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CHAPITRE 3- LES PRATIQUES CULTURELLES AU GRÉ DES FONCTIONS

3.8 La fonction récréation

Le divertissement artistique, sportif et ludique s’inscrit au sein des pratiques culturelles des Limoulois grâce aux structures de récréation auxquelles nous nous sommes précédemment référées. Administrée par la Ville, les associations ou les commerçants, la fonction récréation appartient à la

133 trame quotidienne ou événementielle. Classée ci-dessous en événements et en pratiques sportives, la description des activités réalisées par nos participants soulignera de surcroît les lieux appréciés du Vieux-Limoilou. Notons que les pratiques récréatives abordées précédemment dans le cadre des autres fonctions ne feront pas l’objet d’une seconde description176. Mentionnons brièvement que les

centres communautaires représentent les pôles importants de cette fonction en offrant une gamme d’activités et de cours variés auxquels plus de la moitié des informateurs ont déjà pris part.

Les événements

La profusion d’événements, surtout lors de la saison estivale, accorde au Vieux-Limoilou un caractère dynamique : « Le monde ici sont festifs. » (P-T.). D’ailleurs, cette programmation ne prend place dans le quartier que récemment. À vrai dire, ayant perdu leur rôle référentiel, les paroisses n’assuraient plus l’organisation de fêtes d’ampleur. Dès lors, la fonction récréative subit une période transitoire où les événements sont tributaires de la Ville. Puis, le délaissement graduel d’activités dans le Vieux-Limoilou, telle la parade du Carnaval de Québec, occasionne une perte de vitalité. En effet, en abandonnant le trajet du défilé de la basse ville, qui traversait originellement la 3e avenue

puis la 1ère avenue afin d’aboutir sur le boulevard Charest, les Limoulois ressentent un manque. Lise

témoigne de l’énergie régnant auparavant dans le quartier au moment du défilé de la basse ville : « Le Carnaval là, je vais te dire un affaire, quand on avait le Carnaval ici, la parade sur la 3e avenue

pis la parade sur la 1ère avenue c’était l’fun en bibitte. » (L.). Quant à François, il manifeste de la

rancune quant à ce changement : « Ça, ça fait partie de mes frustrations un peu, parce que tu dis quand le Carnaval a pris la décision de concentrer ça à Charlesbourg sous prétexte que bon que le monde était là. Tu dis ben le vrai monde est ici-là. Pis la masse est ici. » (F.G.). Les événements d’envergure organisés à l’extérieur du quartier attirent donc les Limoulois. À proximité du quartier, le site du Colisée a constitué une attraction prisée par les résidents du Vieux-Limoilou, et ce, jusqu’à nos jours. Par l’Expo-Québec, les matchs d’hockey, le tournoi international de Pee-Wee de Québec et les spectacles variés, le site du Colisée génère une programmation événementielle attrayante qui provoque une circulation considérable. Cet achalandage profite d’ailleurs aux propriétaires à proximité qui louent leur stationnement. L’Expo-Québec représente un événement mémorable pour les participants marquant la fin de la saison estivale. Pour certains Limoulois passant l’été au chalet

176 Il s’agit des promenades et des jeux au sein des ruelles et des rues, des activités des groupes du Centre Communautaire Jean-Guy

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ou en campagne, l’Expo-Québec ponctue le retour au sein du quartier et du voisinage. André M. se souvient de l’ampleur de cet événement : « Tout le monde allait à l’Expo. Dans Limoilou c’était LA, une des grosses activités de l’été pour la majorité des gens. Ça coûtait pas si cher que ça pis les enfants voulaient tous aller là pour les jeux. D’autres y allaient pour les meubles pis les expositions. » (A.M.). La fréquentation de certains persiste malgré l’évolution de leur famille qui change le caractère de leur participation. Aujourd’hui retraités, Monique et son mari y vont « toujours faire un petit tour » (M.B.) afin de visiter les kiosques d’exposition, dont celui du Cercle de Fermières auquel appartient Monique. Quant à la saison hivernale, le tournoi des Pee-Wee engendrait la surexcitation des jeunes qui y passait la journée. « Ça c’était la grosse affaire l’hiver. » (A.M.). Depuis l’édification du Colisée en 1949, l’émergence de pavillons enrichit la vocation événementielle du site. Cette attraction sera d’autant plus complétée avec le nouvel amphithéâtre qui attire déjà plusieurs Limoulois curieux d’observer sa construction. En effet, Claude C. profite de ses promenades pour visiter le chantier de l’amphithéâtre. Néanmoins, cette nouveauté provoque une remise en question quant à l’avenir du Colisée, bâtiment regorgeant de souvenirs et d’événements marquants pour l’histoire sportive et sociale de Limoilou et de la Ville de Québec. Entre démolition et réutilisation, le sort du Colisée reste à déterminer177.

Conscientes du manque d’événements rassembleurs organisés au sein des limites du Vieux- Limoilou pour ses résidents, des associations se créent afin de prendre en charge cette fonction urbaine. Les informateurs adhèrent avec enthousiasme aux réalisations de ces dernières qui s’inscrivent désormais dans le cycle annuel de leurs pratiques au sein du quartier.

Le Grand Bazar

Précédant la période des déménagements, le Grand Bazar représente l’occasion de se départir d’objets à la suite du grand ménage du printemps. Pour ce faire, les Limoulois s’installent dans les ruelles afin de vendre ou échanger leurs objets dans une atmosphère conviviale agrémentée d’animations et d’activités spéciales. Ainsi, les Limoulois déambulent à travers les ruelles à la découverte de trouvailles, prétextes à rencontrer les gens et à socialiser. Le caractère novateur et rassembleur de l’événement contribue à son succès. Pour Pierre-André et Stéphanie, le Gand Bazar « est un incontournable » (P-A.C. et S.C.). Cet événement s’inscrivant dans le cadre de la fête

177 Stéphanie Martin. «Avenir du Colisée : les experts se prononcent», Le Soleil, 14 avril 2014, [En ligne]. http://www.lapresse.ca/le- soleil/sports/actualites-sportives/201404/13/01-4757230-avenir-du-colisee-des-experts-se-prononcent.php (Page consultée le 14 avril 2014).

135 nationale des voisins, implique la mobilisation de plusieurs associations dont le conseil de quartier, Limoilou en Vrac, la SDC 3e avenue, la Ville, l’École de cirque et la Fête des voisins. Grâce à la

réunion de ces forces actives, le Grand Bazar souligne, depuis 2008, « la richesse collective du quartier et présente des retombées durables par les liens qu’il favorise entre les divers acteurs du milieu, dont les citoyens! »178. En se tenant dans les ruelles qui sont elles-mêmes une des

particularités du quartier, le Grand Bazar, par son authenticité, apporte une certaine originalité au Vieux-Limoilou. « C’est intéressant. Comme ça tu pourrais pas faire ça à Ste-Foy. » (P-T.). La tranquillité des ruelles, investies par les kiosques, les piétons et les musiciens, est alors bouleversée par les festivités. L’événement occasionne également la découverte de ruelles dont les participants n’avaient jamais soupçonné l’existence. La tenue du Grand Bazar atténue les craintes de ceux qui se méfiaient des ruelles en démystifiant le lieu et en encourageant son appropriation.

Limoilou en musique

Conçu en 2010 par les Productions Limoilou en vrac, Limoilou en musique vise humblement à animer la vie du quartier. Ayant lieu tout de suite après les festivités de la Fête nationale, l’événement musical s’étend sur trois jours au cours desquels la 3e avenue, fermée pour l’occasion,

est prise d’assaut par les spectacles, le marché d’artisanat, les compétitions de skate avec la Boutique du Skate et les animations pour enfants avec 1, 2, 3 Go! Limoilou. Plusieurs scènes s’éparpillent sur l’artère. D’abord, la scène principale, installée au coin de la 3e avenue et de la 6e rue

attire la foule. Puis, certains balcons font office de scène afin de diffuser les spectacles. Cette nouvelle utilisation des balcons inverse les rôles habituels entre le Limoulois sur son balcon – habituellement l’observateur – et les passants – plus souvent les observés. Ainsi, les spectateurs piétons s’arrêtent pour contempler les musiciens installés au balcon, ce qui leur fait admirer ces scènes improvisées comme une caractéristique architecturale des résidences du quartier179.

L’International de pétanque du Vieux-Limoilou

L’instigateur de cette activité, dont le concept s’inspire du Vieux-Hull à Gatineau, a vu dans son quartier d’accueil une atmosphère propice pour tenir une édition Vieux-Limoilou. « De par sa

178 Grand Bazar des ruelles. «Le Vieux-Limoilou en fête», Monlimoilou.com, [En ligne]. http://www.monlimoilou.com/activites- evenements/evenements/grandbazar/ (Page consultée mai 2014).

179 Viviane Asselin. «Balconville, Balconville tu peux ben dormir tranquille», Monlimoilou.com, 25 juin 2012, [En ligne]. http://blogue.monlimoilou.com/2012/limoilou-en-musique-balconville-2012/ (Page consultée le 20 mai 2014).

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convivialité, sa mixité et sa diversité, l’International de pétanque du Vieux-Limoilou (IPVL) est l’événement par excellence pour incarner l’esprit du quartier Limoilou et son dynamisme »180. Les

Productions Limoilou en vrac prennent en charge la concrétisation de cet événement estival qui, depuis 2009, croît en popularité. Organisé au parc Cartier-Brébeuf, l’IPVL attire des participants de tous âges. Néanmoins, Pierre-André remarque une participation accrue de jeunes adultes, dont plusieurs équipes en profitent pour exhiber leur moustache ou se costumer, ce qui collabore aux festivités et rend l’événement des plus attrayants pour les familles et les spectateurs.

Ces trois événements ne doivent point être considérés comme les seuls organisés dans le Vieux- Limoilou181. Ceux-ci attirent notre attention puisqu’ils ont suscité plusieurs témoignages de la part des

participants. En bref, la proximité avec les domiciles favorise une forte participation des Limoulois aux événements. Les affiches placardées sur les lampadaires et dans les commerces annoncent aux résidents la venue d’activités. Si les informateurs ne planifient pas toujours de participer aux événements, ils y assistent ponctuellement avec enthousiasme lorsqu’ils constatent la présence des festivités au hasard de leurs déambulations. Le succès de ces événements repose, à notre avis, sur la collaboration entre diverses associations et acteurs récréatifs qui, par leur union, parviennent à rejoindre l’ensemble des Limoulois, toutes tranches d’âges confondues.

Les pratiques sportives

Au fil des années, les orientations environnementales du conseil de quartier et de la Ville ont permis d’aménager dans le Vieux-Limoilou des parcs et des espaces verts aujourd’hui verdoyants. Le plan de quartier datant de 1996 révèle effectivement l’objectif de « consolider et améliorer le couvert végétal du quartier » ainsi que de renaturaliser les berges de la section du parc Cartier-Brébeuf182.

Cette dernière action majeure a occasionné un mécontentement de la part des résidents de Stadacona qui invectivaient le maire. Présent lors de cette inauguration, François explique les

180 Productions Limoilou en vrac. «International de Pétanque du Vieux-Limoilou», [En ligne]. http://limoilouenvrac.com/?page_id=1692 (Page consulté le 20 mai 2014).

181D’autres événements tels la Fête de la rivière St-Charles, les Jours de Cirque à l’École de cirque de Québec, la fête de la rentrée au

Centre communautaire Jean-Guy Drolet, Limoilou Oktoberfest, Rendez-vous musical, et bien d’autres..

182 Ville de Québec, Plan de quartier Vieux-Limoilou : plan d’action, Québec, Service du centre e développement économique et

urbain. Division de l’aménagement du territoire en collaboration avec les divisions du transport, design urbain, patrimoine et aide au développement, Culture, du loisir et de la vie communautaire, Environnement, Planification, Police, 21 octobre 1996, p.10.

137 différentes perceptions entourant la renaturalisation des berges. « C’est là que j’ai vu l’espèce de décalage parce que moi je me suis dit que je connaissais bien Limoilou. Je me suis dit : ʺ ça c’est extraordinaireʺ. Écoutes, les gens vont se réapproprier la rivière ça va être naturel. Il va y avoir des bancs de parc. Il va y avoir du pique-nique. Donc, ce ne sera plus un lieu à fuir. Un lieu où on passait tout simplement à vélo là. Mais les gens qui étaient là, pour eux c’était une dépense inutile. » (F.G.). Progressivement, les Limoulois se sont appropriés les berges de la rivière qui, en passant de dépotoir à espace verdoyant, sont devenues un lieu prisé de récréation ludique et sportive. Par la piste cyclable, le parcours linéaire et le parc Cartier-Brébeuf, les participants reconnaissent la richesse naturelle de cet espace en le comparant aux fameuses plaines d’Abraham : « On a nos plaines d’Abraham, sont ici (en pointant vers le parc Cartier-Brébeuf). » (J-G.D.). Les participants y pratiquent diverses activités : patin à roues alignées, canot, jogging, frisbee, pique-nique, lecture, relaxation, etc. Même les non-résidents apprécient les infrastructures le long des berges. Tel est le cas de Thomas, qui, en déambulant sur la piste cyclable à roues alignées, contemple les aménagements et les maisons du quartier. En utilisant les infrastructures aux limites du quartier, les étrangers prennent contact avec le Vieux-Limoilou. Thomas Bergeron ne s’aventure toutefois pas au- delà des berges considérant qu’il « n’a pas d’affaire-là » (T.B). Accueillant ainsi des étrangers, la rivière St-Charles et ses infrastructures représentent des attraits qui, en plus d’améliorer la qualité de vie des Limoulois, rehaussent l’image du Vieux-Limoilou. Les résidents qui demeurent près des berges dynamisent également l’espace en aménageant leur cour arrière adjacente à la piste cyclable. De plus, les résidences de personnes âgées offrent des balançoires et des terrains de pétanque ce qui favorise d’une part, les activités à l’extérieur pour leurs résidents et d’autre part, l’animation des berges pour les passants. Particulièrement dynamique en saison estivale par ses événements et ses jeux d’eau, ce lieu est tout de même fréquenté par les participants toutes saisons confondues. François y promène quotidiennement sa fidèle compagne canine: « Elle c’est son parc, ça lui appartient (rire) ». (F.G.). Pierre-Thomas mentionne la beauté automnale du parc : « Cartier- Brébeuf, écoutes c’est tellement exceptionnel ce parc-là…L’automne c’est tellement bucolique comme endroit que ce soit pour aller prendre une bière. » (P-T.). Quant à Pierre-André et Stéphanie, au lendemain des journées froides d’hiver, ils skient sur la rivière St-Charles où bon nombre de skieurs et de raquetteurs y laissent leur trace de passage. Précisons que les berges et le parc Cartier-Brébeuf représentent également un lieu de passage pour les élèves et les travailleurs. Bref, le

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projet de renaturalisation des berges a engendré une réappropriation de la part des Limoulois de tous âges qui fréquentent les lieux seuls, en couple, entre amis ou en famille.

Les parcs Iberville et Ferland sont également des lieux appréciés des Limoulois pour leurs jeux d’eau et leurs mobiliers d’amusement. Le premier, situé au sud de la 6e avenue et longeant les berges de

la rivière St-Charles, est réaménagé en 1996 comme le révèle le plan de quartier183. Le deuxième,

adjacent au centre communautaire Ferland sur la 8e avenue, accueille davantage de Limoulois par

son camp de vacances estival, sa patinoire et son terrain de pétanque. Pierre-André et Stéphanie se rafraîchissent aux jeux d’eau de ces parcs. Ceux du parc Ferland, aux allures d’immense corde à linge dont l’eau s’écoule des vêtements accrochés, sont pour Stéphanie « les jeux d’eau les plus cools en ville » (P-A.C. et S.C.).

Le parc Sylvain-Lelièvre, inauguré en 2004 à l’angle de la 4e avenue et de la Canardière, ne détient

pas d’infrastructures récréatives comme ceux d’Iberville et de Ferland. Aménagé d’une sculpture en aluminium mesurant vingt-cinq mètres de long qui représente une portée musicale, de panneaux relatant les paroles des chansons La basse ville, Tombouctou et Toi l’ami, de bancs ainsi que d’arbres et d’arbustes, le parc commémore l’artiste limoulois du même nom décédé en 2002. La présence de ce parc témoigne d’une volonté de proclamer fièrement les origines limouloises de Sylvain Lelièvre qui s’inspirait de son quartier pour composer. Ce parc à l’intersection d’artères de circulation n’est guère utilisé par les Limoulois184. Néanmoins, Hugo a converti le parc en un espace

d’entraînement : « On l’a déjà utilisé, parce que je m’entraîne avec notre autre coloc […] pis une de ses amies, on l’utilisait pour faire du support sans haltère. C’est-à-dire, tu t’entraînes avec le mobilier urbain. » (H.D-P). Cette nouvelle utilisation du parc occasionne dès lors des échanges sociaux : « C’est drôle parce que, une fois sur deux, quand on va au petit parc justement sur le coin de la rue, il y a soit un quêteux ou soit quelqu’un qui vient nous encourager : ʺoh ouais lâchez-pas les jeunes!ʺ » (H.D-P). Imposer une pratique inusitée dans un lieu imprévu pour celle-ci constitue une tentative d’appropriation de l’espace de la part d’Hugo et ses compagnons.

Les Limoulois usent également à des fins récréatives les structures de circulation de l’ensemble du quartier telles les pistes cyclables. Hugo et Jean-François empruntent celle de la 8e avenue et

183 Loc.cit.

139 poursuivent leur trajet de jogging vers la rivière St-Charles. Hugo aime modifier son trajet de course afin de découvrir des espaces jusqu’alors inconnus, tandis que Jean-François suit son parcours de façon automatique et termine l’exercice en relaxant sur son balcon avant. Dans les deux cas, la pratique sportive qui oblige l’établissement d’un trajet et d’une routine permet de s’imprégner du quartier.

Enfin, les associations diverses collaborent au dynamisme du quartier et procurent des lieux de récréation dont les Limoulois apprécient l’accessibilité. Considérant les commentaires de ses amis de Beauport et de Charlesbourg, Nathalie reconnaît ce privilège d’accéder aux structures de loisir telles que la patinoire et la glissade de la Pointe-aux-Lièvres de même que les parcs et les centres communautaires qui divertissent les familles. Cette dernière considère que le dynamisme du quartier encourage les adolescents à demeurer actifs plutôt que de se désennuyer par des moyens inconvenables tels la drogue ou l’alcool. De cette façon l’effervescence actuelle de la fonction de récréation procure une qualité de vie aux Limoulois qui prennent plaisir à participer aux activités et aux événements.