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La microscopie électronique en transmission (MET) a été assez largement utilisée depuis les années 1960 sur de l’UO2 monocristallin ou polycristallin, testé en fluage, afin d’en étudier les mécanismes à l’échelle des dislocations. On rappelle ci-après certains résultats remarquables.

Yust a étudié la déformation de l’UO2 polycristallin à haute température et a observé qu’à une température voisine de 1500°C, la montée des dislocations jouerait un rôle non négligeable [Yust 1973]. Celles-ci sont réparties de façon hétérogène : certains grains en contiennent très peu, contrairement à d’autres. Certains joints de grains semblent se comporter comme des sources de dislocations, tandis qu’au niveau d’autres joints « ondulés », les dislocations s’accumulent dans des configurations énergétiquement instables. Les pores influent également sur ces répartitions.

Lors de son étude des sous-structures de dislocations, Alamo a observé qu’à partir de 1400°C, et après 2% de déformation, de longs segments de dislocations et des boucles se développent dans un plan de glissement, et s’organisent en un réseau simple (Figure I.26a) [Alamo 1978]. Pour des taux de déformation plus élevés (12%), l’organisation des dislocations en réseau devient prédominante, et fort peu de dislocations libres sont visibles à l’intérieur des cellules (Figure I.26b). De plus, le réseau observé n’est plus localisé dans l’un des plans de glissement. Il est donc probable qu’à cette température, la montée des dislocations joue un rôle non négligeable, ce qui rejoint les conclusions de Yust.

(a) (b)

Figure I.26 :Observation par MET d’un échantillon monocristallin d’UO2 déformé à 1380°C

47 Dherbey a mis en évidence par MET, dans des échantillons d’UO2 polycristallin ayant une taille de grain de 10 µm, testés en fluage à 1465°C sous 60 MPa, la présence de dislocations

individuelles et de réseaux hexagonaux de dislocations [Dherbey 2000]. Dès 0,4% de déformation,

quelques dislocations individuelles sont observées. Quand la déformation augmente, la densité de dislocations augmente également pour former de longs segments de dislocations. Le début de la formation des réseaux hexagonaux a été constaté à partir de 2% de déformation et était plus marqué pour une déformation de 4,2% (Figure I.27). Ce sont ces réseaux, qui constituent des parois (ou « murs ») de dislocations, qui correspondent à des sous-joints de grains. La taille des sous-grains a été estimée, dans certains échantillons, au moyen d'attaques chimiques couplées à des examens par

MEB. Dans un UO2 de taille de grain moyenne initiale de 36 µm, des valeurs de tailles de sous-grains

de 10,5, 9 et 8,2 µm, ont respectivement été obtenues à 30, 40 et 50 MPa. Cette diminution de taille

avec l'augmentation de la contrainte est un résultat couramment rapporté dans la littérature [Raj

1986].

Sur la base de ces observations, Dherbey a proposé un modèle qui met en jeu un mécanisme de fluage contrôlé par la création et l’annihilation de dislocations au niveau des sous-joints de grains. D’après ce modèle, pour une taille de grain, une température et une contrainte données, la vitesse de fluage serait d’autant plus élevée que la taille des sous-grains l’est également (cf. annexe B). Ceci n’a toutefois pas été vérifié sur la base de mesures statistiquement représentatives du morcellement des grains en sous-grains.

Figure I.27 :Apparition et évolution des dislocations dans de l’UO2 polycristallin (taille de grain : 10 µm) testé en fluage sous 60 MPa à 1465°C : (a) ε= 0,4%, (b) ε= 2%, (c) ε= 3,6% et (d) ε= 4,2% [Dherbey

2000]. I. 6. Bilan, axes d’étude

La littérature relative au comportement en fluage de l’UO2 est abondante mais relativement

ancienne (beaucoup de travaux datent des années 1960-1970). Les mécanismes mis en jeu sont parfois spéculatifs, car peu étayés par des observations microstructurales adaptées, et donc relativement controversés.

Nous avons, en particulier, identifié des manques majeurs concernant le lien entre la

microstructure initiale de l’UO2 et son comportement visco-plastique. En effet, si de nombreux

travaux ont été réalisés concernant la taille de grains et son influence sur le comportement de l’UO2,

pratiquement aucun, à notre connaissance, n’a traité du rôle de la porosité et notamment de sa

répartition inter- et intra-granulaire sur le comportement en fluage de l’UO2.

En outre, les examens par MET ont montré que le fluage de l’UO2 met en jeu des

48 présente toutefois un certain nombre de limitations liées à la préparation de l'échantillon nécessaire pour obtenir des lames minces transparentes aux électrons (amincissement jusqu’à moins de 100 nm d’épaisseur) et à la taille limitée de la zone observable (de l'ordre de quelques µm à quelques dizaines de µm, ce qui représente un nombre limité de grains). En outre, ces résultats n’ont donné lieu à aucune quantification du développement de la sous-structure qui puisse être reliée aux conditions de sollicitation thermomécaniques et à la microstructure initiale de la céramique.

Pour franchir ces diverses limitations, il est apparu nécessaire de développer une nouvelle approche de caractérisation sur échantillons massifs. Il a donc été décidé de travailler principalement sur deux axes de recherche dans le cadre de cette thèse :

1. Premier axe de recherche : il s’agit d’apporter des réponses sur les mécanismes de

déformation à chaud de l’UO2, et en particulier sur sa sous-structuration, en lien avec

sa microstructure initiale (en particulier sa porosité) et ses conditions de sollicitation, au moyen de nouveaux outils de caractérisation microstructurale.

Pour cela, nous proposons de travailler sur deux lots de pastilles d’UO2, se caractérisant par

une taille de grain similaire, une même fraction volumique totale de pores, mais une distribution différente de ces pores (en taille et en nombre de pores, ainsi qu’en répartition inter- et intra-granulaire). Ces deux lots feront l’objet d’essais mécaniques de compression dans différentes conditions représentatives de celles vues par le combustible lors de rampes de puissance.

2. Second axe de recherche : cet axe portera sur le développement de méthodes

adaptées à la caractérisation d’échantillons d’UO2 déformés en vue d’en extraire des

informations quantifiées concernant la sous-structuration des grains, qui pourront être comparées d’un échantillon à l’autre.

Les méthodes que nous avons identifiées sont l’EBSD (Electron BackScatter Diffraction) et l’imagerie par contraste de canalisation des électrons ou l’Accurate-ECCI (pour Electron Channeling Contraste Imaging). Ces techniques peuvent être mises en œuvre dans un MEB sur des échantillons massifs et peuvent apporter des informations sur la subdivision des grains en sous-grains et sur l’organisation des dislocations qui les constituent.

L’EBSD est une technique de mise en œuvre récente sur l'UO2, en particulier après des essais mécaniques [Iltis 2015, Iltis 2016]. Elle permet d’obtenir des cartographies d’orientations et de phases. A partir de celles-ci, un grand nombre de données quantifiées peuvent être déduites comme la texture cristallographique, la taille et la forme des grains, etc. En outre, l’EBSD permet d’obtenir des informations sur la distribution des joints de grains en termes de désorientations, y compris celles très faibles qui correspondent aux sous-joints de grains. Cette distribution a été très peu étudiée dans les travaux de recherche publiés à ce jour sur l’UO2. Une étude très récente s’est

intéressée à la caractérisation par EBSD de l’évolution de la microstructure de pastilles d’UO2 ayant

subi des essais de fluage jusqu’à des niveaux de déformations différents [Iltis 2015]. Elle a permis de mettre en évidence des sous-joints de grains de désorientation comprise entre 0,5 et 5° et a servi à la définition de ce travail de thèse.

L’Accurate-ECCI est une technique de caractérisation des défauts dans des échantillons massifs qui a été appliquée, pour la première fois sur l’UO2 en 2014, donc au début de ma thèse,

dans le cadre d’une étude de faisabilité [Mansour 2016]. Cette étude a permis d’imager des

49 proche de celle atteinte en MET, en s’affranchissant des contraintes et limitations inhérentes aux examens en transmission [Mansour 2014, Mansour 2015].

Ces deux techniques ont fait l’objet de développements spécifiques, dans le cadre de cette

thèse, pour être appliquées à la problématique de l’étude de l’UO2 déformé, comme cela sera exposé

dans le chapitre III.

Au préalable, le chapitre II sera consacré à la description de la fabrication et des méthodes de caractérisation de la microstructure des deux lots de pastilles nécessaires à notre étude, ainsi qu’aux essais mécaniques réalisés sur ces lots.

Chapitre II

Fabrication et caractéristiques microstructurales des

matériaux étudiés - Mise en œuvre et résultats des

essais mécaniques

53 II. 1. Introduction

Dans la première partie de ce chapitre, nous présentons les conditions de fabrication du

matériau UO2 étudié. En effet, deux lots de pastilles ont été fabriqués selon un cahier des charges

bien précis. Leurs conditions de fabrication, par métallurgie des poudres, ainsi que leurs principales caractéristiques physiques y sont également précisées.

Les techniques de caractérisation de la microstructure par microscopie électronique à balayage (MEB) seront présentées dans la seconde partie de ce chapitre : on commencera par la méthode d'analyse des images obtenues en électrons rétrodiffusées (BSE pour « Back Scattered Electrons ») pour caractériser la distribution inter- et intra-granulaire des pores de fabrication. Puis, on présentera la technique EBSD (Electron Back-Scattered Diffraction) qui est utilisée, dans ce chapitre, pour déterminer la taille de grains.

Les résultats de la caractérisation (taille de grain et distribution des pores) de l'état de

référence (non déformé, après frittage) des deux lots de pastilles fabriqués feront l'objet de la 3ème

partie de ce chapitre.

La dernière partie de ce chapitre concerne les essais mécaniques réalisés sur les pastilles des deux lots. La gamme retenue en termes de vitesse de déformation, contrainte appliquée et niveau de déformation finale est indiquée et justifiée. La mise en œuvre des essais de compression et leur exploitation est présentée.

II. 2. Fabrication de pastilles d'UO2 de microstructures contrôlées

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