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La formation sur les liens entre les laboratoires et les médecins

5.2.2 « Faire croire »

5.4 La formation sur les liens entre les laboratoires et les médecins

La plupart des internes estiment ne pas avoir eu de formation spécifique.

D’après l’étude allemande, la majorité ne se considère pas préparée et les deux tiers souhaiteraient une formation (25).

5.4.1

La lecture critique d’article

La lecture critique d’article représente, pour la plupart des participants, l’essentiel de la formation reçue sur le thème des liens entre les laboratoires et les médecins. Certains ne l’estiment pas « spécifique » à ce sujet (F1P2P1P3p15, F2P3p77, F3P1p91, F4P2p108). Cette méthode permet l’interprétation de données primaires. Ainsi, plusieurs participants estiment qu’elle leur permet d’être plus critiques vis-à-vis du discours du visiteur médical (F4P5P6p103p107).

Les données scientifiques peuvent être regroupées en deux grandes catégories. La littérature primaire est constituée d’articles scientifiques dits « originaux », qui présentent des données inédites et décrivent la méthode utilisée pour les produire. La littérature secondaire résume, synthétise ou commente la littérature primaire (29).

D’après une synthèse de Prescrire, l’enseignement de la lecture critique d’article est fondamental (29). Pourtant, cette méthode comporte plusieurs limites : il reste difficile de reconnaître une information fausse, la duperie reste possible même pour un esprit aguerri, les techniques marketing font appel à des processus inconscients ou à des techniques de communication non enseignées par cette discipline (29). Par ailleurs, d’après les fondateurs du courant de la médecine fondée sur les niveaux de preuve, depuis plusieurs années, il semblerait que les informations de sources secondaires soient plus adaptées à la pratique de la médecine de premier recours (30).

L’enseignement de la recherche d’informations secondaires fiables comme discipline fondamentale nous paraît essentiel.

5.4.2

La pensée critique

La synthèse de Prescrire identifie deux compétences bien distinctes : la lecture critique et la pensée critique. Cette dernière consiste notamment à savoir effectuer des déductions correctes à partir d’informations factuelles, d’identifier les présupposés implicites d’un raisonnement, de différencier les arguments forts des faibles, d’identifier les arguments d’autorité, d’interpréter les informations en fonction du niveau de preuve (29).

Il nous semble nécessaire de développer la pensée critique chez les étudiants en médecine. Un enseignement sur les techniques promotionnelles et les techniques de manipulation

d’une spécialité et informés de ces techniques, avaient prescrit deux fois moins de ce médicament par rapport à leurs collègues (26).

5.4.3

Les médecins plus âgés

La formation pratique des internes en médecine générale lors de stages hospitaliers ou ambulatoires se déroule sous la responsabilité de médecins plus âgés. Ceux-ci ont « une

valeur d’exemplarité ». Les comportements et pratiques de ces médecins peuvent donc avoir

des conséquences sur les étudiants, notamment vis-à-vis de la banalisation et de la normalisation des rencontres avec les laboratoires. Cela peut aussi expliquer la difficulté que ressentent certains internes à refuser les contacts (cf p25-26).

Une étude américaine a mis en évidence l’impact des médecins plus âgés. Les étudiants qui avaient été incités par un médecin à recevoir une visite médicale ou à participer à une formation sponsorisée étaient moins critiques que les autres (concernant l’acceptabilité des cadeaux, la perception de l’utilité des événements sponsorisés, le constat de leur propre influence) (5, 27).

5.4.4

La déclaration des conflits d’intérêts

Des limites à la déclaration des conflits d’intérêts sont exposées par plusieurs internes (F3P1P3p94). En effet, comme le rapporte la Mission Commune d’Information pour le Sénat, cette déclaration ne garantit pas son exhaustivité. Elle ne garantit pas non plus l’absence de conflits d’intérêts : la transparence n’est pas synonyme d’indépendance (16, 28).

5.4.5

Propositions pour la formation : exemple d’une université

américaine

Certaines universités américaines ont mis en place des mesures de gestion des conflits

d’intérêts. Par exemple à l’université de Stanford :

- les cadeaux de quelque valeur que ce soit sont interdits,

- les rencontres avec les visiteurs médicaux sont strictement encadrées : interdites dans les lieux de soins ou sur rendez-vous : uniquement dans le cadre d’une formation à l’utilisation de matériel; hors des lieux de soin : sur rendez-vous avec des objectifs bien spécifiés,

- la participation des laboratoires à des formations médicales continues est encadrée, - des formations aux conflits d’intérêts sont proposées (8).

L’AMSA (American Medical Student Association) recense les universités pratiquant des politiques de gestion des conflits d’intérêts et les décrit (20). Elle présente aussi les études

testant l’efficacité de ces politiques : les étudiants sont dans l’ensemble plus critiques mais l’efficacité sur le long terme n’est pas démontrée (9, 10, 20). Cette association propose un serment : « le serment PharmFree » traduit dans un article de Philippe Masquelier (31) :

« Je m’engage à pratiquer la médecine dans le meilleur intérêt des patients et à poursuivre une formation basée sur les meilleurs niveaux de preuves, plutôt que sur la publicité et l’information promotionnelle. Par conséquent, je promets de n’accepter ni argent, ni cadeaux, ni hospitalité de la part des firmes pharmaceutiques; de rechercher des sources d’information non biaisées qui ne reposent pas sur l’information diffusée par les firmes ; d’éviter les conflits d’intérêts au cours de ma formation médicale et ma pratique professionnelle. »

En France, à notre connaissance, il n’existe pas de telles mesures. La Mission d’Information Commune pour le sénat rapporte qu’en France, le temps d’enseignement de la pharmacologie est inférieur à celui des autres pays d’Europe. Nous avons choisi de rapporter quelques propositions :

- concernant la formation initiale : renforcer les enseignements de pharmacologie, pharmacovigilance, la lecture critique d’article, renforcer l’utilisation exclusive de la dénomination commune internationale, mettre en place des dispositifs facilitant une culture d’indépendance par rapport aux laboratoires, notamment par l’actualisation du serment d’Hippocrate et l’interdiction de l’accès de l’industrie pharmaceutique aux étudiants en formation,

- mettre un terme à la profession de visiteur médical et la transformer en confiant la formation et la gestion des personnels concernés à la HAS,

- faire financer le développement professionnel continu par la puissance publique et non par l’industrie pharmaceutique (16).

L’impact de la formation initiale sur les contacts avec les laboratoires est mis en évidence par une étude américaine. Elle a montré que plus les étudiants étaient en contact avec les visiteurs médicaux pendant leurs études, plus ils les recevaient plus tard (7).

Il nous semble nécessaire de développer de telles mesures afin de protéger les étudiants en médecine de l’influence des laboratoires. Ces mesures pourraient limiter les conflits d’intérêts chez les futurs médecins et apporter des bénéfices pour la santé des patients et pour la société.