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La force élastique transverse

CHAPITRE 2 - PRESENTATION DE LA TECHNOLOGIE µLAS

A. La force élastique transverse

1. Caractéristique de la solution

La plupart des techniques décrites dans le chapitre 1 comme les chromatographies emploient, au moins historiquement, des matrices solides, la phase stable et immobile dans les colonnes de séparations. Et comme abordé dans la partie I.C.3 (p. 25) du Chapitre 1, de plus en plus de technologies mettent en place des matrices de polymères visqueux ou viscoélastiques, qui remplissent à la fois les rôles de phase mobile et de phase stationnaire. La technologie µLAS repose sur l’utilisation de ces polymères et notamment sur leurs propriétés viscoélastiques pour séparer les acides nucléiques en fonction de leur gamme de taille (< 1 kbp) pour induire une migration transverse de ces molécules. Il faut noter que pour les séparations des ADN de plus grande taille, la migration transverse existe aussi dans les fluides visqueux (Usta et al., 2007 ;

Milon, 2019) du fait de l’anisotropie des molécules d’ADN, qui sont déformées par l’écoulement de cisaillement avec une configuration étirée, ce qui se traduit par une force électrophorétique anisotrope le long de la molécule vs. perpendiculairement à elle et au total une force électrophorétique légèrement orientée vers la paroi.

Ces solutions de polymère sont obtenues par dissolution d’une poudre dans une solution tampon, et ce, jusqu’à ce qu’une concentration seuil 𝑐 (Équ. 2.1) soit atteinte. Cette concentration caractéristique, aussi appelée concentration critique de recouvrement, marque le passage entre un régime dilué de la solution de polymère (les molécules sont éloignées les unes des autres et n’interagissent pas) au régime semi-dilué. Dans ce régime les fragments de polymères ne sont plus dans une conformation pelote. Le réseau ainsi formé voit ses nœuds

éloignés d’une longueur caractéristique 𝜉 qui correspond rayon de giration 𝑅𝑔 du polymère dans une certaine limite (Fig. 2.3).

𝑐 = 3𝑀𝑊

4𝜋𝑅𝑔3𝑁𝐴 (2.1)

Figure 2.3 Schéma de l’effet de l’augmentation de la concentration sur les chaînes de polymères en solution. 𝑐∗ est la concentration critique de

recouvrement, 𝑅𝑔 est le rayon de giration et 𝜉 = 𝑅𝑔 quand la solution est la concentration de recouvrement.

Avec 𝑀𝑊 la masse molaire du polymère et 𝑁𝐴 le nombre d’Avogadro. En continuant d’augmenter la concentration en polymère, 𝜉 diminue et il y a enchevêtrement des fragments. Le régime enchevêtré est le régime qui nous intéresse tout particulièrement ici. Toute dynamique de déplacement des chaînes de polymère aux temps longs est alors décrite par un modèle de reptation (De Gennes, 1979 ; Heller, 1994).

La longueur de Kuhn d’une chaîne d’ADN représente 100 nm, ce qui est beaucoup plus long que la longueur de recouvrement pour des polymères synthétiques neutres, de l’ordre de quelques nm. Le milieu enchevêtré peut alors être considéré comme un milieu continu aux propriétés viscoélastiques. Dans ce milieu, on peut utiliser le modèle de Rouse pour approximer la dynamique des chaînes d’ADN entre elles (car les interactions hydrodynamiques sont écrantées par l’ensemble des chaînes de polymère du milieu viscoélastiques), comme ceci a été introduit dans le Chapitre 1 I.C.1 (p. 23). Dans ce modèle les séquences d’ADN sont assimilées à des billes connectées entre elles par des ressorts harmoniques et la réponse globale de la chaîne est la somme de chaque sous-unité, au sens de chaque segment de Kuhn. Pour la suite, nous nous placerons dans le cadre de ce régime enchevêtré.

2. Origine de la force élastique transverse

Le phénomène de migration transverse dans les fluides viscoélastiques est relativement bien décrit, mais dans notre cas nécessite d’introduire quelques grandeurs pour être bien appréhendé. Dans cette partie, nous allons dépeindre l’ensemble des principaux paramètres lors de la séparation avec µLAS. Nous commencerons par la description générale des contraintes imposées par le flux hydrodynamique, puis nous complexifierons en rajoutant au système le champ électrique.

Le système est composé d’un canal de hauteur H, la molécule d’intérêt est assimilée à une particule sphérique de rayon 𝑎 qui se déplace dans une matrice de polymères enchevêtrés. Dans la partie précédente, nous avons justement introduit les propriétés mécaniques inhérentes au milieu de migration, un fluide caractérisé par sa viscosité 𝜂 et son module élastique 𝐸. Mais nous voulons aussi connaître l’ensemble des forces, et notamment la force transverse, qui s’appliquent sur la particule pour pouvoir décrire complétement son déplacement. Et pour cela il est nécessaire d’introduire les notions de contrainte, et de déformation, que nous noterons respectivement 𝜎 et 𝛾.

Tous les fluides qui s’écoulent près d’une paroi subissent un taux de cisaillement près de cette barrière solide. La définition de la condition de non-glissement (Doi et al., 1988) impose une vitesse nulle du fluide à cette surface fixe, alors qu’à une certaine hauteur (relative à la paroi) la vitesse doit être celle de l’écoulement. Cette zone, appelée couche limite, décrit donc l’interface entre les parois des canalisations et le fluide. Ce gradient de vitesse dans la couche limite dépend de la viscosité du fluide. En effet la viscosité induit un frottement entre les différentes couches du fluide dans cette zone, les couches les plus lentes tendant à freiner les plus rapide et inversement.

Ce phénomène est décrit par le taux de cisaillement dans le fluide 𝛾̇ =𝑣𝑚𝑎𝑥

qui dépend de la vitesse maximum de l’écoulement 𝑣𝑚𝑎𝑥 et de la hauteur ℎ de la couche limite, ou de la zone cisaillée. Les fluides newtoniens dans un champ laminaire subissent une contrainte de cisaillement, donc tangentielle à l’écoulement, qui dépend du gradient de vitesse et de la viscosité 𝜎𝑐(𝑧) = 𝜂𝜕𝑣𝑥(𝑧)

𝜕𝑧 , pour un écoulement se faisant selon la direction 𝑥. Pour un fluide newtonien cette viscosité 𝜂 est constante, mais dans le cas des fluides non-newtonien nous l’appellerons viscosité dynamique car elle est susceptible de dépendre de la vitesse du fluide 𝜂(𝑣).

Vouloir écrire une expression de la force transverse qui s’applique sur la particule sphérique c’est revenir à écrire la différence de forces qui s’exercent sur les parties haute et basse de la particule. Ces forces sont normales à la surface de la particule et donc tangentielles à l’écoulement.