L’´etude des glaces continentales est d’une importance majeure dans la
compr´ehension du changement climatique global. En effet, les glaces
continen-tales sont de tr`es bons indicateurs du changement climatique global actuel.
3.3 La fonte des glaces continentales : apports d’eaux douces aux oc´eans
Les diff´erentes composantes qui peuvent influer sur les variations du niveau
de la mer sont analys´ees par la suite.
3.3.1 Les glaciers de montagne et les petites calottes
po-laires
Les glaciers de montagne et les petites calottes polaires, autres que celles
du Groenland et de l’Antarctique, constituent un r´eservoir d’eau douce qui
peut contribuer `a l’´el´evation du niveau de la mer. Bien que ces structures ne
repr´esentent que quelques pourcents de la glace totale de la Terre, la fonte de
ces glaciers est une cause importante de la hausse observ´ee du niveau marin
depuis plusieurs ann´ees maintenant (Lemke et al. [2007]). Malheureusement,
les mesures in situ restent sous ´echantillonn´ees `a cause du grand nombre de
glaciers et de leur inaccessibilit´e. La fonte int´egrale des 150 000 glaciers et
´etendues de glace dans le monde impliquerait une hausse du niveau moyen
des oc´eans de 60 +/- 7 cm (d’apr`es l’´etude de Radic and Hock [2010]).
FIG. 3.4 – Bilans de masse des glaciers de montagne pour diff´erentes r´egions du
monde. (a) bilans de masse par unit´e de surface, (b) bilans de masse exprim´es en
niveau de la mer ´equivalent (IPCC, 2007), les valeurs sont normalis´ees par la surface
totale des oc´eans (SLE : Sea Level Equivalent)
Plusieurs ´etudes r´ecentes ont cherch´e `a estimer la contribution des glaciers
de montagne (qui reculent `a l’´echelle plan´etaire) `a l’´el´evation observ´ee du
ni-veau de la mer (Dyurgerov and Meier [2005]). La figure 3.4 montre les bilans de
masse pour chaque r´egion, figure 3.4a, et la contribution du niveau de la mer
observ´e, figure 3.4b pour les glaciers de montagne d’Europe, des Andes,
d’Arc-tique, d’Asie, des USA et Canada, d’Alaska et de Patagonie sur la p´eriode
19602003. D’apr`es ces courbes, `a l’exception des glaciers d’Europe et des Andes
-qui ont une contribution quasi nulle -, les glaciers de montagne perdent de la
masse et ainsi participent `a ´elever le niveau moyen global des oc´eans, toutefois
avec des vitesses plus ou moins ´elev´ees. Notons au passage que la plus grande
contribution provient des glaciers de l’Alaska.
Le rapport de l’IPCC (2007) indique que la contribution des glaciers `a la
hausse observ´ee du niveau de la mer compte pour 0.5 +/- 0.18 mm/an pour
les d´ecennies pass´ees (1960-2003) et 0.77 +/- 0.22 mm/an pour les ann´ees
plus r´ecentes (1993-2003).
R´ecemment, la fonte des glaciers de montagne semble s’ˆetre acc´el´er´ee (
Ka-ser et al. [2006]; Meier et al. [2007]; Cogley [2009]). Depuis 2003, les r´ecentes
estimations pr´evoient une hausse du niveau marin due `a la perte de masse des
glaciers de l’ordre de 1.1 mm/an (Meier et al. [2007];Cogley [2009]).
Une ´etude r´ecente de Hock et al.[2009] r´e´evalue la contribution des glaciers
de montagne et des petites calottes polaires `a la hausse observ´ee du niveau de
la mer sur la p´eriode 1960-2004. Ces auteurs estiment que cet apport
contri-bue `a une ´el´evation du niveau de la mer de 0.51 +/- 0.29 mm/an sur cette
mˆeme p´eriode d’´etude. Pour palier le manque de donn´ees de terrain, ces
au-teurs utilisent un mod`ele num´erique afin d’estimer les bilans de masse des
zones o `u les donn´ees in situsont manquantes. Avec cette nouvelle estimation,
la contribution des glaciers de montagne et des petites calottes polaires
expli-queraient environ 28% de la hausse totale observ´ee du niveau marin contre les
23% du rapport de l’IPCC (2007) sur la p´eriode 1961-2003.
Une autre ´etude r´ecente a r´e´evalu´e la perte de masse des glaciers de
mon-tagne de l’Alaska uniquement sur la p´eriode 1962-2006 (Berthier et al.[2010]).
Dans le rapport de l’IPCC (2007), il est estim´e que l’Alaska est responsable d’un
tiers de la contribution totale des glaciers de montagne (environ 0.5 mm/an)
entre 1960 et 2003. Cette nouvelle ´etude montre l’apport important de
l’image-rie spatiale haute r´esolution (SPOT5 notamment) pour mesurer l’´evolution
dy-namique et volum´etrique des glaciers. Ainsi, les auteurs estiment que la perte
de masse des glaciers de montagne de l’Alaska contribue `a ´elever le niveau
des mers d’une valeur de 0.12 mm/an sur la p´eriode 1962-2006. Cette
nou-3.3 La fonte des glaces continentales : apports d’eaux douces aux oc´eans
velle estimation est 32% plus faible que celle publi´ee dans le rapport de l’IPCC
(2007).
Certaines ´etudes utilisant la gravim´etrie spatiale (satellites GRACE) ont
es-tim´e la perte de masse des glaciers de l’Alaska. Cette perte est de l’ordre de
-101 +/- 22 Gt/an (soit 0.28 +/- 0.06 mm/an en ´equivalent niveau de la mer,
valeur normalis´ee par la surface totale des oc´eans) sur la p´eriode d’avril 2002 `a
novembre 2005 (Chen et al.[2006a]). Une autre ´etude (Luthcke et al.[2008])
uti-lisant une autre cat´egorie de solutions GRACE (Gravity Recovery And Climate
Experiment) (’MASCON’ ; MASs CONcentration) d´emontre une perte de -71
+/-6 Gt/an (soit 0.2 +/- 0.02 en ´equivalent niveau de la mer) entre juillet 2003 et
juillet 2008 pour les glaciers de l’Alaska. Ces estimations concordent avec les
´etudes bas´ees sur des donn´ees de lasers a´eroport´es : perte de -96 +/- 35 Gt/an
(soit 0.26 +/- 0.1 mm/an en ´equivalent niveau de la mer) sur la p´eriode 1990
`a 2001 (Arendt et al.[2002]).
3.3.2 Les calottes polaires : Antarctique et Groenland
Les modifications du bilan de masse des calottes polaires par fonte et par
perte de masse sont d’un int´erˆet consid´erable dans le contexte du changement
climatique global. De plus, la fonte occasionn´ee constitue une source d’´echange
d’eau avec les oc´eans non n´egligeable. Notons que la fonte des glaces de mer
(par exemple la banquise des r´egions du Pˆole Nord) n’affecte pas le niveau de
la mer, en raison du principe d’Archim`ede.
Grˆace aux satellites, on suit depuis presque deux d´ecennies, les variations
des masses de glace du Groenland et de l’Antarctique. L’altim´etrie spatiale
per-met de mesurer les variations d’altitude des calottes, donc d’en d´eduire la
va-riation de leur masse. Avec une technique appel´ee ✭✭Interf´erom´etrie Radar ou
InSAR✮✮, on peut estimer la vitesse d’´ecoulement des glaciers cˆotiers vers la
mer, donc la quantit´e de glace d´evers´ee dans l’oc´ean. Combin´ee `a des mesures
de bilan de masse en surface (pr´ecipitations neigeuses versus fonte en surface),
on en d´eduit le bilan de masse total. Enfin, depuis 2002, la gravim´etrie spatiale
(mission GRACE), permet de mesurer directement les variations de la masse de
glace des calottes. Le principe de la mission spatiale gravim´etrique GRACE sera
d´ecris dans le paragraphe 4.2.1.
La synth`ese de ces observations indique une perte de masse tr`es marqu´ee
dans les r´egions cˆoti`eres du sud du Groenland, de l’ordre de 150 milliards de
tonnes de glace par an sur la derni`ere d´ecennie (avec une nette acc´el´eration au
cours des ann´ees r´ecentes) (Figure 3.5). Ces observations r´ev`elent aussi une
perte importante de masse de glace en Antarctique de l’ouest, en particulier
dans le secteur de la mer d’Amundsen. On estime `a environ 100 milliards de
tonnes la masse de glace perdue par an en Antarctique de l’ouest. En revanche
l’Antarctique de l’est est `a peu pr`es en ´equilibre (dans cette partie du
conti-nent, la perte de masse de glace des r´egions cˆoti`eres est compens´ee par une
accumulation des pr´ecipitations neigeuses dans les r´egions centrales d’altitude
´elev´ee.
On a observ´e une acc´el´eration importante depuis quelques ann´ees de la
perte de masse de glace dans le sud du Groenland et en Antarctique de l’ouest.
L’essentiel de la glace perdue se fait par ´ecoulement tr`es rapide des glaciers
cˆotiers vers la mer et le d´eversement d’icebergs dans l’oc´ean. Ce ph´enom`ene
est particuli`erement actif lorsque le socle rocheux `a l’aval du glacier est situ´e
sous le niveau de la mer. C’est le cas par exemple du glacier Jakobshavn
Is-brae le plus grand glacier du Groenland situ´e sur la cˆote ouest de l’ˆıle, dont la
vitesse d’´ecoulement a atteint pr`es de 15 km/an ces derni`eres ann´ees. On
com-mence tout juste `a entrevoir les m´ecanismes `a l’origine de ce ph´enom`ene. Le
plus important est probablement li´e au bilan des forces qui s’exercent `a l’avant
du glacier. A cause du r´echauffement des eaux oc´eaniques, la partie avant du
glacier s’amincit et s’av`ere incapable de retenir l’´ecoulement de la glace en aval ;
le glacier devient instable. En Antarctique on observe un ph´enom`ene identique
en particulier l `a o `u les glaciers se terminent par une plateforme de glace. En
fondant, celle-ci se d´esolidarise de la calotte, laissant libre cours `a l’´ecoulement
du glacier vers la mer. Au Groenland, un autre ph´enom`ene contribue `a
l’insta-bilit´e des glaciers (quoique de fac¸on secondaire) : la fonte estivale en surface et
la propagation de l’eau au travers de crevasses contribuent `a lubrifier la base
de la calotte et donc d’acc´el´erer l’´ecoulement de la glace vers la mer.
La dynamique des calottes polaires est complexe et encore mal comprise.
Nous ne savons pas si les ph´enom`enes observ´es depuis quelques ann´ees vont
s’att´enuer ou au contraire s’emballer. L’observation depuis l’espace du
compor-tement des calottes polaires est donc un objectif majeur.
La figure 3.5 illustre l’acc´el´eration de la perte de masse des calottes polaires
du Groenland et de l’Antarctique d´ecel´ee lors des deux derni`eres d´ecennies
bas´ee `a partir de donn´ees spatiales d’altim´etrie, InSAR et de gravim´etrie.
Le tableau 3.1 regroupe quelques unes des diff´erentes estimations publi´ees
ces derni`eres ann´ees, sur les bilans de masse des calottes polaires du
Groen-land et de l’Antarctique bas´ees sur les donn´ees GRACE. Les estimations
va-3.4 Bilans du niveau de la mer des derni`eres d´ecennies d’apr`es le rapport de l’IPCC
Dans le document
Hausse du niveau de la mer et impact du changement climatique global
(Page 39-44)