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5. La glycosylation des anticorps

5.1. Les fonctions biologiques des anticorps

L’utilisation d’anticorps thérapeutiques est fondée sur la capacité de ces derniers à cibler de façon spécifique une molécule associée à une pathologie. Dans certain cas, la partie Fab de l’anticorps se lie à un ligand de manière à bloquer un site présentant une fonction spécifique comme un site de liaison. Il peut s’agir par exemple de cytokine, de ligands solubles, de domaine de récepteur impliqué dans la liaison d’un ligand, ou d’un antigène spécifique exprimé à la surface de cellules cancéreuses. L’affinité de l’anticorps est alors un paramètre déterminant son efficacité. Dans certains cas ou l’antigène est présent à la surface des cellules, la liaison de l’anticorps à sa cible peut enclencher des effets cytolytiques grâce à leur domaine Fc. La partie Fc de l’anticorps est impliquée dans le recrutement d’effecteurs de la réponse immunitaire (Figure 15). Une fois l’épitope fixé à l’antigène, le Fc des anticorps peut se fixer aux récepteurs Fcγ récepteur IIIA des cellules natural killer (NK) et aux récepteurs Fcγ récepteur IIA des neutrophiles et entrainer la cytotoxicité à médiation cellulaire dépendante des anticorps (ADCC pour antibody-dependent cell-mediated cytotoxicity) ou la cytotoxicité dépendante de l’activation du complément (CDC pour complement dependent cytotoxicity). Les cellules natural killer et les neutrophiles libèrent des agents lytiques contre la cellule cible entrainant sa mort. La fixation du Fc au Fcγ récepteur IIA des macrophages entraine la phagocytose de la cellule cible, phénomène appelé phagocytose cellulaire dépendante des anticorps (ADCP pour

formation du complexe d’attaque membranaire qui conduit à la destruction de la membrane de la cellule cible.

Bien que le nombre d’anticorps thérapeutiques approuvés augmente constamment, leur mode d’action est mal caractérisé. Albanesi and Daëron (2012) ont compilé les travaux menés sur les réponses cellulaires spécifiques de plusieurs anticorps. Il semblerait que, dans la plupart des cas, les anticorps étudiés entraineraient l’ADCC mais que les types de Fcγ récepteurs impliqués ne sont pas toujours clairement identifiés (Tableau 1). La présence d’un patron de glycosylation spécifique sur l’anticorps est important puisque celui-ci influence la liaison du Fc au Fcγ récepteur ou au C1q pour le déclenchement des fonctions effectrices de l’anticorps. Les oligosaccharides participent également au maintien de la structure quaternaire, à la solubilité, à la clairance et à la stabilité des anticorps. Les différentes classes d’anticorps (IgG, IgM, IgA, IgE et IgD) présentent des sites de glycosylation variables au niveau du Fc et du Fab. Étant donné que les IgG sont les anticorps présents en circulation dans le sang humain et que les anticorps thérapeutiques sont majoritairement des IgG, seule la glycosylation de cette classe d’anticorps sera traitée ici.

Les IgG présentent un seul site conservé de N-glycosylation (Asn-X-Serine/Thréonine) au niveau de l’asparagine 297 dans chaque domaine CH2. La structure la plus commune des

fucose, de N-acétylglucosamine (GlcNAc), de mannose, de galactose et d’acide sialique (Figure 16).

Tableau 1 : Mode d’action des anticorps thérapeutiques (Albanesi and Daëron, 2012)

Produits Cibles Indications Effets dépendant du Fab Effet dépendant du Fc Récepteurs impliqués Rituximab

(Rituxan) CD20 Lymphome non Hodgkinien ↑ apoptose CDC, ADCC FcγRIIIA Ofantumumab

(Arzerra) CD20

Leucémie lymphoide

chronique ↑ apoptose CDC, ADCC

Trastuzumab

(Herceptin) HER2 Cancer du sein métastasique

↓ prolifération

cellulaire ADCC FcγRIIIA

Alemtuzumab

(Campath) CD52

Leucémie lymphocytique

chronique ↑ apoptose ADCC

Daclizumab

(Zenapax) CD25 Rejet de greffe rénale

↓ activation des

cellules T ADCC Cetuximab

(Erbitux) EGFR

Cancer colorectal

métastasique, Lymphome non Hodgkinien

↑ apoptose ADCC FcγRIIIA

Infliximab

(Remsima) TNFα Arthrite, maladie de crohn ↓ TNFα Bevacizumab

(Avastin) VEGF

Cancer colorectal

métastasique, glioblastone, carcinome rénal métastasique

↓ VEGF

La glycosylation est dépendante de nombreux facteurs. Dans le cadre de la production d’anticorps thérapeutiques, la glycosylation est sujette à variation en fonction des cellules hôtes utilisées et des paramètres de culture (Anumula, 2012). La plupart des anticorps thérapeutiques sont produits dans les cellules CHO, NS0 et Sp2/0. Bien que ces cellules soient capables de synthétiser les patrons de glycosylation présenté figure 16, la proportion des anticorps mono- galactosylés (G1) et di-galactosylés (G2) est relativement réduite et elles ne sont pas capables d’ajouter le GlcNAc bisectant (bGlcNAc). Contrairement aux cellules humaines, les cellules NS0 et Sp2/0 sont capables d’ajouter un résidu α-1,3 galactose au niveau du galactose β- 1,4GlcNAc, ce qui peut être potentiellement immunogènes pour l’homme.

De nombreuses recherches ont tenté d’élucider l’impact de chaque oligosaccharide sur les fonctions effectrices des anticorps thérapeutiques. Ainsi, il a été montré qu’une dé-

que lorsque les anticorps thérapeutiques sont dé-fucolysés, la liaison au Fcγ récepteur IIIA et l’ADCC sont améliorées et ceci sans altérer la liaison anticorps-antigène. Plus précisément, une corrélation a été mise en évidence entre le pourcentage d’anticorps non-fucosylés, l’ADCC et l’affinité pour le Fcγ récepteur IIIA (Chung et al., 2012). De plus il semblerait qu’une concentration plus faible d’antigène soit requise pour déclencher l’ADCC lorsque l’anticorps est non-fucosylé (Chung et al., 2012; Houde et al., 2010; Niwa et al., 2005; Shields et al., 2002; Yamane-Ohnuki et al., 2004).

Figure 16: Distribution des principales glycoformes présentes sur le Fc d'IgG circulant chez l’Homme (Anumula, 2012).

L’impact du galactose sur les fonctions effectrices des anticorps est controversé. Certaines études montrent que la suppression des résidus de galactose a un effet uniquement sur le CDC (Boyd et al., 1995; Hodoniczky et al., 2005; Shinkawa et al., 2003). D’autres études montrent au contraire qu’une augmentation de la galactosylation améliore la liaison au Fcγ récepteur IIIA et l’ADCC (Houde et al., 2010; Thomann et al., 2015). Par contre, ces études s’accordent sur le fait que l’effet d’une dé-fucosylation est bien plus grand que l’effet d’une

a été rapporté qu’une hyper-sialylation n’aurait pas d’effet ou serait néfaste pour l’ADCC (Scallon et al., 2007; Thomann et al., 2015). Certaines études laissent à penser que la présence d’acide sialique aurait des propriétés anti-inflammatoires (Kaneko et al., 2006; Nimmerjahn and Ravetch, 2007).