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Les fonds des institutions bancaires

2. Le profil de l’actionnariat canadien

2.1. Les différents investisseurs institutionnels canadiens

2.1.3. Les investisseurs multilatéraux

2.1.3.2. Les fonds des institutions bancaires

C’est la Loi sur les banques qui définit les champs d’activités et les pouvoirs des banques au Canada. Cette dernière, qui vise essentiellement à préserver l’intégrité du milieu bancaire et à maintenir la confiance dans ce système en général, et dans le système de paiement en particulier197, reconnaît aux banques la « capacité d’une personne physique198» en précisant toutefois qu’une banque ne peut exercer ses pouvoirs ou ses activités commerciales en violation de la législation applicable199. En matière de pouvoir, l’article 409 précise par ailleurs que les activités des banques doivent se rattacher aux opérations bancaires, sous réserve des interdictions

, art. 15(2).

194 En effet, les sociétés d’assurances peuvent depuis 1899 investir dans les sociétés

ouvertes et faire l’acquisition de titres de ces dernières. Toutefois, soulignons qu’en 1906 certaines modifications à la loi limitant les investissements dans les sociétés ont toutefois été adoptées. Différentes mesures ont par la suite diminué les exigences en matière d'investissement puis augmenté ces restrictions en les rendant plus contraignantes. Malgré cela, historiquement, les assureurs ont cherché à faire coïncider leur stratégie d’investissement et leurs obligations éventuelles de paiement des réclamations pouvant être effectuées par leurs assurés. Ce faisant, leurs actifs ont naturellement été investis dans des obligations à long terme et de créances hypothécaires à long terme. Helmut H. BINHAMMER, Money, Banking and the Canadian Financial System, 6e éd., Nelson Canada, Scarborough (Ont.), 1993, p. 230; R. CRÊTE et S. ROUSSEAU, préc., note 6, 938.

195 Ronald J. DANIELS et Paul HALPERN, “Too Close for Comfort: The Role of the Closely

Held Public Corporation in the Canadian Economy and the Implications for Public Policy”, (1995) 26 Can.Bus. L.J. 11, 35-37.

196 Par l’expression « institutions bancaires », nous visons les banques, les caisses

populaires ainsi que les autres institutions de dépôt.

197 C.C. NICHOLLS, préc., note 80, p. 235.

198Loi sur les banques, L.C. 1991, c. 46, art. 15(1). 199Id.

contenues dans le texte de la Loi200, tandis que l’article 415 de la Loi sur les banques précise qu’il est interdit aux banques de faire, au Canada, le commerce des valeurs mobilières sauf dans la mesure prévue par les règlements pris par le gouverneur en conseil201. De plus, la Loi prévoit qu’aucune banque ne peut faire l’acquisition ou augmenter ses placements dans une entité autrement que de la manière prévue par le législateur. À cet effet, l’article 466 de cette loi interdit aux banques d’acquérir le contrôle d’une entité autre qu’une entité admissible ou de détenir, d’acquérir ou d’augmenter202 un « intérêt de groupe financier » dans une telle entité. La notion d’« intérêt de groupe financier », importante pour déterminer quels sont les niveaux de placement que les banques sont autorisées à effectuer203, est définie à l’article 10204:

définition de cette notion.

200 Id. Le deuxième alinéa de l’article 409 énonce que sont notamment considérés comme

des opérations bancaires : (a) la prestation de services financiers; (b) les actes accomplis à titres d’agent financier; (c) la prestation de services de conseil en placement et de gestion de portefeuille; (d) l’émission de cartes de paiement, de crédit ou de débit et, conjointement avec d’autres établissements, y compris les institutions financières, l’utilisation d’un système de telles cartes. C.C. NICHOLLS, préc., note 80, p. 232.

201 Le Règlement sur les restrictions applicables au commerce des valeurs mobilières

(banques), DORS 92-279 modifé par le règlement DORS 92-364 énonce notamment des

restrictions relatives au placement primaire d’actions, à l’échange sur le marché secondaire d’actions ou de titres de participation et à l’exercice de la fonction d’agent de placement dans le placement de fonds mutuels. Malgré cela, tel que nous le verrons, une banque peut effectuer des transactions en matière de valeurs mobilières pour son propre compte. Article 3(1) du Règlement sur les restrictions applicables au commerce des valeurs mobilières

(banques).

202 Le deuxième alinéa de l’article 10 de la Loi sur les banques précise que la personne qui

détient un intérêt de groupe financier de la manière visée à l’alinéa 10(1)(a) augmente son intérêt de groupe financier quand elle-même ou toute entité qu’elle contrôle acquiert à titre de véritable propriétaire un nombre d’actions de la personne morale qui augmente le pourcentage des droits de vote attachés à l’ensemble des actions qu’elles détiennent à titre de véritable propriétaire. La personne augmente également son intérêt de groupe financier lorsqu’elle acquiert le contrôle d’une entité qui détient à titre de véritable propriétaire un nombre d’actions de la personne morale qui augmente le pourcentage des droits de vote attachés à l’ensemble des actions qu’elles détiennent à titre de véritable propriétaire. La personne qui détient un intérêt de groupe financier de la manière visée à l’alinéa 10(1)(b) augmente son intérêt de groupe financier de la même manière (voir l’alinéa 10(3) de la Loi

sur les banques, préc., note 198).

203 Johanne L. RÉMILLARD, « Banques et caisses populaires : rétrospective sur la réforme

bancaire et étude comparée », dans Service de la formation permanente, Barreau du Québec, Développements récents en droit bancaire (1991), Éditions Yvon Blais, Cowansville, 1991, p. 187, à la page 197.

204 L’article 2 de la Loi sur les banques, préc., note 198 nous réfère à cette disposition en ce

« 10(1) Une personne a un intérêt de groupe financier dans une personne morale quand elle-même et les entités qu’elle contrôle détiennent la propriété effective :

(a) soit d’un nombre total d’actions comportant plus de dix pour cent des droits de vote attachés à l’ensemble des actions en circulation de celle-ci; (b) soit d’un nombre total d’actions représentant plus

de vingt-cinq pour cent de l’avoir des actionnaires de celle-ci. »

Ainsi, il est impossible pour une banque d’acquérir directement le contrôle d’une société canadienne afin d’influencer sa gestion ou de détenir plus de 10 % des droits de vote de cette dernière, sauf pour les exceptions prévues dans la réglementation205. Cette règle, qui s’explique par le fait que les institutions financières ont l’obligation de maintenir un certain degré de liquidité afin de satisfaire les demandes de leurs clients qui peuvent retirer les montants déposés auprès de l’institution sans véritable préavis, fait en sorte que la possession d’une participation importante au sein d’une société afin d’exercer une certaine forme d’activisme constitue un mauvais choix de placement s’il s’avère par la suite difficile de se départir de cet investissement.

En cette matière, l’article 465 de la Loi précise d’ailleurs que le conseil d’administration doit établir des principes, normes et procédures sur le modèle de ceux qu’une personne prudente206 mettrait en place afin d’assurer la bonne gestion d’un portefeuille de placement et de prêt, le tout afin d’éviter des risques de perte indus et d’assurer un juste rendement.

Butterworths, Markham (Ont.), 1993, p. 371.

205 J.L. RÉMILLARD, préc., note 203, à la page 214. Ces dispositions imposent des règles

qui veillent à ce que les banques aient un capital largement réparti et à ce qu’aucune personne ne détienne plus de 10 % d’une catégorie d’actions.

206 « A reasonable and prudent person refers to the concept of a level of care, compared to

like persons, in like circumstances, who would meet tests of a normalized but cautious approach to the matter at hand. » Alison R. MANZER, The Bank Act Annotated,

Les caisses populaires, pour leur part, jouissent de pouvoirs semblables à ceux des banques. En effet, tout comme les banques, les caisses populaires possèdent le pouvoir d’effectuer différents placements, avec prudence et diligence207, dans le meilleur intérêt de leurs membres208, si elle se conforme aux règlements de sa fédération concernant la suffisance de sa base d’endettement209. Plus spécifiquement, l’article 473 de la Loi sur les coopératives de services financiers210 prévoit qu’une coopérative de services financiers ne peut acquérir, seule ou conjointement avec une caisse ou une fédération de son réseau, plus de 30 % de l’avoir ou des droits de vote afférents aux actions d’une personne morale211.

Cette différence importante entre les pouvoirs en matière de placement que l’on a accordés aux composantes du Mouvement Desjardins et ceux accordés aux banques dans le cadre de la Loi sur les banques s’expliquent

debats/20000601/9357.html#000601098>.

207Loi sur les coopératives de services financiers, L.R.Q., c. C-67.3, art. 66 et 468. 208Id., art. 64.

209 La fédération à la caisse a le pouvoir d’établir des normes de gestion saine et prudente

pour les caisses, notamment en matière de placement, de capitalisation et de liquidité. Id., art. 372 et 469.

210Id., art. 473.

211 Ce pourcentage, plus élevé que ceux qui s’appliquent aux banques (à savoir : 10 %

votant ou 25 % de l’avoir global des actionnaires), s’explique notamment par la volonté du législateur de créer un environnement qui permet aux coopérations de services financiers du Québec de faire face à la concurrence. En effet, au mois de juin 2000, le législateur québécois a entrepris un certain nombre de changements afin d’alléger, simplifier et clarifier la réglementation du secteur des caisses d’épargne et de crédit et de leur donner la modernité requise pour faire le commerce des services financiers étant donné les profondes transformations de l’ensemble des institutions financières et faire face à la concurrence intense qui a cours dans le milieu des services financiers : « Alors, il faut que la législation du Québec qui régit ces institutions leur permette vraiment de faire face à la concurrence. Ce n’est qu’ainsi qu’elles pourront continuer à contribuer au maintien d’un secteur financier québécois vigoureux, surtout en regard de ce que j’ai dit, du 50 % du marché qu’elles détiennent. Si jamais ce 50 % s’affaiblit, c’est l’ensemble du marché québécois qui s’affaiblit et qui serait menacé de déplacement. Le désir de mettre en place un cadre législatif concurrentiel a donc guidé l’élaboration de notre projet de loi. » Travaux parlementaires entourant l’adoption du projet de loi No 126, Loi sur les coopératives de services financiers, 36e législature, 1re session (du 2 mars 1999 au 9 mars 2001), 1er juin 2000, M. Bernard

Landry, cahier No 115, pages 6434-6437, en ligne : Assemblée nationale du Québec <http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/assemblee-nationale/36-1/journal-

aisément212. En effet, tel que le soulignait Johanne Rémillard, le Mouvement

Desjardins s’inscrit depuis toujours, et de façon très naturelle, à l’intérieur de l’effort de développement de la société québécoise, alors que les banques demeurent des institutions fédérales qui sont essentiellement appelées à interagir à l’intérieur d’un encadrement économique, politique et territorial beaucoup plus vaste, et par le fait même plus complexe213. De ce fait, les divergences que l’on retrouve dans la législation sur les banques et celle sur les coopératives de services financiers trouvent leur origine au plan des philosophies distinctes qui justifient l’existence des banques et du Mouvement Desjardins, dans les différences structurelles existant entre les deux institutions, et également dans l’étendue du rôle économique que les législateurs fédéral et provincial ont bien voulu leur octroyer, chacun en relation avec une problématique et un contexte territorial bien particulier214.

Par ailleurs, la composante coopérative du Mouvement Desjardins se distingue également des banques de par la latitude juridique qui lui est octroyée. En effet, chaque caisse et chaque fédération constituent une entité juridique distincte, dotée de pouvoirs qui lui sont propres, tout en demeurant une composante au rôle bien défini à l’intérieur d’un ensemble organisationnel beaucoup plus large. Cette spécificité de la structure des caisses populaires accorde une plus grande souplesse d’action et d’interaction financière pour chacune des composantes comme pour l’ensemble du Mouvement Desjardins215. Cette latitude se perçoit également à la lecture des règles en matière de solvabilité qui encadre les coopératives de services financiers. En effet, les exigences réglementaires visant à assurer le maintien de la solvabilité des coopératives de services financiers prévoient que les coopératives de services financiers sont tenues à une obligation de résultat plutôt qu’à une obligation de moyen.

, à la page 251.

212 J.L. RÉMILLARD, préc., note 203, à la page 252. 213 Id., à la page 253.

214Id., aux pages 252 et 254. 215Id.

Enfin, si l’article 66 de la Loi sur les coopératives de services financiers prévoit que les caisses doivent suivre des pratiques de gestion saine et prudente216, la loi ne spécifie toutefois pas les moyens qui doivent être mis en place pour s’assurer d’une conformité à ces exigences en matière de gestion217. De ce fait, il appartient aux coopératives de services financiers d’adopter les pratiques de gestion qui s’avèrent les plus appropriées, compte tenu de la nature de leurs activités. Cet encadrement plus laxiste vise à offrir aux coopératives de services financiers toute la souplesse dont elles ont besoin pour mettre en œuvre des pratiques de gestion plus modernes218.

Bien que les banques canadiennes ainsi que les caisses populaires jouent un rôle clé dans le système financier et le développement économique du Québec et du Canada et constituent sans doute les institutions financières les plus importantes sur le territoire, le rôle de ces institutions au sein du marché des valeurs mobilières a traditionnellement été plutôt effacé. En effet, même si le décloisonnement des institutions financières est venu modifier la situation économique canadienne, il demeure que les banques ainsi que les caisses populaires interviennent rarement dans la gestion des sociétés dont elles détiennent les titres. De fait, sauf les situations d’insolvabilité ou de quasi-insolvabilité, ces institutions financières n’assumeront généralement qu’un rôle limité ou un rôle de soutien en matière de gouvernance des sociétés ouvertes.

601098>.

216Loi sur les coopératives de services financiers, préc., note 207, art. 66.

217 Néanmoins, il est prévu que la fédération peut établir des normes de gestion saine et

prudente pour les caisses, notamment en matière de placement, de capitalisation et de liquidités. Id., art. 374 et 469 et art. 461 al. 2.

218 Travaux parlementaires entourant l’adoption du projet de loi No 126, Loi sur les

coopératives de services financiers, 36e législature, 1re session (du 2 mars 1999 au 9 mars

2001), 1er juin 2000, M. Bernard Landry, cahier No 115, pages 6434-6437, en ligne :

Assemblée nationale du Québec <http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-