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Chapitre 3 : La Théorie de la Fonctionnelle de la Densité

3.1 Fondements théoriques de la DFT

3.1.1 Hamiltonien et densité électronique

En dehors du fait que la densité est une notion intuitive, quel est l’intérêt d’utiliser ρ dans l’optique de résoudre l’équation de Schrödinger ? Le seul paramètre « électronique » présent dans l’hamiltonien du système 𝐻 (équation 1.3) est le nombre total d’électrons Ne. Or, comme on vient de le voir, ce nombre est lié de manière simple à la densité électronique.

Les termes 𝑇 et 𝑉 peuvent donc être réécrits en fonction de la densité électronique𝑒𝑒 74 : 𝑇 = −1 2𝑟 𝜌(𝑟, 𝑟 ) 𝑟′=𝑟𝑑𝑟 𝑉 = 𝑒𝑒 𝜌(𝑟, 𝑟 ) 𝑟 − 𝑟 𝑑𝑟𝑑𝑟

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Dans le formalisme de la DFT, les électrons interagissent entre eux et avec un potentiel externe, ici créé par la présence des noyaux atomiques. Dans l’hamiltonien 𝐻 , ce potentiel intervient dans le terme 𝑉 . En effet, ce terme 𝑉𝑛𝑒 peut-être réécrit de la façon 𝑛𝑒 suivante,

𝑉 = 𝑣 𝑟 𝜌 𝑟 𝑑𝑟 𝑛𝑒

Où 𝑣(𝑟) est le potentiel ressenti par l’électron, fonction de la position et de la charge des noyaux atomiques :

𝑣 𝑟 = − 𝑍𝑘

𝑟 − 𝑟𝑘 𝑁𝑛

𝑘=1

Le potentiel externe 𝑣 correspondant { l’ensemble des paramètres définissant le système, s’il est possible d’associer { ce potentiel, quel qu’il soit, une unique densité électronique, alors 𝐻 sera fonction de cette densité électronique. La densité électronique étant une fonction de l’espace, on dit alors que l’hamiltonien du système est une

fonctionnelle de la densité.

3.1.2 Théorèmes de Hohenberg-Kohn

En 1964 , Hohenberg et Kohn établirent deux théorèmes75 qui allaient permettre d’utiliser rigoureusement la densité électronique comme variable de choix pour résoudre l’équation de Schrödinger. En effet, en montrant l’existence d’un unique potentiel externe correspondant à une densité donnée, ils prouvèrent effectiveme nt que l’hamiltonien – et donc par l{ même l’énergie – était une fonctionnelle de la densité. Pour ce faire, ils ont adopté un raisonnement par l’absurde en supposant qu’{ la même densité électronique donnée 𝜌 étaient associés deux potentiels externes notés 𝑣 et 𝑣′. Soient 𝐻 et 𝐻′ les hamiltoniens correspondants respectivement à 𝑣 et 𝑣′ (différant seulement de par ce potentiel externe) et soient Ψ et Ψ’ les vecteur propres normalisés respectifs de l’état fondamental de chaque hamiltonien.

Dans ces conditions, on a :

𝐸 < 𝛹 𝐻′ 𝛹

puisque Ψ n’est pas vecteur propre de 𝐻′ . Or, on peut mathématiquement décomposer

𝐻′ de la façon suivante :

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𝛹 𝐻 𝛹 = 𝛹 𝐻 𝛹 + 𝛹 𝐻 − 𝐻 𝛹 = 𝐸 + 𝜌 𝑟 𝑣 𝑟 − 𝑣 𝑟 𝑑𝑟

Ψ étant vecteur propre de 𝐻 et ρ étant identique pour 𝐻 et 𝐻′ .

Or, il est tout à fait possible de faire le même raisonnement à partir de E en lieu et place de E’ :

𝐸 < 𝛹′ 𝐻 𝛹′ = 𝛹′ 𝐻′ 𝛹′ + 𝛹′ 𝐻 − 𝐻′ 𝛹′ = 𝐸 + 𝜌 𝑟 𝑣 𝑟 − 𝑣′ 𝑟 𝑑𝑟 En sommant les deux inégalités obtenues précédemment, on trouve :

𝐸+ 𝐸 < 𝐸 + 𝐸′ ce qui est impossible.

Cela signifie que le postulat de départ est faux, et que la densité électronique « détermine » bien un potentiel externe unique. En d’autres termes, 𝐻 et E sont bien fonctionnelles de la densité électronique.

Le deuxième théorème de Hohenberg-Kohn affirme qu’il existe également un principe variationnel dans le formalisme de la DFT similaire à celui existant dans le cadre de la théorie des orbitales moléculaires.

À ce point, la DFT est mise en place d’un point de vue théorique. Dans la suite, nous allons décrire de manière simple comment il est possible, en pratique, d’utiliser cette théorie pour résoudre l’équation de Schrödinger.

Cependant, obtenir une expression de 𝐻 en fonction de 𝜌 et non plus de 𝛹 n’apporte pas grand chose en terme de rapidité de calcul, étant donné que l’étape coûteuse de la procédure est l’obtention de E à partir de 𝐻 . Pour résumer, le calcul de 𝛹 𝐻 𝛹 est toujours nécessaire pour le moment. Or, c’est justement ce calcul qui était déj{ faisable (même si approximativement) avec la procédure Hartree-Fock.

En revanche, comme dit précédemment, puisque 𝐻 est fonctionnelle de 𝜌, cela signifie que E l’est aussi. Y aurait-il alors une façon d’exprimer 𝐸 directement en fonction de 𝜌 ?

Les équations données précédemment (§3.1.1) permettant d’exprimer 𝐻 en fonction de

𝜌 pourraient être utilisées pour calculer l’énergie directement, cependant ce calcul reste impraticable étant donné le nombre de variables corrélées. De plus, l’expression de la densité à deux électrons 𝜌(𝑟, 𝑟) est trop complexe.

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C’est en 1965 que Kohn et Sham ont introduit une approche permettant de rendre la DFT praticable.76 Pour ce faire, ils ont tenté de simplifier les choses en considérant tout d’abord un système de densité ρ donnée où les électrons n’interagiraient pas.

3.1.3 Systèmes d’électrons non-interagissants

Si l’on considère le système comme constitué d’électrons non-interagissants, il est simple d’exprimer son hamiltonien en fonction de sa densité électronique. Par analogie avec les notations précédentes, on a :

𝐻𝑛𝑖 = 𝑇𝑒𝑛𝑖 + 𝑉𝑛𝑒𝑛𝑖 + 𝑉𝑒𝑒𝑛𝑖

L’exposant « ni » caractérisant le système comme « non-interagissant ». Les termes consititutifs de H sont alors donnés par :

𝑇𝑒𝑛𝑖[𝜌(𝑟)] = − 1 2𝑒[𝜌 𝑟 ] 𝑉𝑛𝑒𝑛𝑖[𝜌(𝑟)] = − 𝑍𝑘 𝑟 − 𝑟𝑘 𝑁𝑛 𝑘=1 𝜌 𝑟 𝑑𝑟 𝑉𝑒𝑒𝑛𝑖[𝜌 𝑟 ] =1 2 𝜌 𝑟 𝑑𝑟 𝑟 − 𝑟 𝜌 𝑟 𝑑𝑟

Pour un tel système, la résolution de l’équation de Schrödinger est aisée puisque aucune corrélation électronique explicite n’est prise en compte. On peut donc facilement obtenir l’énergie de ce système :

𝐸𝑛𝑖 𝜌 𝑟 = 𝛹 𝐻𝑛𝑖 𝛹 3.1.4 Energie d’échange et corrélation

Mais évidemment, la valeur de cette énergie n’est pas acceptable, puisqu’elle ne prend pas en compte toute la corrélation dynamique et l’échange quantique. On peut donc écrire :

𝐸 𝜌 𝑟 = 𝐸𝑛𝑖 𝜌 𝑟 + 𝐸𝑥𝑐[𝜌 𝑟 ]

où E est l’énergie du système d’électrons interagissants. Le terme 𝐸𝑥𝑐 représente la contribution énergétique de la corrélation et de l’échange, d’où son nom “énergie

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d’échange et corrélation ». Il représente une correction { l’énergie liée { la corrélation dynamique et { l’échange77, ainsi qu’un terme correctif au système classique :

𝐸𝑥𝑐 = ∆𝑇𝑒+ ∆𝑉𝑒𝑒

où ∆𝑇𝑒 représente la différence d’énergie cinétique entre les systèmes d’électrons interagissants et non-interagissants, et ∆𝑉𝑒𝑒 la différence d’énergie potentielle d’interaction électron-électron entre ces deux mêmes systèmes.

L’énergie d’échange et corrélation est elle-même également fonctionnelle de la densité électronique. On peut donc « l’ajouter » { l’énergie du système d’électrons non-interagissant pour obtenir E.78

Du coup, l’hamiltonien du système d’électrons interagissants (le système « réel ») devient :

𝐻 = 𝐻𝑛𝑖 +𝛿𝐸𝑥𝑐 𝛿𝜌

Dans ce cas, on peut imaginer mettre en place une procédure de type SCF { partir d’une densité électronique de départ (densité « guess »). Cette procédure serait similaire à la procédure Hartree-Fock, si ce n’est que les solutions obtenues seraient des vecteurs propres non plus de l’hamiltonien mono-électronique Hartree-Fock, mais de l’hamiltonien mono-électronique Kohn-Sham79 :

𝑕𝑖𝐾𝑆 = −1 2𝑖 𝑍𝑘 𝑟𝑖− 𝑟𝑘 𝑁𝑛 𝑘=1 + 𝜌(𝑟 ) 𝑟𝑖− 𝑟 𝑑𝑟 +𝛿𝐸𝑥𝑐 𝛿𝜌 (2.1)

Tout cela semble donc parfait, mais il y a un problème : on ne sait pas exprimer analytiquement 𝐸𝑥𝑐 en fonction de 𝜌. Pour pouvoir utiliser la DFT en procédure SCF en pratique, il va donc falloir tenter d’approximer cette grandeur. À ce stade, l’introduction de cette approximation aura pour conséquence de rendre la procédure non -variationnelle : on ne peut donc plus assurer que E0 sera une borne inférieure pour l’énergie, et en pratique l’énergie obtenue par procédure DFT peut être inférieure { l’énergie exacte.80

La méthode Hartree-Fock tente de résoudre exactement un problème dans le cadre d’une théorie approchée où l’équation de Schrödinger est délibérément simplifiée. À

77 La notation us uelle « xc » pour désinger l’énergie d’échange et corrélation s’explique par l’initiale du mot corrélation, à laquelle es t associée le « x » qui, en anglais, est souvent utilisé pour abrégér le son « ex », présent dans « exchange ».

78 Les autres termes de l’équation ne changent pas puisqu’ils dépendent des positions des électrons et noyaux, et que ces positions sont forcément inchangé es puisque la densité électronique des systèmes d’électrons interagissants et non-interagissants est identique.

79 Le spin n’est pas explicitement pris en compte ici : chaque valeur propre obtenue sera donc dégénérée deux fois (une pour chaque spin-orbi tale).

80 Exemple pour l’atome d’hydrogène : énergie exacte -0. 5 u.a., énergi e donnée par la fonctionnelle BPW91 -0.5042 u. a.

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l’inverse, la DFT est une théorie exacte dans le cadre de laquelle on résout le même problème de manière approximative.

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