• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : La Protéine Précurseur du Peptide Amyloïde

II. Les fonctions de l’APP

L’APP, dans sa forme entière et mature, s’est vu attribuée de nombreuses fonctions depuis sa découverte mais il n’existe pas encore de consensus exact pour décrire toutes ses fonctions. Cela s’explique, en partie, parce que les recherches ont porté majoritairement sur les propriétés amyloïdogéniques et la toxicité des peptides Ab, avec une attention moindre portée aux aspects physiologiques de l’APP et de ses métabolites. Nous allons ainsi présenter ci-dessous les principales fonctions qui sont attribuées à la forme totale de l’APP (Full-length), une autre partie sera exclusivement dédiée à ses différents produits de clivage.

1. Maturation et trafic intracellulaire de l’APP

Une fois synthétisée, l’APP peut subir plusieurs modifications post-traductionnelles (MPT) telles que la N-glycosylation, la O-glycosylation, la phosphorylation (dont la plus étudiée est celle de la thréonine 668), la palmitoylation, l’ubiquitinylation, la sumoylation ou encore la sulfatation. Ces MPT sont très importantes pour l’APP puisqu’elles régulent son métabolisme en jouant sur son trafic intracellulaire, ses clivages et/ou sa dégradation (Vingtdeux et al., 2005; Feyt et al., 2007; X. Wang et

de Golgi (Golgi) avant de rejoindre la voie sécrétoire, que ces MPT ont lieu (Weidemann et al., 1989; Lyckman et al., 1998; X. Wang et al., 2017).

Figure 2 : Trafic intracellulaire de l’APP. L’APP (rectangle bleu) mature à travers la voie de sécrétion constitutive (1 - flèche verte). Une fraction de cette APP peut aussi rejoindre directement les endosomes ou les lysosomes (2 - flèche violette). Une fois que l'APP atteint la surface cellulaire, elle peut être rapidement internalisée et acheminée vers les endosomes de recyclage (3 - flèche turquoise). L’APP peut ainsi être recyclée vers la surface cellulaire (4 - flèche jaune) ou être dégradée par la voie endo-lysosomale (5 - flèche rouge). Inspirée de (Haass et al., 2012) et actualisée avec les données de la littérature.

Le long de la voie sécrétoire, l’APP est abondamment enrichie dans les membranes des compartiments intracellulaires (Müller, Deller and Korte, 2017). Une fois devenue mature, l’APP est transportée par la voie antérograde et adressée à la membrane plasmique (Koo et al., 1990; Groemer

et al., 2011; Laßek et al., 2013). A partir de la surface cellulaire, l’APP peut être clivée par des

sécrétases, que nous traiterons ultérieurement, ou être internalisée par la voie d’endocytose médiée par la clathrine pour rejoindre le système endosome-lysosome, notamment grâce à son motif YENPTY (T Yamazaki, Koo and Selkoe, 1996; Dawkins and Small, 2014). Une partie de l’APP produite peut aussi être adressée directement depuis le Golgi aux endosomes précoces grâce à Arl5b et AP-4 ou aux lysosomes via la protéine adaptatrice AP-3 (Tam, Seah and Pasternak, 2014; Toh et al., 2017). En

!"#$% &'()*%+%, -./"0+$1,)2%' 300$4')+5/' 6"+7) 8#1"1",' -./"1",' ($4/)9

:',;4$.'5

0+$1,)2%'

-./"1",' 04<*"*' =")'5 1<*4<(")4' -./"1",' /'54'*#*+$7'

>

?

@

A

B

effet, la majorité de l’APP passe via les endosomes pour rejoindre les lysosomes où elle finit par être dégradée (Haass et al., 1992; Swaminathan, Zhu and Plowey, 2016). Cependant, l’APP peut aussi être rapidement recyclée de nouveau vers la surface cellulaire et ne pas être dégradée (Tsuneo Yamazaki, Koo and Selkoe, 1996) (Figure 2).

Bien que l’APP soit localisée aussi bien dans les compartiments somatodendritiques que dans les axones des neurones (Kins et al., 2006), c’est à la surface cellulaire que l’APP, dans sa forme intégrale, a démontré ses principales fonctions.

2. Quelles fonctions pour l’APP ? 2.1. Un récepteur de surface cellulaire

De par sa structure, la littérature a d’abord suggéré que l’APP pouvait être un facteur de croissance cellulaire ou un récepteur de surface cellulaire, notamment par analogie de structure secondaire avec la protéine Notch (Selkoe and Kopan, 2003; Dawkins and Small, 2014). En effet, l’APP peut, de la même façon que certains récepteurs de surface tels que EGFR, former des homo-dimères, notamment grâce à son domaine KPI, ou des hétéro-dimères avec d’autres protéines de la même famille (Scheuermann et al., 2001; Ben Khalifa et al., 2012; Decock et al., 2015). D’ailleurs, il fut également montré que cette capacité de dimérisation permettait l’adhésion cellulaire (Soba et al., 2005; Zheng and Koo, 2006). Aujourd’hui, l’APP serait plutôt considérée comme une protéine « receptor-like » ou un récepteur libre (Deyts, Thinakaran and Parent, 2016). En effet, il ne semble pas encore y avoir de ligand défini pour le récepteur APP bien que de nombreuses protéines soient proposées pour interagir avec l'APP. Il est possible que l'ectodomaine de l’APP puisse servir de ligand à d’autres protéines de la famille APP ou des produits de clivage de l’APP lui-même cependant ces idées restent plutôt controversées à l’heure actuelle.

2.2. Rôle de l’APP dans l’adhésion cellulaire

A contrario, il y a de très nombreuses données confortant le rôle de l’APP dans l’adhésion cellulaire. La partie extracellulaire de l’APP a démontré de nombreuses interactions, via ses domaines E1 et E2, avec différents composants de la matrice extracellulaire (héparine, collagène de type I, laminine) et les protéoglycanes d’héparane sulfate, supportant un rôle dans l’adhésion de la cellule à la matrice, l’adhésion synaptique ou l’adhésion des cellules entre elles (Kibbey et al., 1993; Beher et

al., 1996; Small et al., 1999; Müller, Deller and Korte, 2017). Cette capacité d’interaction avec les

composants extracellulaires permet à l’APP d’avoir plusieurs fonctions au niveau des neurones et des synapses dès le début de la formation de l’organisme.

2.3. Rôles de l’APP au cours du développement

Chez l’embryon, les différentes isoformes de l’APP s’expriment dès les premiers stades de développement du système nerveux suggérant un rôle physiologique important de l’APP dans le développement cérébral, la neurogénèse et la synaptogénèse (Fisher, Gearhart and Oster-Granite, 1991). Des données rapportent que l’APP est impliquée dans la migration neuronale, la croissance neuritique et la survie neuronale durant cette période (Penke, Bogár and Fülöp, 2017). En effet, il a été proposé que l’APP pourrait faire le lien entre la matrice extracellulaire et les protéines motrices du cytosquelette pour permettre la migration cellulaire puisque l’APP est capable d’interagir avec des protéines de la matrice comme le collagène, la laminine ou encore la pancortine (Kant and Goldstein, 2015). D’ailleurs, il a été montré que la perte d’expression d’APP altérait la migration des précurseurs neuronaux dans le développement cortical d’embryons de rats (Young-Pearse et al., 2010).

Le rôle de l’APP dans le développement persiste après la naissance en intervenant dans la formation des contacts synaptiques et leur maintenance (Löffler and Huber, 1992). En effet, elle est exprimée au niveau des éléments pré- et post-synaptiques et son niveau d’expression augmente durant la période critique de synaptogénèse après la naissance. Dans les neurones, il existe d’ailleurs une quantité d’APP localisée au niveau post-synaptique suggérant un rôle synaptique de l’APP (Shigematsu, McGeer and McGeer, 1992).

2.4. Développement et mutants de l’APP

Bien que l’APP participe grandement au développement, cette protéine ne joue pas à elle seule un rôle essentiel dans ce processus puisque les modèles de souris APP-/- sont viables. L’absence de l’APP peut être compensée par d’autres protéines de la même famille, notamment APLP2, puisque la mort des souris peu après la naissance n’est induite que par la déficience simultanée des gènes APP et

APLP2 ou des trois gènes de la famille APP (Zheng et al., 1995; Kant and Goldstein, 2015). Le modèle APP-/- présente plusieurs troubles neurologiques pouvant être dus à des effets sur la synaptogénèse ou associés à des défauts au niveau des fonctions synaptiques appuyant le rôle de l’APP dans ces différentes fonctions (Dawkins and Small, 2014).

2.5. Importance de l’APP dans le système nerveux mature

L’APP possède diverses fonctions trophiques pour les neurones, notamment au niveau des synapses, qui perdurent dans le système nerveux mature central et périphérique après le développement. De façon consistante avec cela, la réduction ou la perte d’expression d’APP altère l’élongation neuritique et la viabilité neuronale in vitro et réduit l’activité synaptique in vivo (Allinquant et al., 1995; Hérard et al., 2006). A contrario, la surexpression de l’APP chez les souris sauvages augmente le nombre d’épines dendritiques et permet leur maintenance (Lee et al., 2010). Cette stimulation de la croissance neuritique par l’APP impliquerait d’ailleurs l’adhésion cellulaire (Dawkins and Small, 2014; Müller, Deller and Korte, 2017).

2.6. Implication de l’APP dans le système nerveux périphérique

Des études ont aussi montré d’une part l’importance de l’APP au niveau du système nerveux périphérique dans le développement et les fonctions des jonctions neuromusculaires (NMJ pour

Neuromuscular Junction) (Caldwell et al., 2013). En effet, les modèles de souris APP-/- montrent également des défauts moteurs et de force de grip causés par des altérations du relargage de neurotransmetteurs (Zheng et al., 1995; Müller, Deller and Korte, 2017). D’autre part, il a aussi été montré que la neurotransmission cholinergique était régulée par l’APP en association avec APLP2, affirmant le rôle de ces protéines dans la physiologie des synapses neuromusculaires (Wang et al., 2005). Bien que le phénotype synaptique soit visible avec une surexpression d’APLP au niveau des NMJ, la surexpression de l’APP n’a pas d’impact sur ces dernières (Zheng and Koo, 2006).

2.7. Rôles de l’APP dans les processus de mémorisation

Il a aussi été suggéré que l’APP pourrait être impliquée dans la plasticité synaptique et les capacités d’apprentissage et de mémoire. En effet, l’APP régule les taux d’expression de la sous-unité GluR2 du récepteur AMPAR, ayant un rôle dans la formation des épines dendritiques, et elle affecte également le flux de calcium synaptique en régulant la distribution des récepteurs N-Méthyl-D-Aspartate (NMDA) à la surface (Cousins et al., 2009; Lee et al., 2010). De plus, d’autres études ont montré que la forme entière de l’APP pouvait directement augmenter la potentialisation à long terme (LTP pour Long-Term Potentiation) et que l’APP était importante dans les processus de mémoire (Seabrook et al., 1999; Mileusnic et al., 2000; Puzzo et al., 2017).

L’étendue et la divergence des études concernant les fonctions physiologiques de l’APP suggèrent que l’APP serait aussi impliquée dans d’autres processus tels que la neuroprotection ou les traumatismes crâniens, permettant la réparation tissulaire (Plummer et al., 2016). Aujourd’hui, une certaine cohérence semble émerger et les scientifiques s’accordent sur les rôles de l’APP dans les mécanismes d’adhésion cellulaire, de croissance neuritiques et axonales et dans le support des diverses fonctions associées au développement et la maintenance des synapses.

Malgré ces diverses fonctions, il est suggéré par la littérature que seule une petite portion de l’APP mature est présente à la surface cellulaire. Il semblerait que moins de 10% de l’APP atteindrait la membrane plasmique alors que la majorité de l’APP serait localisée au niveau de l’appareil de Golgi et du réseau trans-Golgi (TGN pour Trans-Golgi Network) (Thinakaran and Koo, 2008; Choy, Cheng and Schekman, 2012). De plus, l’APP a une demi-vie relativement courte, environ 10 minutes à la surface cellulaire, puisque son turnover est assez rapide, entre 30 et 90 minutes (LeBlanc, Xue and Gambetti, 1996; T Yamazaki, Koo and Selkoe, 1996; Lyckman et al., 1998; Herreman et al., 2003). En effet, l’APP, si elle n’est pas directement dégradée, est rapidement clivée par diverses enzymes dénommées sécrétases. Avant d’être la protéine précurseur du peptide b-amyloïde (Ab), l’APP est aussi le précurseur d’autres métabolites issus de différents clivages qui ont fait l’objet de nombreuses études.