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Chapitre 6 – Discussion

6.2 Forces et limites de l’étude

6.2.1 Forces

Sélection de la population à l’étude

Notre population était composée de nouveaux utilisateurs d’ADs afin d'éviter d'introduire un biais dû à la déplétion des susceptibles [118]. En effet, tel

82 que mentionné à la section 2.1.1 de la revue de littérature, la probabilité d’EIs graves, tels que les comportements suicidaires, est plus élevée dans les trois premiers mois de traitement par AD, puis se stabilise par la suite. Les utilisateurs prévalents, qui ont « survécu » à la période critique des trois premiers mois de traitement, ne sont plus aussi à risque d'avoir l'EI ayant fait l'objet des recommandations [79]. Par conséquent, en sélectionnant des utilisateurs incidents, nous avons ainsi évité ce biais et comparé des jeunes patients ayant tous le même niveau de risque d’expérimenter l’EI, et ainsi d’avoir le suivi médical recommandé.

Banques de données administratives & Plan d’étude

L’emploi d’une cohorte rétrospective et de banques de données administratives (RAMQ) constitue une force de l’étude, puisqu’ils permettent de suivre une population sur une longue période de temps. En effet, le croisement des différents fichiers de la RAMQ et de Med-Écho rendu possible grâce au NAM brouillé de chaque patient permet la collecte de données longitudinales à l'échelle populationnelle. Une autre force de l’étude est qu’elle est représentative des conditions réelles d’utilisation, par rapport à un essai randomisé. Les essais randomisés comportent souvent un nombre de patients relativement faible par rapport aux études pharmacoépidémiologiques, et ils ont des critères d’inclusion beaucoup plus restrictifs que les études populationnelles.

L’utilisation d’une cohorte rétrospective est appropriée pour évaluer l’effet temporel d’interventions populationnelles. De par ses données longitudinales, elle permet la comparaison entre les profils de suivi médical pré- et post-intervention.

Par ailleurs, l’emploi de banques de données administratives réduit les biais de mémorisation et de désirabilité sociable, souvent rencontrés dans les enquêtes par questionnaire. Les informations dans les banques de données sont colligées de la même façon pour chaque patient et selon la même définition. Biais de confusion

Le suivi médical des jeunes peut être influencé par plusieurs facteurs, et il est important de tenir compte de ces différents facteurs de confusion lors des

83 analyses. L’utilisation des banques de données administratives nous a donné accès à plusieurs caractéristiques du patient, du prescripteur et du traitement. Cela a permis d’effectuer une évaluation exhaustive des facteurs (caractéristiques cliniques, spécialité du prescripteur, classe d’AD prescrit) pouvant influencer le suivi médical des jeunes utilisateurs d’ADs. Par ailleurs, les modèles d'analyses multivariées ont permis de contrôler pour ces facteurs potentiellement confondants. Avoir tenu compte de ces facteurs mesurables dans notre étude constitue une force importante.

6.2.2 Limites

Banques de données administratives

Une des limites des banques de données administratives est que les données contenues dans le fichier des services médicaux ne comprennent que les services rendus par un médecin. Au Québec, le Plan d’action en santé mentale proposé en 2005 par le MSSS misait grandement sur la prise en charge des jeunes par des équipes multidisciplinaires en 1ere ligne et la collaboration entre les intervenants des différentes lignes de service. Cela avait pour but d’augmenter le nombre de ressources disponibles pour les jeunes ayant des troubles psychiatriques, et ainsi de pouvoir assurer un suivi de la clientèle pédiatrique. Aucun renseignement concernant les services médicaux dispensés par un professionnel de la santé autre que le médecin (infirmière, psychologue, travailleur social, éducateur spécialisé, etc.) n’est contenu dans la base de données de la RAMQ. Cela aurait pu entraîner une sous-estimation du nombre de visites de suivi, et par conséquent une sous-estimation de la proportion de jeunes ayant eu un suivi conforme aux recommandations. Néanmoins, l'étude a ciblé principalement les visites effectuées par les spécialités médicales reconnues pour être les plus impliquées dans le suivi médical des jeunes, afin de minimiser ce biais.

Une autre lacune des bases de données administratives est qu’elles ne fournissent pas de renseignements concernant la gravité des troubles mentaux. Depuis la mise en place du Plan d’action en santé mentale, les problèmes de santé mentale courants sont traités en 1ere ligne par une équipe multidisciplinaire

84 (dont le clinicien est un pédiatre ou un omnipraticien) et les problèmes plus graves sont dirigés vers les services de 2e et 3e lignes qui sont assurés par des spécialistes (psychiatres, pédopsychiatres et neurologues; lorsque le cas est d’origine neurologique). Cela pourrait expliquer en partie les résultats que nous avons observés, selon lesquels les jeunes ayant eu un psychiatre comme prescripteur ont une plus grande probabilité d’avoir un suivi médical conforme aux recommandations que lorsque le traitement est initié par un omnipraticien ou un pédiatre.

Dans les banques de données acquises pour l’étude Relation entre la prise d’antidépresseurs et le risque de tentative de suicide chez les enfants et les adolescents, nous n’avions accès qu’à la spécialité du prescripteur. Il aurait été néanmoins intéressant d’avoir l’année et l’université d'obtention du diplôme du prescripteur. L’université aurait pu être utilisée comme proxy pour identifier le pays ou la province d’où provient le prescripteur, et ainsi nous aurions pu comparer différents lieux de formation. Ce type de comparaison est important car il permet d’établir un portrait global de l’efficacité des interventions, selon les caractéristiques du prescripteur. Nous reconnaissons que l'absence de telles données constitue une limite de ce travail.

Finalement, les données contenues dans le fichier des services médicaux ne comportent que les réclamations produites par des médecins payés à l’acte. Les services médicaux rendus par des médecins rémunérés selon un mode à forfait ou à salaire ne sont pas inclus dans les fichiers de la RAMQ. Or, surtout les psychiatres sont rémunérés selon un mode à forfait ou à salaire. En 2004, la proportion de psychiatres à salaire ou à forfait était de 56%, comparativement à 23% d’omnipraticiens [107]. L’absence d’accès à ces données aurait pu entraîner une sous-estimation du nombre de visites de suivi effectuées par ce type de médecin. Toutefois, dans notre étude, les profils de suivi médicaux observés correspondent plus souvent aux recommandations lorsque le traitement est initié par un psychiatre que par un autre médecin. Par conséquent, l'écart réel entre les spécialités ne peut être que plus grand.

85 Facteurs de confusion non mesurables

L’association entre les interventions de communication de risque et le suivi médical des enfants et adolescents traités par ADs a été évaluée en comparant les proportions d’enfants et adolescents ayant eu un suivi conforme avant et après la publication de chaque intervention. Ces comparaisons sont considérées comme étant « écologiques », puisqu'en l'absence d'un groupe de comparaison parallèle (groupes d’enfants et d’adolescents non exposés aux interventions), le lien causal entre l'intervention et le taux de suivi médical conforme ne peut être établi [79], car les proportions de suivi conforme sont obtenues pour une population et non des individus. Ainsi, des facteurs de confusion individuels différents entre les groupes comparés pourraient avoir influencé la survenue d’un suivi médical conforme. Grâce aux banques de données administratives, nous avons pu tenir compte de plusieurs facteurs de confusion individuels mesurables, comme le sexe, l’âge, la région de résidence, les antécédents de troubles psychiatriques, les antécédents de maladies chroniques, les antécédents d’hospitalisation et le nombre de visites médicales durant l’année précédente. Toutefois, d’autres facteurs de confusion non documentés dans les banques de données administratives auraient pu influencer les résultats de notre étude [79]. Les caractéristiques sociales du patient, telles que le niveau de scolarité, le groupe culturel d’appartenance du patient, ainsi que l’attitude du médecin face à la pharmacothérapie pourraient être des facteurs de confusion, car elles sont potentiellement liées à la raison de la prescription de l’AD et au suivi médical du jeune par la suite. Comme l’objectif de l’étude était d’évaluer l’effet des IMRs sur la survenue d’un suivi médical conforme, il est primordial de considérer cette lacune lors de l’interprétation des résultats.

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