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LES FONDEMENTS DU COENSEIGNEMENT

Le fondement pédagogique du coenseignement

Le fondement pédagogique prend racine dans le mouvement des écoles ouvertes des années 1950-1970, en faveur d’une école plus active et innovante, en rupture avec l’école traditionnelle. Des enseignantes et des enseignants de plusieurs pays occidentaux ont ainsi remis en question les structures et les pratiques pédagogiques traditionnelles utilisées jusqu’alors (Hanslovsky, Moyer et Wagner, 1969). Inspiré des pédagogies alternatives, ce mouvement promeut l’interdisciplinarité, les projets, et le travail coopératif entre membres du personnel enseignant et entre élèves.

C’est aux États-Unis que l’on retrouve ces premières formes documentées de team teaching. J. Lloyd Trump, un pédagogue américain, proposa alors de réorganiser les écoles secondaires afin que les enseignants se divisent les responsabilités de suivi et de cheminement pour des groupes d’élèves (Friend, Reising et Cook, 1993). Son idée découlait de la nécessité de surmonter la pénurie d’enseignants, mais il avait aussi la conviction qu’un tel modèle permettrait aux écoles d’offrir un enseignement plus individualisé aux élèves.

C’est au cours des années 1960 que le concept de coenseignement a davantage évolué dans les pays anglo-saxons. L’objectif était de créer des environnements éducatifs centrés sur les élèves, avec des modèles d’enseignement novateurs, dont le travail collaboratif entre enseignants (team teaching), tant à la maternelle qu’au primaire et au secondaire (Shaplin, 1964). En Angleterre, Warwick (1971) a proposé un modèle d’enseignement en équipe de quelques enseignants qui se partagent leur groupe d’élèves. Par exemple, en enseignement secondaire, le team teaching comprenait généralement une situation d’enseignement offerte par l’enseignante ou l’enseignant le plus expert. Pour ce faire, plusieurs classes étaient fusionnées en une seule. La logique était celle de l’efficacité et de l’efficience. Il était ainsi plus efficient de donner un cours sur un sujet une seule fois avec l’enseignante ou l’enseignant le plus compétent, plutôt que quatre cours sur le même sujet, mais avec une qua-lité variable. Ensuite, les élèves étaient divisés en groupe de discussion, avaient des tâches à réaliser ou des évaluations. Ces petits groupes étaient pris en charge par les autres membres du personnel enseignant disponibles. Cette séance commune pou-vait également être suivie d’un enseignement supplémentaire, donné aux groupes-classes habituels, par leur enseignante ou enseignant habituel (Friend, Reising et Cook, 1993). Le team teaching a permis de faire travailler ensemble enseignantes et enseignants, et de diviser les responsabilités d’enseignement, bien qu’ils ne soient pas engagés simultanément ou conjointement dans des tâches d’enseignement. Bien entendu, il s’agissait également d’alléger le travail de chacun par une planification collective et de soutenir les enseignantes et les enseignants moins expérimentés (ou sous-qualifiés). De plus, ce modèle peut aisément s’accommoder d’un enseignement

transmissif en grand groupe suivi de remédiation/approfondissement en groupe de niveau, ce qui ne rompt pas fondamentalement avec l’enseignement traditionnel.

Le fondement inclusif du coenseignement

Avec le développement et la généralisation de l’intégration scolaire dans les années 1970 et 1980 dans les différents pays occidentaux, une collaboration entre école spéciale et école ordinaire s’est développée sur différentes bases. Au fil des ans, divers modèles de collaboration ont été proposés pour faciliter le dialogue, la colla-boration entre les différents professionnels de l’école pour résoudre des problèmes (Laycock, Korinek et Gable, 1991). Certains modèles bien connus incluent la consul-tation collaborative (Idol, Paolucci-Whitcomb et Nevin, 1994), les équipes d’assis-tance ordinaires (Fuchs, Fuchs et Bahr, 1990), les équipes d’aide aux enseignants (Chalfant, Pysh et Moultrie, 1979) et la co-intervention (Garvar et Papania, 1982; Will, 1986). Toutefois, à partir de la fin des années 1980, il devient de plus en plus évident que les résultats scolaires des élèves à besoins spécifiques scolarisés à l’école ordi-naire n’étaient pas satisfaisants (McLaughlin et Rhim, 2007).

Toutefois, la coprésence, durable et répétée, des enseignantes ou enseignants spécia-lisés ou ordinaires à l’école ordinaire a mené par différentes expériences, deux ensei-gnantes ou enseignants, l’un ordinaire et l’autre spécialisé, à travailler conjointement dans le même local, pour les mêmes élèves, et ce, en coplanifiant l’activité. C’est cette transgression de frontières traditionnelles entre spécial et ordinaire qui a mené au coenseignement en contexte inclusif (Bauwens, Hourcade et Friend, 1989). La pré-sence d’élèves à besoins spécifiques en classe ordinaire a ainsi graduellement mené à l’introduction des professionnels (enseignantes/enseignants spécialisés, éduca-trices/éducateurs, orthophonistes, etc.) en classe dans d’autres rôles que celui de co-intervenant (Warger et Aldinger, 1986). Ce travail pédagogique partagé, basé sur l’idée d’enseigner aux élèves dans l’environnement le moins restrictif possible, a ainsi mené à de premières expériences de coenseignement, dès lors que les enseignants spécialisés ont trouvé la porte de la classe ordinaire ouverte (Garvar et Papania, 1982).

Au début des années 1980, cette collaboration étroite a été identifiée comme une approche novatrice et comme un moyen d’intégration des élèves en difficulté (Garvar et Papania, 1982). Dans ce fondement inclusif, le coenseignement a comme finalité de pouvoir scolariser les élèves à besoins spécifiques en classes ordinaires pour qu’ils puissent apprendre auprès des autres élèves. Ainsi, cette collaboration permet tant un soutien à l’enseignement (ex. : apport de ressources, réduction du nombre d’élèves, etc.) qu’un soutien aux élèves (différenciation, adaptations individuelles, soutiens ponctuels, etc.).

La première description du coenseignement est celle de Bauwens, Hourcade et Friend (1989). On remarque que les auteurs parlent d’enseignement « coopératif » (cooperative teaching) et non de « coenseignement ». Il faudra attendre la définition

de Friend (1992) pour voir une première utilisation de ce terme. Ce changement pour enseignement coopératif puis coenseignement avait pour objectif de le distinguer du travail collaboratif d’enseignantes ou d’enseignants ordinaires qui pouvaient parta-ger des responsabilités (Friend et Cook, 1992).

Les travaux de Friend et Cook ont servi de fondement à la plupart des modèles et des approches de coenseignement que l’on trouve dans la littérature d’aujourd’hui (Ashton, 2015). Dans un texte fondateur, les auteurs expliquent comment le coensei-gnement se différencie du team teaching en insistant sur quatre composantes fonda-mentales (Cook et Friend, 1995) :

1. Le coenseignement implique au moins deux professionnels, qui sont géné-ralement une enseignante/enseignant ordinaire et une enseignante/ensei-gnant spécialisé, une enseienseignante/ensei-gnante/enseienseignante/ensei-gnant spécialiste (en musique, en langue seconde, etc.) ou tout autre spécialiste non enseignant (ex. : orthopho-niste). Le coenseignement permettrait des possibilités nouvelles en rassem-blant deux professionnelles/professionnels aux perspectives différentes, mais complémentaires.

2. Le coenseignement nécessite une participation active de la part des deux pro-fessionnelles/professionnels dans l’enseignement, même si la contribution exacte de chaque participante/participant peut varier.

3. La population visée dans le coenseignement à orientation inclusive est égale-ment un éléégale-ment important de ces définitions où le coenseigneégale-ment est défini aussi par rapport à un groupe diversifié d’élèves, y compris des élèves à besoins spécifiques scolarisés dans l’enseignement ordinaire.

4. En lien direct avec la troisième composante, ce groupe hétérogène doit partager un même espace classe. Cela n’exclut pas la possibilité de séparer occasionnel-lement des groupes d’élèves, par exemple pour un enseignement qui implique une activité avec des niveaux élevés possibles de bruit et de distraction.

MÉTHODOLOGIE

Pour effectuer la recension des définitions du coenseignement, le thésaurus d’ERIC a d’abord été consulté avec les termes co-teaching, team teaching, co-teacher et co-taught. Le terme de team teaching constitue le seul mot-clé exact. Ensuite, les articles scientifiques anglophones dont le titre comportait les termes co-teaching (n=195), co-teacher* (n=23) ou co-taught (n=25) et le mot-clé exact team teaching ont été recensés. Par la suite, les moteurs de recherche de la bibliothèque de l’Uni-versité Laval et la base de données ERIC ont été utilisés. Les deux premiers critères de sélection de ces articles étaient les suivants : 1) articles publiés en anglais avant 2020; 2) articles scientifiques publiés dans des revues avec comité de lecture (avec méthodologie, résultats et recensions des écrits). Les articles descriptifs ou pres-criptifs (guides) et les récits d’expérience ont été exclus de la présente analyse. Par

la suite, chaque article correspondant aux critères a été lu pour vérifier les critères d’inclusion, puis, pour les articles sélectionnés, dentifier la ou les définitions du coenseignement citées.

Au total, 143 articles publiés entre 1991 et 2019 ont été identifiés avec le premier cri-tère de sélection. Le second cricri-tère a permis de retenir 110 articles sur 143. La lecture de ces 110 articles a permis d’identifier 82 articles citant une ou plusieurs définitions du coenseignement. Deux cas de figure ont été observés. Le premier concerne des articles qui citent une ou des définitions du coenseignement (n=67), le deuxième concerne des articles qui proposent une définition nouvelle du coenseignement (n=15).

Comme vu plus haut, les définitions utilisée ou cité plus d’une fois ont été sélection-nées. Lors d’une phase préliminaire, 24 définitions du coenseignement ont été iden-tifiées selon ces critères. Il est important de souligner que ces définitions pouvaient tant provenir d’articles que d’ouvrages. La lecture et l’analyse a permis de constater que plusieurs définitions, souvent des mêmes auteurs, étaient identiques (ex. : les mêmes auteures ou auteurs, du même ouvrage, mais de deux années ou éditions dif-férentes) ou encore qu’il s’agissait d’une citation indirecte (une auteure ou un auteur est cité, mais ce dernier s’appuie sur une définition qui n’est pas sa création). En fin de compte, 18 définitions usitées et originales ont été repérées et analysées (annexe).

Comme cadre d’analyse, le concept de dispositif a été utilisé. Pour Figari (1994, dans Figari, 2008), un dispositif est tant la manière dont on agence les diverses com-posantes d’un « appareil » que l’appareil lui-même. Un dispositif serait ainsi « un ensemble intégré et structuré d’objectifs, de moyens et de personnes construit en vue de répondre à des besoins qui lui sont externes, assujetti aux contraintes qui lui sont imposées et redevable des effets, voulus ou non, qui peuvent lui être attribués » (Bouchard et Plante, 2002, p. 226-227). Sur la base d’une analyse de la littérature, six composantes d’un dispositif ont été sélectionnées et définies : population, finalités/

objectifs, ressources, actions, effets, espace/temps (Tremblay, 2012b). Ces com-posantes serviront à cadrer l’analyse. Toutefois, comme il s’agit de définitions, il importe, d’une part, de souligner que l’analyse se limite au prescrit (et non au réel ou au perçu) et, d’autre part, dans ce cadre, que les effets ne peuvent être analysés (les effets prescrits s’assimilant ici aux objectifs prescrits). Trois temps pour traiter et analyser les définitions : 1) lecture de textes, repérage et organisation des définitions;

2) classement selon les composantes d’un dispositif, puis mise à l’essai sur trois défi-nitions types; 3) codage de l’ensemble et contre-codage d’une partie pour valider.

RÉSULTATS

La population

Concernant la population, quatre groupes de définitions se dégagent des définitions analysées. La population concerne ici, d’une part, les élèves à besoins spécifiques et, d’autre part, les autres élèves de la classe.

Tout d’abord, cinq définitions (B, J, K, L, Q) s’appuient sur une population scolaire comprenant explicitement, mais non exclusivement, des élèves à besoins spéci-fiques, en utilisant des termes différents indiquant des repères théoriques différents (ex. : exceptional needs, disabilities, and others at risk of school failure as a result of the negative consequences of environmental events). La définition (K) de Murawski et Dieker (2008) se distingue en ne parlant pas d’élèves à besoins spécifiques, mais des besoins des élèves (the needs of students), et ce, dans un contexte inclusif et avec un personnel spécialisé.

Les définitions du deuxième groupe (A, C, D, G, O, P) ne traitent pas explicitement d’une population spécifique d’élèves dans la classe, mais plutôt d’un groupe-classe lui-même défini comme hétérogène, mixte, etc. (ex. : diverse, blended, academically and behaviorally heterogeneous groups of students, heterogeneous, etc.). Toutefois, à la lecture de l’ensemble de ces définitions, une population d’élèves à besoins spécifiques est implicitement présente (ex. : présence d’un enseignant spécialisé, intégration, etc.). Deux définitions reprennent d’ailleurs ces deux aspects (groupe hétérogène incluant des élèves à besoins spécifiques) (B et J).

Un troisième groupe de définitions (E, F, M, N, R) s’appuie sur une description plus neutre du groupe d’élèves, en ne précisant ni sous-groupe spécifique ni référence à l’hétérogénéité du groupe. On parle uniquement d’élèves ou de groupe d’élèves. La définition (R) de Villa, Thousand et Nevin (2013) se distingue dans ce groupe en indi-quant que le coenseignement s’adresse à quelques élèves ou à tous les élèves de la classe (some or all of the students assigned to a classroom), ce qui peut laisser penser à un groupe d’élèves à besoins spécifiques. Enfin, deux définitions (H et I) ne traitent ni d’élèves ni de groupe, mais se centrent plutôt sur la relation pédagogique entre adultes.

Les finalités/objectifs

Pour ce qui a trait aux objectifs/finalités de ce dispositif, on remarque que ces der-niers ne sont que rarement cités explicitement dans les définitions. On peut toutefois, au niveau des finalités, observer que certaines définitions ont 1) une finalité inté-grative/inclusive, 2) des finalités de formation et 3) des finalités internes. Une seule définition ne contient pas d’objectif/finalité (N).

La grande majorité des définitions analysées (14/18) indiquent une finalité intégra-tive/inclusive du coenseignement, celui-ci constituant ici un moyen. Ces définitions s’appuient clairement sur le fondement inclusif du coenseignement en présentant le coenseignement comme un dispositif permettant de maintenir des élèves à besoins spécifiques en classe ordinaire. Toutefois, seulement six définitions font référence explicitement à cette finalité : deux traitant d’intégration (A et D), quatre de classes ordinaires (A, J, O, P) et une d’inclusion (K). Pour les neuf autres définitions, cette finalité est inférée par la population (ex. : élèves à besoins spécifiques, groupe) et les ressources (ex. : une enseignante/un enseignant ordinaire et une autre/un autre spécialisé).

Ensuite, deux définitions (H et M) donnent comme finalité au coenseignement le développement professionnel d’une stagiaire ou d’un stagiaire, où une ensei-gnante ou un enseignant en poste et un ou une stagiaire planifient et enseignent en collaboration.

Enfin, le dernier groupe d’une seule définition (I) présente des objectifs internes, c’est-à-dire en relation directe avec le coenseignement lui-même. L’objectif devient ainsi celui de faire autrement ou de faire ce qu’on ne peut accomplir seul. Ce coensei-gnement, que l’on peut qualifier de « transformatif », est fortement lié avec le fonde-ment pédagogique du coenseignefonde-ment. La définition de Wenzlaff, Berak, Wiesemean, Monroe-Baillargeon, Bacharach et Bradfield-Kreider (2002) définit ainsi le coensei-gnement comme une relation collaborative qui vise à se partager le travail pour faire ce que l’on ne peut pas faire seul. Il est à noter que la définition (L) de Murawski et Lochner (2011), bien qu’ayant une finalité inclusive, insiste sur des actions et des différenciations avec pour objectif d’augmenter l’accessibilité des contenus de tous les apprenants.

Les ressources

Les ressources peuvent se décliner sur les plans quantitatif, qualitatif et organisa-tionnel (Tremblay, 2012b). Alors que sur les plans quantitatif (deux adultes ou plus) et organisationnel (un travail commun pour un même groupe) il semble y avoir glo-balement consensus, certaines nuances peuvent être apportées. Toutefois, sur le plan qualitatif, plus de divergences sont observées.

Tout d’abord, sur le plan organisationnel, le coenseignement consiste globalement en un travail commun entre deux individus qui se partagent les responsabilités (ex. : planification, enseignement, etc.) pour un même groupe d’élèves, pour donner un enseignement différent (voir plus bas). Par exemple, Bauwens et Hourcade (1995) spécifient qu’il doit se faire de manière coactive et coordonnée. Le terme de partage apparaît explicitement dans cinq définitions (B, F, I, M, R). Le terme de division

n’est pas utilisé. Il s’agit d’un travail partagé, un partenariat. On le définit également comme quelque chose de commun, qui est fait ensemble.

Sur le plan quantitatif, le coenseignement se caractérise par la présence minima-lement de deux individus adultes pour un même groupe d’élèves. Huit définitions ouvrent la porte à une collaboration de plus de deux individus (C, D, F, I, O, P, R, Q), alors que dix définitions limitent cette collaboration à seulement deux individus (A, B, E, G, H, J, K, L, M, N). Le ratio élèves/enseignants constitue également une caractéris-tique implicite ou explicite des premières définitions sur le coenseignement. Ainsi, la coprésence d’une enseignante ou d’un enseignant ordinaire et d’une enseignante ou un enseignant spécialisé (ou autre professionnel) pour un seul groupe d’élèves, dans un contexte intégratif ou inclusif, implique de facto une hausse du ratio enseignant/

élèves qui est divisé par deux. Cependant, certaines définitions, principalement celles caractérisant le coenseignement par la collaboration de deux enseignants ou deux individus sans faire mention d’un contexte scolaire intégratif/inclusif (F, H, I, M, N, O, P, R), sinon le partage d’un même local, peuvent admettre un coenseignement à ratio constant (ex. : fusion de deux classes).

Sur le plan qualitatif, trois divergences s’observent sur la qualité des titres des individus (enseignantes/enseignants, professionnelles/professionnels, spécialistes, adultes, etc.) qui coenseignent. Un premier groupe de cinq définitions définit lar-gement le coenseignement comme une collaboration entre deux personnes (F et R), individus (I), d’adultes préparés par des professionnels (N) ou de partenaire d’enseignement (Q). Par exemple, Villa, Thousand et Nevin (2013) avancent que pra-tiquement tous ceux qui œuvrent à l’école (enseignantes/enseignants ordinaires ou spécialisés, éducatrices/éducateurs, assistantes/assistants, bénévoles, etc.) peuvent être des coenseignants. Un deuxième groupe de définitions ne fait référence ni à des enseignantes ni à des enseignants, mais utilise plutôt le terme de professionnels (professional) (C, G), ce qui peut correspondre à des enseignantes ou des enseignants (ordinaires ou spécialisés), mais également à d’autres types de professionnelles et professionnels comme les orthophonistes, les psychologues scolaires, etc. Un troi-sième groupe (B, J, K) limite la définition du coenseignement à une collaboration entre, d’une part, une enseignante ou un enseignant ordinaire et, d’autre part, une enseignante ou un enseignant spécialisé (ou une professionnelle ou un profession-nel diplômé non enseignant, par exemple orthophoniste, enseignante/enseignant spécialiste, psychologue, etc.). En effet, Friend et Cook (1992; 2007) insistent sur le fait que les deux personnes doivent être des professionnelles ou des professionnels dûment et également qualifiés, car cette égalité est consubstantielle au coenseigne-ment, qui ne supporte pas de hiérarchie entre partenaires1.

1. Il est à noter qu’en langue française, la collaboration à l’intérieur de la classe entre un/une enseignante/

enseignant et un/une professionnelle/professionnel non enseignant (orthophonistes, éducatrices/éduca-teurs, etc.) est définie comme de la co-intervention interne (Trepanier, 2005; Tremblay, 2012a).

Enfin, un dernier groupe de sept définitions circonscrit le coenseignement stricte-ment à une collaboration entre enseignantes ou enseignants (ex. : une enseignante/

enseignant ordinaire et une enseignante/enseignant spécialisé ou enseignante/

enseignant spécialiste). En somme, pour ces derniers auteurs, seuls les enseignants peuvent coenseigner. Toutefois, la qualité des enseignants ou des enseignantes est différente selon les définitions. Un sous-groupe (A, E et L) traite strictement d’une collaboration entre enseignante ou enseignant ordinaire et enseignante/enseignant spécialisé, alors que les autres (D, M, O, P) traitent plus globalement d’une collabo-ration entre deux enseignantes ou enseignants. Une dernière définition (H) suggère, quant à elle, une collaboration entre une enseignante ou un enseignant en fonction et un ou une stagiaire.

Les actions

En ce qui concerne les actions prescrites dans les définitions, on observe des évolu-tions et des précisions. Alors que plusieurs définiévolu-tions se limitent à parler d’enseigner ensemble (ex. : K) d’autres auteurs précisent que le coenseignement ne concerne pas seulement la prestation d’enseignement en classe, mais également explicitement la coplanification et la coévaluation (B, H, M, P, R) ou plus globalement le partage des responsabilités (A, E, F, R). Cette action n’est donc pas seulement commune, elle est également planifiée.

Toutefois, force est de reconnaître que, bien que la majorité des définitions ne traitent pas explicitement ou implicitement de ces trois moments dans leurs défini-tions, ceux-ci font partie de la description du coenseignement faite ensuite dans les ouvrages et articles d’où elles sont issues. En somme, il y aurait consensus sur le fait qu’il n’y aurait pas de coenseignement sans coplanification et sans coévaluation.

Pour certains auteurs et certaines auteures, ces actions auprès des élèves se doivent également d’être explicitement différentes de celles qu’on aurait menées ou qu’on peut mener en enseignement solitaire (A, I) ou différencié (L) ou flexible (J). Comme vu plus haut, ces actions constituent en soi également un objectif du coenseigne-ment. Ainsi, plus qu’une simple action conjointe coplanifiée et délibérée, le coensei-gnement impliquerait également un changement pédagogique et une différenciation des pratiques de coenseignement par rapport aux pratiques d’un seul enseignant (ex. :

Pour certains auteurs et certaines auteures, ces actions auprès des élèves se doivent également d’être explicitement différentes de celles qu’on aurait menées ou qu’on peut mener en enseignement solitaire (A, I) ou différencié (L) ou flexible (J). Comme vu plus haut, ces actions constituent en soi également un objectif du coenseigne-ment. Ainsi, plus qu’une simple action conjointe coplanifiée et délibérée, le coensei-gnement impliquerait également un changement pédagogique et une différenciation des pratiques de coenseignement par rapport aux pratiques d’un seul enseignant (ex. :