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Formation des maîtres et mixité sociale

D’après l’OCDE, le recrutement et le maintien en emploi d’enseignants hautement qualifiés constituent un défi pour plusieurs de ses pays membres (Schleicher, 2014). Cette pénurie de personnel a conduit, dans certains contextes, à une réduction des qualifications minimales requises pour accéder à la profession, à une augmentation de la tâche globale des enseignants et à une plus grande flexibilité dans l’attribution des tâches, qui fait en sorte que plusieurs éducateurs sont contraints d’enseigner des matières hors de leur champ d’expertise. Dans un tel contexte, un nombre croissant d’enseignants s’inquiètent du faible degré d’attractivité de leur profession pour les étudiants les plus compétents et

6. Afin d’éviter le biais d’auto-sélection, les chercheurs avaient demandé aux familles de 183 classes de se porter volontaires et ont implanté le programme de manière aléatoire dans 96 d’entre elles. Il a ainsi été possible de comparer des familles volontaires ayant bénéficié du programme avec des familles volontaires qui n’avaient pas été sélectionnées et avec des familles qui ne s’étaient pas portées volontaires.

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les plus performants, ce qui menace la qualité à long terme de l’enseignement dans les écoles (OCDE, 2005). Certains indicateurs sont inquiétants. En Belgique flamande, par exemple, la moitié des étudiants inscrits dans une formation en éducation en 2001 admettaient qu’il ne s’agissait pas de leur premier choix de carrière et qu’ils ne s’y trouvaient que parce qu’ils n’avaient pas pu être admis à un autre programme de formation (Musset, 2010).

Nous avons vu, dans la première section, que les maîtres jouent un rôle important dans la réussite scolaire des élèves et que ce rôle est particulièrement crucial pour les jeunes les plus défavorisés. Il est donc particulièrement dommage de constater que les problèmes de rétention de personnel expérimenté affectent tout particulièrement les établissements situés en région éloignée et ceux des quartiers les plus défavorisés. D’après le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), les dirigeants d’établissements d’enseignement rapportent une pénurie de personnel plus importante dans les écoles publiques ainsi que dans celles où l’on trouve une plus forte proportion d’élèves issus de minorités ethnoculturelles ou disposant d’un bagage socioéconomique moins grand (OECD, 2013).

Cependant, les écoles les plus défavorisées sont avantagées sur un plan : le rapport enseignant-élèves y est généralement moins élevé. Si les enseignants sont moins qualifiés, les classes sont cependant plus petites. L’impact relatif de l’expérience des enseignants et la grosseur des classes font l’objet de controverses. Des recherches montrent qu’une réduction de la taille des classes peut améliorer les performances d’élèves, et ce, particulièrement chez les plus défavorisés (Schanzenbach, 2014). Selon d’autres recherches ayant permis de comparer à la fois l’influence de la taille des classes et les caractéristiques des enseignants, c’est le second élément qui joue un rôle important (Hanushek et autres, 2001). Les détracteurs d’une politique de réduction de la taille des classes soulignent que celle-ci est coûteuse et qu’elle peut contribuer à accentuer la pénurie d’enseignants qualifiés dans les milieux défavorisés (Chevalier, Dolton et McIntosh, 2007).

12.1 Un bilan de la réduction de la taille des classes en France

Il est possible de réconcilier en partie ces positions et le cas de la France peut ici fournir un certain éclairage. La taille des classes est l’un des axes d’intervention privilégiés pour améliorer les performances scolaires au sein des zones d’éducation prioritaires (ZEP), une politique de financement gouvernemental cible des territoires défavorisés et accorde un financement plus élevé aux établissements qui y sont situés. Les ressources engagées sont considérables puisque près de 15 % des élèves se trouvent dans les ZEP et que ceux-ci reçoivent un financement plus élevé, dans une proportion de 10 à 15 %, que leurs camarades situés hors des zones d’intervention. Une partie importante des sommes supplémentaires sont consacrées à la réduction de la taille des classes, qui comptent en moyenne deux élèves de moins dans les ZEP (Rochex, 2008). Cependant, les résultats obtenus, bien qu’ambigus, demeurent décevants puisque l’objectif de réduire sensiblement les écarts de performance entre les écoles françaises n’a pas été atteint

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(Schiff et autres, 2011). Cela ne signifie pas nécessairement que la réduction de la taille des classes est un échec. Selon certaines analyses, le problème tient plutôt au fait que les ressources sont trop dispersées et qu’une réduction de seulement deux élèves est trop faible pour être vraiment efficace. Une diminution globale de la taille des groupes à l’échelle du système d’éducation pourrait s’avérer inefficace, mais une réduction très ciblée du rapport enseignant-élèves dans les écoles connaissant les plus grandes difficultés pourrait avoir des résultats beaucoup plus importants (Piketty et Valdenaire, 2006). C’est la direction qu’emprunte le gouvernement depuis l’année scolaire 2006-2007 avec la division des ZEP en deux réseaux distincts et avec la volonté de mieux cibler les ressources (Moisan, 2011).

12.2 Un programme de formation spécifique

Une partie des problèmes éprouvés par les enseignants au contact des publics défavorisés relève d’un manque de formation et de préparation. Les programmes mis en œuvre devraient donc inclure des cours dédiés à l’enseignement en contexte défavorisé. Les enseignants devraient notamment être en mesure de diagnostiquer les problèmes des élèves et de comprendre le contexte de l’école dans lequel ils évoluent. Ils devraient en outre bénéficier de stages en milieu défavorisé pour compléter leur formation (Schleicher, 2014).

L’un des éléments essentiels du programme de réaffectation des élèves danois, dont nous avons parlé plus haut, a consisté à offrir une formation complète aux enseignants qui s’apprêtaient à accueillir de nouveaux élèves n’ayant pas le danois comme langue maternelle (Calmar Andersen et autres, 2011). Cet exemple illustre aussi l’importance de la formation continue des enseignants.

12.3 Une carrière désirable, des compensations appréciables

En général, faire de l’enseignement une carrière plus désirable et plus socialement respectée peut contribuer à améliorer le profil des candidats, à diminuer la pénurie de main-d’œuvre dans ce domaine et à réduire les différences de performance qu’on peut enregistrer entre les établissements. En retour, cette réduction de la variance entre les écoles peut avoir un effet positif sur la mixité sociale dans la mesure où les parents seront moins portés à consacrer des ressources aux seules fins d’éviter les écoles accueillant un public défavorisé.

Un autre axe d’intervention consiste à rendre plus intéressante l’affectation dans une école située dans un quartier défavorisé. À l’heure actuelle, il existe plusieurs types de bonus, mais ceux-ci sont souvent insuffisants. Dans bien des cas, l’affectation d’un enseignant dans une école à la clientèle plus difficile est perçue comme une punition. Plusieurs ne songent qu’à quitter ces écoles, qui peinent à retenir des pédagogues talentueux (Van Zanten, 2001). De plus, il est important de ne pas agir que sur le salaire. Il faut aussi s’assurer que les enseignants ont les ressources nécessaires pour s’acquitter correctement de leur tâche.

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Certaine formes de compensation peuvent cependant avoir des effets non désirés. Par exemple, en France, les enseignants accumulent davantage d’ancienneté lorsqu’ils sont affectés dans des écoles défavorisées. Comme les affectations de personnel sont en partie liées à l’ancienneté, cette mesure leur permet plus rapidement de changer d’établissement.