5. LE POISSON-‐ZEBRE, UN ORGANISME MODELE
5.3 Formation du système nerveux central du poisson-‐zèbre
5.3 Formation du système nerveux central du poisson-‐zèbre
5.3.1 Développement du cerveau
Le développement embryonnaire du cerveau du poisson-‐zèbre, prend ses origines comme c’est le cas pour tous les autres vertébrés, durant la spécification du neuroectoderme. Ce processus est appelé « l’induction neurale » et est initié au moment de la gastrulation, lorsque la couche mésodermique en formation entre en contact avec l’ectoderme le recouvrant (Doniach and Musci, 1995; Lumsden and Krumlauf, 1996; Spemann and Mangold, 2001). Cette couche mésodermique présomptive sécrète localement des facteurs importants pour induire ou inhiber l'induction neurale dans la couche ectodermique. Une fois déterminé, l'ectoderme neural forme la plaque neurale, précurseur du système nerveux.
La plaque neurale se creuse ensuite, s'invagine de manière à former la gouttière neurale puis, les plis neuraux qui bordent la gouttière fusionnent pour fermer la gouttière qui devient le tube neural Au cours de ce processus de neurulation, le poisson-‐zèbre diffère des autres vertébrés: au lieu de replier la plaque neurale immédiatement pour former un tube avec une lumière, il se forme d'abord une épaisse couche de cellules (neural keel). Cependant, la disposition topologique des cellules chez le poisson-‐zèbre pendant la formation de ce ‘neural keel’ à partir de la plaque neurale est similaire à celle d'autres vertébrés (Schmidt et al., 2013) (Figure 18). On observe alors une partie antérieure renflée, la vésicule céphalique primitive, qui se segmente en trois vésicules qui deviendront le prosencéphale, le mésencéphale, et le rhombencéphale qui est rattaché à la moëlle épinière. Chacune des trois vésicules se subdivise ensuite en différentes régions. Le prosencéphale, la plus antérieure des vésicules, se divise en deux régions, le diencéphale pour sa partie caudale et le prosencéphale secondaire pour sa partie rostrale, cette dernière contenant entre autre l’aire préoptique et l’hypothalamus, qui sont impliqués dans les régulations endocrines.
Figure 18 : Principales subdivisions du cerveau embryonnaire des Vertébrés. D’après (Medina, 2009)
En ce qui concerne le modèle du poisson zèbre, la présence des trois vésicules ne devient évidente qu’après environ 12 heures de développement (Kimmel et al., 1995). La
et 22 hpf pour initier l’ouverture des ventricules cérébraux. Les ventricules croissent alors en taille, jusqu’ à 48hpf où la phase initiale de neurogenèse est terminée (Lowery and Sive, 2009). La neurogenèse prend ensuite place autour de la lumière des ventricules. Chacune de ces vésicules contient alors des zones prolifératives dans lesquelles les neurones et cellules gliales sont formés.
Le destin des neurones nouvellement formés, est fortement influencé par les morphogènes secrétés par les différents centres de signalisations, ainsi que par l'expression d'un ensemble spécifique de gènes exprimés au sein de territoires distincts du tube neural (Vieira et al., 2010). Ainsi, comme les molécules de signalisation et les profils d'expression de nombreux facteurs de transcription au cours des différents stades de développement sont bien conservés, les mécanismes de base de la régionalisation sont considérés comme conservés.
Profitant des techniques de transgenèse ou d’ARN antisens de type morpholino, la connaissance des gènes impliqués dans le développement du cerveau ne cessent de s’améliorer. Certains gènes semblent avoir des fonctions similaires chez les mammifères et les téléostéens. Par exemple, comme chez les mammifères, foxg1a joue un rôle crucial dans le développement du télencéphale des téléostéens, et, Rx3 est nécessaire pour la formation des yeux et du « eye field » (Stigloher et al., 2006; Danesin et al., 2009). De façon similaire, le patron d’expression de shha et nkx2.1a est conservé, suggérant un rôle important de ces deux facteurs de transcription dans le développement de l'hypothalamus (Rohr et al., 2001; van den Akker et al., 2008).
En revanche, alors même qu’elle occupe une grande partie du cerveau antérieur chez le poisson zèbre adulte, la région préoptique n'a pas été aussi clairement définie chez la larve. L’aire préoptique se trouve en fait située dans une région charnière, rostralement par rapport à l’hypothalamus et caudalement par rapport au télencéphale, et de fait, son origine embryonnaire (télencephalique ou hypothalamique) est toujours l’objet de débats. Si les études fonctionnelles ont coutume de relier l’aire préoptique à l’hypothalamus, des études génétiques plus récentes menées chez la souris et le poulet contredisent clairement ce dogme et montrent que cette région appartient au moins en partie au télencéphale (Flames et al., 2007) (Bardet et al., 2010).
5.3.2 Neurogenèse dans le cerveau adulte
En quelques années, plusieurs découvertes ont contribué à l’effondrement du dogme qui définissait le cerveau adulte comme incapable de générer de nouveaux neurones (Altman and Das, 1965; Kaplan, 1981; Reynolds and Weiss, 1992). L’émergence de nouvelles techniques pour étudier la prolifération cellulaire, telles que le marquage à la bromodéoxyuridine (Brdu) ou au 5-‐éthynyl-‐2'-‐deoxyuridine (EdU), ou encore l’immunohistochimie de la protéine PCNA (proliferating cell nuclear antigen), a favorisé considérablement l’avancée des recherches sur la neurogenèse adulte.
Chez les mammifères, il est maintenant admis que dans le cerveau adulte il existe des territoires de prolifération neuronale (pour revue, (Lindsey and Tropepe, 2006)). A ce jour, deux aires de neurogenèse télencéphaliques ont été mises en évidence, la zone sous-‐ ventriculaire qui borde les ventricules latéraux et la zone sous-‐granulaire du gyrus dentelé de l’hippocampe.
Le cerveau des poissons téléostéens contraste considérablement avec celui des mammifères puisque l’activité de prolifération à l’âge adulte ne se limite pas à deux régions mais elle s’étend à de nombreux territoires cérébraux (Figure 19) (Ekstrom et al., 2001; Zupanc et al., 2005; Adolf et al., 2006; Grandel et al., 2006; Kuroyanagi et al., 2010).
Figure 19: Représentation schématique des zones de prolifération et de neurogenèse dans le cerveau du poisson-‐zèbre adulte. D’après Kaslin et al. (2008)
périventriculaires du cerveau antérieur au niveau des bulbes olfactifs, du télencéphale, du diencéphale, de la région préoptique et de l’hypothalamus. Des territoires de prolifération ont également été mis en évidence dans le cervelet, le rhombencéphale et la moelle épinière. Comme chez les mammifères (Alvarez-‐Buylla and Garcia-‐Verdugo, 2002; Kempermann, 2002; Taupin and Gage, 2002; Goldman, 2003; Garcia et al., 2004; Merkle et al., 2004; Doetsch and Hen, 2005; Lledo and Saghatelyan, 2005), les oiseaux (Goldman, 1998), et les reptiles (Garcia-‐Verdugo et al., 2002), la plupart des cellules générées dans ces zones prolifératives se différencient en neurones (Zupanc, 2001; Adolf et al., 2006; Grandel et al., 2006; Zupanc et al., 2006).
L’utilisation de marqueurs neuronaux associés à des marqueurs de prolifération a permis de définir la nature des cellules progénitrices de ces neurones. Ainsi, ces cellules ont été identifiées comme étant des cellules gliales radiaires. Chez les mammifères, les cellules de la glie radiaire sont depuis longtemps connues pour leur rôle essentiel dans la neurogenèse embryonnaire. En effet, en plus de constituer un support de migration pour les nouveaux neurones, il est maintenant admis qu’elles peuvent être des cellules progénitrices neuronales (Malatesta et al., 2000; Noctor et al., 2001; Gotz and Barde, 2005; Mori et al., 2005). Alors que chez les mammifères, ces cellules se différencient en astrocytes à la fin de la période de neurogenèse embryonnaire, dans le cerveau des oiseaux et des poissons, ces cellules gliales radiaires persistent à l’âge adulte et peuvent donner
6. LE PROJET DE THESE
Comme exposé au cours de cette introduction, la fonction de reproduction a, chez certains vertébrés, en particulier chez de nombreux téléostéens, la particularité d’être placée sous un double contrôle cérébral, stimulateur par la gonadolibérine (GnRH), mais aussi inhibiteur par la DA.
Le but de cette thèse était d’approfondir nos connaissances sur le système dopaminergique impliqué dans ce contrôle inhibiteur. Pour ce faire, nous voulions tirer avantage du poisson-‐zèbre, un organisme modèle de plus en plus utilisé en laboratoire et pour lequel existent de nombreux outils moléculaires. Nos connaissances sur l’endocrinologie de la reproduction du poisson-‐zèbre ont considérablement augmenté notamment grace au séquençage de son génome (Howe et al., 2013). L’étude comparative du génome du poisson-‐zèbre avec celui de l’être humain, de la souris ou d’autres organismes, a permis l’identification de gènes orthologues ou paralogues (qui résultent d'une duplication génique), et même de nouveaux gènes. Ces travaux ont notamment mis en évidence l’implication de nombreux gènes dans l’embryogenèse ou dans l’organogenèse. De plus, de par sa position dans l’arbre phylogénétique, cet animal apporte des informations relatives au développement et à l’évolution qui ne peuvent être obtenues en étudiant la drosophile (Drosophila melangaster) ou le nématode (Caenorhabditis elegans) (Dooley and Zon, 2000).
Néanmoins, de nombreuses lacunes concernant la physiologie de la reproduction subsistent chez le poisson-‐zèbre. Ainsi, le rôle de la DA dans le contrôle de la reproduction n’a jamais été exploré dans cette espèce. L’importance du contrôle dopaminergique inhibiteur de la fonction gonadotrope, variant d’une espèce de téléostéen à l’autre, notre premier objectif a donc été de rechercher s’il existait bien, chez le poisson-‐zèbre, un contrôle inhibiteur de la reproduction par la DA. L’objectif suivant fut d’étudier les bases anatomiques et morphologiques de ce contrôle dopaminergique de la fonction gonadotrope dans cette espèce, en recherchant les récepteurs hypophysaires de la DA et les neurones DAergiques impliqués dans cette régulation. Enfin, nous avons mis en évidence certaines caractéristiques développementales des neurones neuroendocrines