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1. Introduction

1.6 Le processus de régénération

1.6.1 Phase de préparation

1.6.1.2 Formation du blastème

Une fois la coiffe apicale ectodermique établie, cette dernière dirige la formation du blastème, une structure unique au processus de régénération (Fig. 7, p. 44). Il a été démontré que les cellules qui contribuent au blastème proviennent d’une zone s’étendant sur deux millimètres seulement sous le site d’amputation [1,133,146,147]. Ce ne sont pas tous les types cellulaires qui contribuent également au blastème. Par exemple, les cellules de l’épiderme ne participent seulement qu’au processus de guérison (formation de l’épithélium de guérison) et ne contribuent pas au blastème [133,148]. Ce sont majoritairement les cellules musculaires et les fibroblastes du derme qui participent à la formation du blastème de régénération. Ce sont Dunis et Namenwirth qui ont montré que les fibroblastes du derme contribuent à la régénération de plusieurs tissus (e.g. cartilage,

vaisseaux sanguins, tissu conjonctif, tendons, etc) [149]. L’expérience consistait à amputer une patte irradiée (qui ne peut plus régénérer) d’un animal diploïde sur laquelle ils avaient fait une greffe de peau venant d’un animal triploïde non-irradié. Au bout de quelques semaines, dans la majorité des cas, la patte avait régénéré et avait une morphologie normale à l’exception qu’elle ne renfermait aucun muscle [149]. Cette expérience a aussi été répétée par Nigel Holder. Ce dernier montra que même les tendons de la main étaient positionnés au bon endroit dans ces pattes sans muscle [150]. Quelques années plus tard, Muneoka a montré que le derme forme environ 19% du tissu mature de la patte, mais qu’il contribue à 43% des cellules du blastème de régénération [151]. Ces données, appuyées par la faible contribution du cartilage au blastème (entre 0% et 3%), suggèrent fortement que les deux principaux tissus qui contribuent à la régénération chez les urodèles sont le derme (fibroblastes) et le muscle [1,148,149,151].

Durant les quelques jours qui suivent l’amputation, les cellules musculaires et les fibroblastes vont perdre leurs caractéristiques propres pour ensuite se détacher de la matrice qui les entoure et migrer sous la coiffe apicale pour former le blastème [1]. Le processus par lequel ces cellules reviennent à un état non-différencié se nomme dédifférenciation cellulaire. Morphologiquement, les cellules qui se dédifférencient adoptent une forme ronde et présentent un noyau élargi [133]. Les expériences de Dunis et Holder montrent bien que les fibroblastes du derme se dédifférencient pour régénérer tous les tissus de la patte à l’exception du muscle [149,150]. Par contre, beaucoup plus de données ont été obtenues en

Figure 7 – Représentation d’un blastème de régénération. A) Après l’amputation, un épiderme de guérison est formé sur la plaie suite à la migration des kératinocytes. La flèche jaune identifie l’épiderme de guérison. B) Dans les deux premiers jours suivant l’amputation, l’épiderme de guérison épaissit et se transforme en coiffe apicale ectodermique, identifiée par la flèche jaune. Au cours de ces deux premiers jours débute aussi le processus de dédifférenciation cellulaire. Ceci est observable par la perte de marqueurs de différenciation des fibroblastes et cellules musculaires (cellules en rouge), dans le membre. Ces cellules migrent ensuite sous la coiffe apicale. C) Au cours du processus de régénération, les cellules dédifférenciées s’accumulent pour former le blastème (identifié par la flèche jaune). Les cellules dédifférenciées formant le blastème vont proliférer puis se redifférencier pour régénérer la partie amputée.

étudiant le muscle, en ce qui concerne la biologie cellulaire et moléculaire de la dédifférenciation. Lo et al. ont été les premiers à observer la cellularisation de myotubes de triton (N. viridescens), cultivés in vitro et marqué au rhodamine-dextran, après leur injection dans une patte en régénération [152]. Il faut préciser que la cellularisation des myotubes n’est qu’un indice de leur dédifférenciation et ne constitue pas une preuve. Echeverri et Tanaka ont, quant à eux, observé la cellularisation in vivo de myotubes injectés au rhodamine-dextran, suite à l’amputation de la queue chez l’axolotl [153]. Les cellules mononucléées provenant de ces myotubes adoptent une morphologie stellaire typique de cellules du blastème, migrent et prolifèrent pour contribuer jusqu’à 29% des cellules du blastème [153]. Il a été suggéré que la dédifférenciation des myotubes chez la salamandre serait reliée à leur capacité à réintégrer le cycle cellulaire une fois différenciés [154]. Une des molécules qui est essentielle à l’activation du cycle cellulaire lors de la régénération est la thrombine [155,156]. Ce facteur pourrait agir en coopération avec d’autres molécules présentes dans le sérum chez les salamandres, pour activer la dédifférenciation cellulaire. En effet, l’exposition de myotubes de souris et de triton à un extrait de patte en régénération induit leur dédifférenciation in vitro [157]. Ceci suggère qu’une blessure ou amputation chez la salamandre mène à l’activation de gènes pro-régénération et que ces mêmes gènes ne s’activent pas chez les mammifères [157]. Un des gènes les plus susceptibles de diriger la dédifférenciation cellulaire chez les urodèles est Msx-1. Ce gène est exprimé dans tout le blastème au stade de bourgeon primaire [158]. Il est aussi possible de détecter, in vitro, l’expression de Msx-1 dans les cellules musculaires activées de membre d’axolotl, avant

leur cellularisation [159]. L’inhibition de la transcription de Msx-1 par morpholinos dans ces cellules empêche leur cellularisation et suggère que l’activité de Msx-1 est essentielle à la dédifférenciation cellulaire chez les urodèles [159]. Les résultats obtenus par Odelberg et

al. appuient cette affirmation, puisqu’une surexpression de Msx-1 dans des myotubes

murins C2/C12 induit leur cellularisation [114]. De plus, la surexpression de Msx-1 dans ces cellules inhibe l’expression des marqueurs myogéniques, les ramenant à un état non- différencié [114]. Les auteurs démontrent aussi qu’en conditions propices, ces cellules peuvent se redifférencier en divers types cellulaires allant de cellules adipeuses, chondrocytaires, ostéogéniques à myogéniques. Ceci démontre l’état pluripotent des cellules dédifférenciées [114]. En ce qui concerne le muscle, un autre groupe a montré que les cellules satellites présentes dans ce tissu peuvent aussi participer à la régénération [160].

Dans certains autres contextes, incluant la régénération du cristallin et des cellules ciliées de l’oreille interne, les cellules du tissu amputé peuvent contribuer au processus par transdifférenciation [161-164]. Cette transformation implique la perte de caractéristiques propres par un type cellulaire puis sa différenciation immédiate en un autre type cellulaire précis [164]. Ceci a été observé chez l’axolotl, lors de la régénération de la queue. Echeverri et al. ont démontré que, suite à l’amputation de la queue, certaines cellules gliales contenues dans la moelle épinière de l’animal pouvaient se transdifférencier et participer à la régénération de plusieurs autres tissus [165]. Parmi ces tissus on retrouve le muscle, les neurones, le cartilage et les mélanocytes [165]. Les différents processus

cellulaire énumérés ci-haut montrent bien la plasticité étonnante retrouvée chez les différents tissus des urodèles amphibiens. C’est cette plasticité unique qui fait d’eux les seuls vertébrés à pouvoir régénérer un membre complexe après une amputation. Une fois le blastème de régénération établi, les cellules dédifférenciées vont proliférer (jusqu’au stade de bourgeon moyen) puis se redifférencier. Ceci marque le début de la phase de redéveloppement.

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