• Aucun résultat trouvé

Fonctionnalisation des supports oxides par des acides phosphoniques

Chapitre I: Introduction bibliographique

IV. Fonctionnalisation des supports oxides par des acides phosphoniques

L’élaboration de matériaux hybrides « inorganique-organique » permet de combiner les propriétés intrinsèques du support (oxyde métallique) à celle du greffon organique et donc l’accès à des propriétés physico-chimiques originales et contrôlées (par exemple balance hydrophobe/hydrophile, souplesse/rigidité, stabilités thermique/mécanique, réactivité acide/basique et redox).

Judeinstein et Sanchez [107] ont proposé la distinction entre deux classes de matériaux hybrides, cette classification est basée sur la nature de l’interaction entre la partie organique et la partie inorganique. Dans la classe I, les composantes organiques et minérales n’échangent que des interactions faibles telles que des forces de Van der Waals, des liaisons d’hydrogène ou des liaisons électrostatiques. La classe II englobe les systèmes dans lesquels les deux composantes sont liées par des liaisons chimiques fortes (covalentes). Les matériaux hybrides de classe II peuvent être obtenus soit directement par la voie sol-gel, soit par post-fonctionnalisation.

Figure 7: Représentation des matériaux hybrides de la classe II :

(a) : procédé sol-gel (b): Post-fonctionnalisation

Les technologies récentes imposent une méthode de greffage des surfaces par des molécules fonctionnelles spécifiques pour chaque domaine d’application; avec un contrôle de la densité, de l’homogénéité et de l’orientation de la composante organique en surface. La liaison entre la molécule organique et la surface nécessite la présence d’un site d’ancrage compatible avec la nature chimique du substrat à modifier. Parmi les réactifs utilisés, citons ceux à base de silice [RSi(OR)3, RSiH3 ou RSiCl3] pour la modification de la silice et du verre[108], et les molécules thiolées dans le cas de l’or. [109-111]

47

Lors de la modification de surface de matériaux oxydes par des composés de type organotrialkoxysilanes ou organotrichlorosilanes, l'équilibre entre hétéro- (M-O-Si) et homo-condensation (Si-O-Si) dépend de la nature du support et de la quantité d'eau présente. En effet si l’eau est nécessaire à la formation d’une mono-couche de surface,[112-115] l’homo-condensation augmente avec la quantité d’eau présente et donc le risque de former des multicouches par polymérisation des molécules organosiliciées multifonctionnelles.[116] En conséquence, la qualité de la fonctionnalisation de surface par des composés de type organotrialkoxysilanes ou organotrichlorosilanes est très sensible au taux d’hydratation du solvant ou de la surface de l'oxyde.

Les dérivés à base de phosphore sont beaucoup moins sensibles à la substitution nucléophile que les dérivés à base de silicium, ce qui a deux conséquences importantes: une stabilité cinétique des liaisons P-O-C vis-à-vis de l’hydrolyse et des réactions d’homo-condensation, pour former des liaisons P-O-P à partir de groupements P-O-H, qui nécessitent des températures élevées sous conditions anhydres. [117] Ainsi, les acides et les esters (plus solubles) organophosphorés de type phosphoriques RxPO4H3-x, phosphoniques RPO3H2 et phosphiniques R2PO2H, présentent l’avantage de ne pas donner de réactions d’homo-condensation dans les conditions du procédé sol-gel tandis que les réactions d’hétéro-condensation et la formation de liaisons M-O-P sont favorisées cinétiquement, via la protonation des groupements alcoxys partants par la fonction acide P-O-H. Ils permettent ainsi de modifier proprement une surface dans l’eau pure ce qui est impossible avec les composés organosilylés.

Il existe donc une littérature abondante rapportant l’utilisation de ces molécules organophosphorés pour la modification de surface d’oxydes métalliques massifs, en couche minces ou nano-structurés. Très récemment, Bujoli et al. [118] ont publié une revue très exhaustive des travaux sur ce domaine et nous ne détaillerons donc pas cet aspect de la littérature dans ce manuscrit. Il est un fait reconnu que les molécules organophosphorés permettent un contrôle de la fonctionnalisation de surfaces d’oxydes métalliques résultant de la non-compétition entre hétéro- et homo-condensation mais également que cet ancrage est fort de part la potentialité qu’ont ces molécules à former jusqu’à 3 liaisons M-O-P, en particulier pour les acides/esters phosphoniques.

L’acide phosphonique contient un atome de phosphore tétracoordonné qui est lié à deux groupes hydroxyles et un atome d'oxygène doublement lié. La présence de trois atomes d'oxygène permet

Chapitre I : Introduction bibliographique

48

d’avoir une (des) liaison(s) covalente(s) de l'acide phosphonique à la surface de l’oxyde en soit un mode monodenté, bidenté, ou tridenté. La chimisorption via des interactions électrostatiques et/ou des liaisons hydrogènes peuvent également se produire. En outre, les liaisons peuvent être sous forme soit de ponts (chaque oxygène de l’acide se lie à un atome métallique de surface) ou chélatants (deux ou trois atomes d'oxygène de l’acide se lient à un même atome métallique). Toutes ces possibilités conduisent à une grande variété de configurations possibles de liaison

(figures 8).

Figure 8: Différents modes de liaisons possibles d’un acide phosphonique en surface d’un oxyde métallique

Plusieurs études ont montré que les acides phosphoniques se lient plus fortement en surface du TiO2 que les acides carboxyliques ; les valeurs rapportées de la constante de formation d'adduits de surface Kad et qui représentent dans ce cas la force de fixation des acides phosphoniques en surface du TiO2 sont de 1 à 2 fois supérieures à celles des acides carboxyliques analogues. Ainsi, dans des conditions de synthèse identiques, les adduits formés par fonctionnalisation de la surface par les acides phosphoniques sont plus nombreux que ceux formés par fonctionnalisation par les acides carboxyliques correspondants. Reven et al. [119] ont montré que les molécules

bi-49

fonctionnelles HO2C(CH2)nPO3H2 (n=2, 3, 11 et 15) sont essentiellement greffées par la fonction PO3H2 sur des surfaces de TiO2 et ZrO2. En outre, des valeurs élevées Kad sont souvent corrélées avec de faibles constantes de désorption, ce qui explique et conduit à une persistance plus importante des acides phosphoniques sur des surfaces d'oxydes métalliques dans les solvants protiques.

Dans le cas d’un procédé par post-fonctionnalisation, la liaison entre l’acide phosphonique et la surface du TiO2 résulte de la formation des liaisons Ti-O-P grâce à une condensation des groupements P-O-H avec les hydroxyles de surface et/ou la coordination de ces groupements phosphoniques avec les sites acide de Lewis en surface. Pour la modification via le procédé sol-gel, par préfonctionnalisation, le précurseur alcoxyde à base de titane, et plus particulièrement Ti(OiPr)4, est modifié par réaction avec l’acide phosphonique dans un solvant organique anhydre, des liaisons M-O-P sont formés par la réaction de métathèse. Une étape d’hydrolyse ultérieure dans l’eau conduit aux liaisons M-O-M pour former le réseau de TiO2 à partir des alcoxydes modifiés dans la solution, aboutissant ainsi à des matériaux d’oxyde de titane fonctionnalisés par des groupements organo-phosphoniques en surface. Les composés organophosphorés utilisés comme molécules de couplage ont donc montré une grande importance pour la modification des surfaces de TiO2, et présentent une alternative très prometteuse pour remplacer les organosilanes, les acides carboxyliques et les organotitanates.

Il existe néanmoins des difficultés lors de l’utilisation de ces molécules qui sont (i) la tendance à la cristallisation des phosphonates et des phosphates métalliques par extraction (dissolution) du métal et (ii) la caractérisation du mode de coordination de surface qui constitue un vrai challenge pour les « spectroscopistes ». En effet si la première difficulté peut être corrigée par une adaptation des conditions opératoires (concentrations des réactifs, température, …), la deuxième fait appel à l’utilisation de données croisées entre différentes méthodes de caractérisation de surface que sont :

- XPS : Evolution des énergies de liaison des signaux O1s et P2p - TOF SIMS : Présence des fragments MOPO2-, MOPO3-, MO2PO3-

- RMN solide : Mesure des déplacements chimiques lors d’expériences 31

P et 17O MAS voire 1H MAS pour les fonctions P-OH restantes

Chapitre I : Introduction bibliographique

50

- DRIFT : Evolution des bandes d’absorption dans la région de la liaison P-O entre 1300 et 800 cm-1

- Des mesures d’angle de contact, d’AFM ou de spectroscopie UV-visible pour estimer le taux de recouvrement qui dépend du mode de coordination

La plupart de ces études ont été faites sur des substrats métalliques ou oxydes modèles plans et les résultats sont souvent difficilement transposables au cas des nanoparticules. Les travaux réalisés par les équipes de L. Reven et al. (au Canada) et H. Mutin et al. (en France) ont montré que les modes de coordination bidentate (c) et tridentate (e) étaient les plus courants sur des surfaces de TiO2, ZrO2 ou Al2O3.

51

Documents relatifs