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Fonctionnement de la jonction neuromusculaire

B. Maturation, stabilisation et fonctionnement de la jonction neuromusculaire

2. Fonctionnement de la jonction neuromusculaire

Chez les vertébrés, il n’y a pas de contact « physique » entre les domaines pré- et post- synaptiques. La transmission synaptique passe donc par un messager chimique, l’acétylcholine qui est libérée dans la fente synaptique. La neurotransmission implique à la fois un mécanisme régulant la libération d’acétylcholine au niveau pré-synaptique à partir d’un potentiel d’action neuronal et un mécanisme de génération du potentiel d’action musculaire au niveau post-synaptique résultant de l’activation des RnACh et des canaux sodiques voltage-dépendants de la fibre musculaire.

a. Genèse du potentiel d’action neuronal

En situation physiologique de repos, il existe une différence de potentiel négative de l'ordre de -60 mV à -90 mV entre la face intracellulaire de la membrane plasmique d’un motoneurone et sa face extracellulaire. Cette différence de potentiel appelée potentiel de repos résulte d'une différence de concentration en ions, l'intérieur de la cellule étant riche en ions potassium et l'extérieur riche en ions sodium. La membrane plasmique possède une certaine perméabilité aux ions qui diffusent passivement selon leur gradient à travers des canaux ioniques présents dans la membrane, ces courants ayant tendance à dissiper la différence de potentiel entre les compartiments intracellulaires et extracellulaires. Afin de maintenir constant le potentiel de repos, la cellule met alors en place des courants ioniques actifs transmembranaires, notamment par l’intermédiaire de la pompe sodium-potassium ATPasique. La genèse du potentiel d'action a lieu au niveau du cône d’émergence de l’axone se situant à la base du corps cellulaire du motoneurone qui fait la sommation des potentiels provenant des synapses situées le long des dendrites et sur le corps cellulaire. Si la somme des potentiels ne dépasse pas le seuil d’excitabilité du motoneurone, à savoir -55 mV environ, le message électrique n’est pas relayé par l’axone. Par contre, si ce seuil est atteint, il y a création d’un potentiel d’action neuronal qui obéit ainsi à la loi du « tout ou rien ». Le potentiel d’action est caractérisé par une modification instantanée et localisée de la perméabilité de la membrane du motoneurone. Tout d’abord, des ions sodium pénètrent dans la cellule en passant par des canaux sodiques. Le potentiel de membrane devient alors positif, environ +35 mV, correspondant à la dépolarisation. Puis, très rapidement des ions potassium sortent de la cellule en passant par des canaux potassiques. Le potentiel de membrane décroît, créant une repolarisation de la membrane puis son hyperpolarisation lorsque la valeur devient plus basse que la valeur du potentiel de repos (Figure 13A). Une période réfractaire absolue est ainsi créée, empêchant la formation d’un nouveau potentiel d’action au même endroit que le précédent. Puis vient la période réfractaire relative au cours de laquelle la polarisation de la membrane diminue avant de revenir à la normale grâce à l'action de la pompe sodium- potassium ATPasique qui fait ressortir le sodium et rentrer le potassium, la membrane retrouvant son potentiel de repos. Si pendant cette période, le potentiel du corps cellulaire reste supérieur au seuil d’excitabilité du motoneurone ou le redevient par action des synapses, un nouveau potentiel d’action est créé, et ce jusqu’à ce que le seuil d’excitabilité ne soit plus dépassé. La variation de potentiel de membrane locale et transitoire créée ne dure que quelques millisecondes et se propage de proche en proche le long de l'axone du motoneurone

ou d'un nœud de Ranvier à l'autre permettant une conduction saltatoire beaucoup plus rapide (Rigoard et al., 2009b).

b. Libération de l’acétylcholine

Le potentiel d’action généré au niveau du neurone se propage le long de l’axone jusqu’aux terminaisons nerveuses motrices. L’arrivée du potentiel d’action dans la terminaison axonale va provoquer l’ouverture des canaux calciques voltage-dépendants présents en grande quantité dans cette extrémité du motoneurone. Le calcium extracellulaire entre alors massivement dans la terminaison nerveuse, provoquant la migration vers la membrane pré-synaptique des vésicules synaptiques remplies de neurotransmetteur : l’acétylcholine. Cette migration est rendue possible par la présence de synapsines à la surface des vésicules. Ces calmodulines calcium-dépendantes ancrent les vésicules sur le cytosquelette via la spectrine et les conduisent au contact de la membrane pré-synaptique. Les vésicules vont ensuite fusionner avec la membrane plasmique au niveau des zones actives, libérant l’acétylcholine dans la fente synaptique. Cette exocytose est assurée par un complexe appelé SNARE composé de trois protéines : les protéines VAMP ou synaptobrevines qui sont ancrées dans la membrane des vésicules synaptiques, la syntaxine qui est ancrée à la membrane plasmique de la terminaison nerveuse par SNAP25 qui est elle insérée dans cette même membrane. La brusque entrée de calcium et sa fixation sur la synaptotagmine entraînent la libération de la syntaxine permettant ainsi la fusion des VAMP avec les syntaxines et SNAP25, ce qui arrime les vésicules à la membrane plasmique (Figure 13B). La modification tridimensionnelle de ce complexe ternaire conduit à la fusion des bicouches lipidiques de la vésicule et de la membrane pré-synaptique et à la libération du neurotransmetteur dans la fente synaptique. Les paquets d’acétylcholine contenus dans les vésicules libérés suite à la fusion des membranes sont appelés quantum, un quanta correspondant à environ 10 000 molécules d’acétylcholine. Une fois dans la fente synaptique, l’acétylcholine va atteindre la membrane post-synaptique par simple diffusion. L’acétylcholine des vésicules synaptiques peut également être libérée indépendamment de l’arrivée d’un potentiel d’action, soit par fuite moléculaire, soit par la libération spontanée d’un quanta dépendant de la quantité de calcium intracellulaire (Galli and Haucke, 2001; Sudhof, 2004).

D’autre part, il est maintenant établi que les cellules de Schwann terminales modulent la libération des neurotransmetteurs au niveau de la plaque motrice. Pour cela, elles possèdent

des récepteurs sensibles à l’acétylcholine libérée par le motoneurone, les récepteurs muscariniques. L’activation de ces récepteurs gliaux déclenche une machinerie intra-cellulaire complexe aboutissant à l’augmentation du calcium intracellulaire et conduisant à la sécrétion d’une molécule qui traverse la membrane du motoneurone pour moduler la libération d’acétylcholine (Rochon et al., 2001). Trois mécanismes peuvent ensuite arrêter l’exocytose : l’ouverture de canaux potassiques ramenant le potentiel de membrane à un potentiel de repos inhibant ainsi les canaux voltage-dépendants tels que les canaux calciques, la diminution du calcium dans la terminaison nerveuse suite à son captage par les pompes calciques du réticulum et des mitochondries et enfin, l’épuisement des vésicules synaptiques.

c. Activation des récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine de la membrane post-synaptique

Suite à leur diffusion dans la fente synaptique, les molécules d’acétylcholine vont se fixer sur leurs récepteurs nicotiniques post-synaptiques. Deux acétylcholines se fixent à l'interface entre les sous-unités  et  du RnACh grâce à la présence de deux cystéines adjacentes, provoquant le changement de conformation du pentamère et ainsi l’ouverture du canal cationique. L’entrée de sodium et la sortie de potassium qui en résulte entraînent une dépolarisation locale du sarcolemme conduisant à un potentiel de plaque motrice miniature (ppmm) s’il s’agit de la libération d’un quanta d’acétylcholine ou d’un potentiel de plaque motrice (ppm) s’il s’agit de la libération de plusieurs quantum. Les ppmm ne suffisent pas à déclencher la contraction, par contre, lorsque le potentiel de plaque motrice est suffisant, il permet l’ouverture des canaux sodiques voltage-dépendants provoquant des mouvements d’ions plus importants dont l’entrée de sodium massive induisant un potentiel d’action musculaire qui se propage de proche en proche le long du sarcolemme et des tubules T. La dépolarisation membranaire des tubules T provoque le changement de conformation des récepteurs dihydropyridine de la membrane du tubule T et entraîne l’ouverture des récepteurs à la ryanodine responsables de la libération massive du calcium stocké dans le réticulum sarcoplasmique dans l’espace intracellulaire de la fibre musculaire (Figure 13C). La contraction se produit ensuite comme cela a été décrit précédemment dans la partie IA3 de l’introduction.

Figure 13. Fonctionnement de la jonction neuromusculaire

A. Le potentiel d’action neuronal est caractérisé par un potentiel de repos lorsque le potassium est accumulé à l’intérieur de la cellule et le sodium à l’extérieur (a). L’entrée soudaine de sodium provoque une dépolarisation de la membrane (b), puis la sortie de potassium entraîne la repolarisation de la membrane (c) suivie de son hyperpolarisation, avant un retour au potentiel de repos (d). Le potentiel d’action est transmis le long de l’axone jusqu’à sa cible.

B. La fusion des vésicules synaptiques au niveau des zones actives de la membrane pré-synaptique nécessite le placement des protéines de la membrane de la vésicule (v-SNARE) en face de leurs partenaires t-SNARE de la membrane plasmique pour former un complexe. La synaptotagmine, activée par le calcium, accélère le rapprochement de la vésicule synaptique à la membrane plasmique aboutissant à la fusion des bicouches lipidiques et à la libération du neurotransmetteur.

C. L’activation des RnACh par l’acétylcholine entraîne des échanges d’ions aboutissant à l’ouverture des canaux sodiques voltage-dépendants. L’entrée massive de sodium provoque la formation d’un potentiel d’action musculaire qui se propage jusqu’aux tubules T. Le changement de conformation des récepteurs dihydropyridine (RDh) entraîne l’ouverture des récepteurs de la ryanodine (RRy) et la libération massive du calcium du réticulum sarcoplasmique (RS) vers l’intérieur de la cellule musculaire aboutissant à la contraction. P, Pompe (D’après Rigoard et al., 2009).

d. Fin de la transmission synaptique : dégradation de l’acétylcholine

La transmission synaptique se termine lorsque le neurotransmetteur est dégradé, le RnACh étant inactivé. Ce processus dépend de la présence de l’acétylcholinestérase (AChE) ancrée dans la lame basale par un collagène spécifique appelé ColQ. Cette enzyme est une sérine hydrolase qui hydrolyse l’acétylcholine en quelques millisecondes, ce qui est très rapide comparé à l’efficacité d’une autre cholinestérase, la butyrylcholinestérase. L’acétylcholine est hydrolysée en choline et acétate, la choline étant recyclée, c'est-à-dire recapturée par la terminaison nerveuse alors que l’acétate est éliminé par la circulation sanguine. Les cellules de Schwann peuvent également participer à l’élimination du neurotransmetteur présent dans la fente synaptique. Ceci est indispensable pour que la transmission synaptique ait lieu normalement, tout excès de neurotransmetteur dans l’espace synaptique étant délétère pour la synapse, tant d’un point de vue fonctionnel que structural. Ces cellules gliales participent donc activement au « nettoyage » de la fente synaptique, en concert avec les processus de dégradation enzymatique extracellulaire et de recapture de la choline par la terminaison nerveuse (Legay, 2000).

Des vésicules synaptiques se reforment par endocytose de la membrane pré-synaptique puis ces vésicules sont remplies de nouvelles molécules d’acétylcholine grâce à un transporteur vésiculaire d’acétylcholine contre un gradient de protons. La synthèse de l’acétylcholine se produit grâce à la choline acétyltransférase. Cette enzyme est synthétisée dans le corps cellulaire du motoneurone et suit le transport antérograde rapide jusqu’au bout de l'axone, lieu de synthèse du neurotransmetteur à partir de choline et d’acétylCoenzyme A provenant du métabolisme du glucose dans les mitochondries. La choline a une origine alimentaire et est captée dans le milieu extracellulaire par un transporteur actif utilisant les ions sodium ou recaptée de la fente synaptique (Naguib et al., 2002).