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Nous avons retenu la définition selon laquelle le patrimoine viticole est un ensemble

construit de biens et d’institutions, vecteur dans le temps et dans l’espace de formes organisationnelles de la viticulture, c’est-à-dire l’exploitation familiale viticole, le château,

l’AOC et la cave coopérative.

La place particulière du foncier au sein du patrimoine viticole bordelais nous apparaît au travers de trois propriétés :

1. le foncier viticole est particulièrement sensible aux évolutions de la viticulture bordelaise et porteur des tensions économiques qui alimentent les dynamiques patri- moniales,

2. le foncier est un baliseur spatial et un vecteur temporel,

3. le foncier viticole concourt à l’organisation de la viticulture bordelaise en tant que baliseur spatial et vecteur temporel.

2.2.1 Le foncier viticole bordelais, porteur de tensions patrimoniales

Le foncier viticole évolue tant d’un point de vue organisationnel que spatial : il est le résultat d’un processus permanent de construction, d’adaptation et de reconstruction.

2.2.1.1 Maintenir une identité foncière en milieu évolutif

Les changements de la viticulture bordelaise sont liés au fait que les acteurs viticoles sont amenés à s’adapter à des évolutions de leurs milieux (économique, géopolitique ou naturel) afin de pérenniser leur activité viticole. Lors de ces changements se joue et se recompose l’identité de la viticulture bordelaise.

Ces évolutions peuvent en effet remettre en cause non seulement les pratiques mais aussi les représentations que se font les acteurs de leur identité. L’adaptation qu’elles exigent peut être alors analysée comme un compromis permettant de maintenir une cohérence identitaire

malgré les perturbations. Ollagnon (2007) souligne ainsi la nécessaire adaptation du

Un foncier en évolution

Nous avons vu dans le chapitre précédent que le foncier viticole bordelais a évolué au cours du temps et que la gestion du foncier est au cœur des stratégies d’adaptation de la viticulture bordelaise.

Si le foncier est initialement un élément fondamental de l’identité des familles, les besoins d’adaptation au marché des exploitations conduisent certaines exploitations à restructurer leur foncier. Cette double dynamique — continuité/adaptation — est inhérente à la viticulture bordelaise dans toutes ses formes organisationnelles. En effet, bien que le foncier soit une des composantes fondamentales de l’identité des châteaux et des AOC, les mêmes besoins d’adaptation au marché du vin peuvent conduire les propriétaires de châteaux et les responsables d’AOC à modifier leurs surfaces. Les uns vont ainsi éventuellement réduire ou agrandir leur parcellaire en fonction des opportunités de ventes et d’achat au risque peut-être de fragiliser la cohérence du domaine historique mais dans l’objectif d’adapter celui-ci aux nouvelles données économiques, de la même manière que les autres ont été parfois amenés à programmer des plans d’arrachage ou à remembrer leur vignoble. Il n’y a pas d’immuabilité foncière comme il n’y a pas d’immuabilité patrimoniale, dans la mesure où les différents acteurs viticoles s’adaptent aux évolutions du milieu, naturel, économique, politique de la viticulture bordelaise.

L’adaptation du foncier viticole bordelais, rupture ou ajustement ?

Face à un changement du milieu, l’innovation constitue une réponse possible. Cette innovation peut être créative (création de nouveaux produits), technologique, fonctionnelle,

organisationnelle, commerciale, ou encore sociale (J. Bessière et Tibère, 2011). Sur le

plan foncier, il peut s’agir d’arrachage, de plantation, d’achat, de ventes, de remembrement mais aussi de changement de conduite de la vigne (par exemple, un changement de densité, de méthode de palissage, de cépage. . .). Sans développer une revue de la littérature sur l’innovation, nous retenons que l’innovation peut être perçue à la fois comme une rupture impliquant une reconstruction, ou simplement comme un ajustement des pratiques

(Bérard et Marchenay, 2008). Dans le premier cas, l’innovation est perçue comme

une rupture rompant la logique patrimoniale. Dans le second cas, l’innovation est un ajustement, compromis entre les repères identitaires et les nouvelles contraintes du milieu. Le rapport de l’innovation au patrimoine dépend en fait fortement de l’intensité de la perturbation qui en est à l’origine mais aussi de la marge de manœuvre dont jouissent les titulaires de patrimoine.

Les pratiques héritées apparaissent donc plutôt comme le fruit d’adaptations successives des générations précédentes à de nouvelles contraintes. Il n’existe pas de pratiques ancestrales

immuables ; accepter le contraire serait « une illusion dont les anthropologues ont depuis

longtemps fait justice » (Latour,1997, p. 103, cité par Bérard et Marchenay, 2008).

Une évolution par les institutions

On peut s’interroger sur la marge de manœuvre laissée aux acteurs viticoles par les dispositifs de protection et de classements existants et qui émanent autant de politiques publiques et des politiques internes à la filière. Cette question peut être posée aussi bien pour un foncier familial dont la transmission est cadrée en France par le Code civil que pour des terres protégées par une désignation géographique telle qu’une AOC. Dans le cas spécifique d’une AOC, l’introduction d’innovation est en effet loin d’être anodine dans la mesure où la valorisation du produit repose essentiellement sur des traits caractéristiques qui fondent l’identité du produit et qui sont fortement contrôlés. Du point de vue de

Bérard et Marchenay (2008) — point de vue qui peut être discuté —, « il reste [. . .]

[m]alaisé de concevoir des innovations pour des productions traditionnelles », en particulier lorsque cette production est reconnue en AOC.

Le patrimoine viticole bordelais peut être réinventé, recomposé et géré autrement. Ces changements ont notamment affecté le foncier viticole. Ce qui nous conduit à l’idée que le foncier est un des traceurs, voire un des vecteurs de la trajectoire patrimoniale de la viticulture bordelaise.

2.2.1.2 Le foncier entre intérêts individuels et collectifs, entre usage et protection et entre relations marchandes et non marchandes

L’hypothèse selon laquelle le foncier est pour nous au cœur des dynamiques patrimoniales de la viticulture bordelaise résulte du constat que le foncier est aux prises avec les trois tensions qui sous-tendent les trajectoires patrimoniales : entre intérêts individuels et collectifs, entre usage et protection et entre relations marchandes et non marchandes.

Le foncier porteur de tensions entre patrimoines individuels et patrimoines collectifs

Le foncier viticole bordelais fait l’objet de différentes formes d’appropriation et d’usages, complémentaires ou au contraire concurrentiels. La gestion multiniveaux et multiacteurs du foncier viticole engendre dès lors des tensions, en particulier entre intérêts individuels et intérêts collectifs, ces tensions étant d’autant plus fortes que des règles contraignantes sur les actions individuelles ont été élaborées au nom d’un projet collectif. Il faut s’attendre à ce que ces tensions soient exacerbées dans un contexte économique défavorable.

La crise financière de 2008 n’a pas épargné les productions agricoles, même celles qui étaient jusqu’ici à l’abri des versatilités du marché par la proposition d’une offre de qualité. Ces types de production qui progressivement se sont développés à l’export vers une clientèle désireuse de consommer du « vin de Bordeaux » ont également souffert du ralentissement de l’économie mondiale. La baisse de la demande conjuguée à une augmentation des exigences des consommateurs a provoqué une surproduction qui a notamment affecté un temps la filière des vins français et a fait germer l’idée que l’AOC pouvait souffrir d’un délitement de sa force collective. L’AOC est une forme de cluster qui serait exposé à des

effets d’encombrement (Calvet, 2005).

Afin de renforcer ce signal à court terme, des plans de restructuration, parfois d’arrachages,

ont été élaborés notamment par l’interprofession (voir chapitre 1). Sur le moyen terme, ce

sont des redélimitations plus fines de la zone autorisée de production qui ont été envisagées pour certaines appellations, manifestations des tensions entre intérêts individuels et collectifs que porte le foncier viticole.

Le foncier vulnérable face à des usages intensifs des ressources naturelles et culturelles

L’exploitation des ressources naturelles sur le long terme questionne la qualité des terres viticoles bordelaises qui seront transmises aux générations futures. Plus que sur les consé- quences de la dégradation de la qualité écologique et agronomique sur la qualité des vins de Bordeaux, les débats portent sur les moyens de réduire l’impact de la viticulture sur les sols et les ressources en eau. Les outils retenus répondent d’un arbitrage entre l’usage des ressources et la conservation de celles-ci.

L’arbitrage entre usage et conservation concerne également les ressources culturelles (paysages, bâtiments d’habitation et d’exploitation. . .) portées par le foncier viticole.

L’inscription de la juridiction de Saint-Émilion au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1999 a conduit celle-ci à se doter d’un plan de gestion via la constitution d’une zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP) en 2006 (Briffaud

et Davasse, 2012).

Le règlement de la ZPPAUP cible à la fois les bâtiments anciens et récents, les nouvelles constructions, les devantures ainsi que les paysages viticoles, les bois ou encore les routes

et les chemins (Règlement de la ZPPAUP de Saint-Émilion, version de mars 2007)6.

Concernant les paysages viticoles, sont ainsi réglementés les profils et le soutènement des terrasses, la plantation des vignes par rapport aux murets, l’entretien de ces mêmes murets et les enseignes des châteaux viticoles. Des restrictions sont également prévues pour certains aménagements dans la mesure où ceux-ci seraient installés dans des axes de vue

6. Depuis 2010, les aires de valorisation de l’architecture et du patrimoine (AVAP) se substituent aux ZPPAUP.

« remarquables » (ce qui soulève le problème des éoliennes par exemple). Les contraintes imposées dans la ZPPAUP sont dès lors parfois génératrices de tensions lorsque des châteaux viticoles entreprennent des travaux tels que la construction de chais remarquables d’un point de vue architectural ou l’aménagement de structures d’accueil (parkings) (Sud

Ouest du20 janvier 2015). La teneur des débats répond dès lors de l’arbitrage entre usage(s)

et protection et de la durabilité du vignoble bordelais.

Le foncier, bien marchand porteur de valeurs non marchandes

L’attention portée à la parcelle de vignes dans le Bordelais confirme la diversité de valeurs généralement attribuées au foncier agricole. À l’instar de ce que montrent Maupertuis

et Prunetti (2011) dans le cas de la Corse, elle peut « avoir une valeur d’héritage à

titre individuel ou collectif, être un actif foncier pour son propriétaire (public ou privé) susceptible de valorisation économique présente ou future, être un actif foncier pour les héritiers du propriétaire (génération future), être un actif naturel unique au regard de ses caractéristiques écologiques, paysagères, géographiques, sources de valeurs d’usage et de non-usage pour les non-propriétaires, être un territoire symbolique, culturel et/ou

politique [. . .] » (Maupertuis et Prunetti, 2011, p. 374).

Au sein des exploitations viticoles essentiellement familiales, le foncier est à la fois un élément constitutif du capital de l’entreprise caractérisable par une rentabilité, un héritage des parents et un legs pour les enfants. Il n’est pas seulement un facteur de production mais aussi le fil conducteur d’une lignée et le vecteur par lequel s’expriment un principe de solidarité ou des conflits entre les générations. Châteaux viticoles ou AOC reconnaissent également au foncier viticole des valeurs identitaires qui les définissent et les différencient. La dualité marchande et non marchande du foncier est d’autant plus génératrice de questions que le caractère patrimonial fait l’objet de plus en plus d’une valorisation marchande. La production en AOC ou l’œnotourisme ont en effet montré que l’identité et l’histoire de la viticulture locale sont sources de valeurs potentielles, qu’il en existe une demande du côté de consommateurs en recherche d’authenticité et qu’une offre peut se constituer. Cette offre s’organise alors autour d’éléments spatiaux susceptibles d’évoquer les origines et l’histoire de la viticulture bordelaise.

La gestion du foncier au sein d’une AOC est la manifestation d’une conversion d’éléments identitaires en ressources à valeur économique et financière. Si les pratiques communes d’encépagement ou de mode de conduite ou encore les paysages typiques sont considérés comme la richesse de la viticulture locale, ces éléments en viennent dès lors à être gérés comme des objets de consommation ou comme des moyens de production.

Le foncier viticole bordelais par sa fonction identitaire au sein des châteaux, des AOC ou des caves coopératives porte avec lui la dualité marchande d’un patrimoine productif.

2.2.2 Le foncier, baliseur spatial et vecteur temporel

Bien constitutif du patrimoine viticole bordelais, le foncier est plus que cela : il participe à la structuration de celui-ci sur le plan spatial et à sa vectorisation dans le temps par le jeu des transmissions et des acquisitions.

2.2.2.1 L’ancrage spatial de biens naturels et culturels

Le foncier, bien patrimonial, a en effet cette particularité de mettre en système un certain

nombre de biens localisés dont il permet la jouissance (figure 2.2).

Le foncier, bien patrimonial composite qui met en système de multiples ressources ancrées spatialement

En développant notre analyse du foncier au sein de la viticulture bordelaise dans le chapitre précédent, nous avons mentionné un certain nombre de biens naturels et culturels ancrés spatialement portés par le foncier : les vignes, les bâtiments, les sols et sous-sols, les ressources hydriques. . . Ces différents éléments tangibles composent et différencient le foncier viticole. Pas seulement par leur présence ou absence mais aussi par leur qualité : variétés et âge des vignes, architecture des bâtiments. . . Nous avons également mentionné le rôle du climat, lié à une localisation géographique particulière (proximité à l’estuaire, ou à un cours d’eau comme le Ciron, fond de vallée ou coteaux. . .). Combinés aux choix de pratiques réalisés par les viticulteurs, d’autres éléments, immatériels cette fois, sont indissociables du foncier : les pratiques (tant en termes d’aménagement des parcelles que de mode de conduite de la vigne ou de vinification), l’histoire (familiale ou locale), les classements, les institutions collectives (AOC, coopération, associations, confréries. . .), les fêtes traditionnelles. . .. D’autres éléments culturels plus tangibles (mobilier, bâtiments mais aussi routes des vins, petit patrimoine rural. . .) ont également été mis en exergue.

Le tableau 2.1 synthétise la contribution de chaque attribut du foncier aux différentes

composantes patrimoniales de la viticulture bordelaise.

Les sols et sous-sols, les ressources hydriques, les plants de vignes, les aménagements de parcelles, les bâtiments. . . sont ainsi autant de facteurs productifs ancrés spatialement qui, au prisme de l’agronomie, renvoie aux logiques productives inhérentes à toute activité viticole.

Les spécificités d’un vin peuvent être issues d’une complémentarité/adaptation entre les caractéristiques du milieu et les pratiques viti-vinicoles. Dès lors, éléments naturels, géologiques ou biologiques mais aussi techniques agronomiques et aménagements réalisés,

Foncier Foncier Patrimoine(s)

des AOC ou coopératives

national, régional,

territorial des châteaux

des exploitations familiales viticoles de l’humanité Naturel physique . . . cours d’eau climat sols et sous-sols biologique . . . écosystèmes, milieux cépages, génomes Culturel vins paysages viticoles . . . immatériel . . . institutions collectives pratiques, savoir-faire sagas familiales Fête du vin, fêtes locales classements matériel immobilier châteaux classés aux monuments historiques routes des vins, circuits . . . petit patrimoine rural (murets, fontaines) mobilier . . . peintures viticoles Titulaires A ttr ibuts du foncier

Figure 2.2 – Le foncier bien porteur de composantes patrimoniales de la viticulture bordelaise (source : l’auteur)

Tableau 2.1 – Attributs fonciers et composantes patrimoniales (source : l’auteur)

Attributs Composantes patrimoniales

Sols et sous-sols, climat, écosystèmes et milieux, cépages et génomes, bâtiments, rendements, mécanisation, aménagement des parcelles (économie d’échelle)

Facteurs productifs Vins, pratiques et savoir-faire, sols et sous-sols, climat,

écosystèmes et milieux, paysages viticoles, fêtes locales, petit patrimoine rural (murets, fontaines, églises), routes des vins, désignations géographiques, rives, ville de Bordeaux

Origine(s) bordelaise(s) Zonages de protection, inventaires, classements de monuments Durabilité

Classements des crus, sagas familiales, châteaux (bâtiments)

classés aux monuments historiques Histoire et réputation individuelles Désignations géographiques, coopératives, zonages de protection,

remembrement, restructuration, routes des vins Actions collectives Structures œnotouristiques (routes des vins, circuits), paysages

viticoles

Valorisation de l’environnement naturel et culturel

peuvent abonder des réflexions autour de l’origine bordelaise de la viticulture. En sus du vin, le paysage viticole est l’autre expression de cette complémentarité entre milieux et pratiques. Ainsi, alors que les relations politiques et commerciales avec la ville de Bordeaux fondent la famille des vins de Bordeaux, la distinction d’une rive droite, d’une rive gauche et d’un entre-deux-mers dans le Bordelais répond de cette reconnaissance d’origines géographiques multiples. Par ailleurs, l’origine géographique s’exprime au travers d’éléments culturels matériels et immatériels tels que les routes des vins, le petit bâtiment rural, les fêtes locales, les jurades et confréries. Tous ces éléments sont notamment liés et mis en discours dans le cahier des charges des AOC qui délimitent dans l’espace l’aire de production.

L’aire d’une AOC est l’une des multiples formes spatiales par lesquelles s’exprime la dimension collective de la viticulture bordelaise. À celle-ci s’ajoute les surfaces dédiées à la production de raisins vinifiés en caves coopératives, les surfaces de remembrement et de restructuration ciblées dans le cadre des plans élaborés par l’interprofession, ou encore les zonages de protection publique auxquels sont susceptibles d’avoir participé la profession viticole. L’inscription des paysages viticoles de Saint-Émilion au patrimoine mondial de l’UNESCO se concrétisant par la mise en place d’une ZPPAUP sur les huit communes de la juridiction semble ainsi avoir été le point de départ d’une construction territoriale dont l’objectif était de gérer collectivement l’ensemble des ressources naturelles et culturelles

constitutives des paysages viticoles (Briffaud et Davasse, 2012). Dans une moindre

mesure, les routes des vins procèdent également de ce caractère collectif, parce qu’elles relient les propriétés entre elles et font aujourd’hui l’objet d’un aménagement porté par les organismes de défense et de gestion (ODG) et l’interprofession.

Pendant de la dimension collective, la dimension individuelle du patrimoine viticole bordelais trouve également des points d’ancrage dans l’espace et au travers du foncier :

tout d’abord au travers d’éléments tangibles, monumentaux tels que les maisons de maître

du 16eau 19esiècle, les chartreuses ou les chais de vinification autour desquels s’étendent

les vignobles des domaines, puis au travers d’éléments immatériels tels que les histoires des familles locales et la reconnaissance des crus au travers des classements de 1855, de Saint-Émilion, des Graves, etc.

Certains des éléments susmentionnés ont fait l’objet de démarches de protection : des bâtiments ont été inscrits aux monuments historiques et les paysages viticoles de Saint- Émilion ont été reconnus au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ces démarches traduisent sur le plan spatial la composante « durabilité » du patrimoine viticole bordelais, au même titre que tous les zonages de protection culturelle (UNESCO, ZPPAUP, sites classés et inscrits au titre de leur caractère historique) et naturelle (Natura 2000, schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE), zonages de protection agricole) dont la viticulture bordelaise a pu être partie prenante.

La logique de valorisation de l’environnement naturel et culturel qui sous-tend égale- ment le patrimoine viticole bordelais s’inscrit dans l’espace au travers d’une part des structures œnotouristiques (routes des vins, croisières, autres circuits) et d’autre part des paysages viticoles qui servent le discours œnoculturel des promoteurs des vins de Bordeaux (interprofession, ODG, exploitants, acteur public).

Certains attributs du foncier participent donc à plusieurs composantes patrimoniales de la viticulture bordelaise. Enjeux collectifs, durabilité, valorisation de l’environnement naturel et culturel, sont par exemple les différentes composantes patrimoniales auxquels peuvent renvoyer les zonages de protection culturelle et naturelle.

Un opérateur patrimonial

Le foncier supporte de nombreux biens ancrés spatialement : chaque bien est potentiellement porteur de droits d’usage qui peuvent être revendiqués par différents acteurs économiques. Le foncier implique de fait un grand nombre d’acteurs et sa gestion repose sur de nombreuses interconnexions qui supposent une coordination entre les différents usagers des biens qui le constituent, notamment dans une perspective patrimoniale.

Or si le foncier viticole est un bien privé destiné à la production de vins de Bordeaux, il n’en demeure pas moins un élément du territoire français reconnu dans le Code de