souvent considérée comme un domaine figé, transporté passivement vers l’Est par le prisme orogénique oriental.

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