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X fois fonctionne comme un opérateur de multiplication dans les formules arithmétiques. La multiplication consiste à effectuer sur un deuxième nombre autant d'additions qu'indiquées par le premier nombre. Fois dans sa fonction de multiplicateur est un nom prédicatif relationnel qui indique une opération à effectuer entre deux nombres, représentés par des adjectifs cardinaux :

(41) - Deux fois trois (font) six

L‟ensemble x fois y forme un syntagme nominal (SN) complexe, à fonction de sujet dans la phrase. Le verbe est facultatif. Le résultat de l‟opération est également un nombre, qui est le complément unique et essentiel du verbe. La formule arithmétique est structurée en trois parties :

Tableau 3 : structure de l'opération arithmétique de multiplication

Élément x fois y (font) z

Fonction dans la phrase Sujet Verbe Complément

La construction est rigide. Du point de vue syntaxique, le SN x fois y, sujet, est toujours en début de phrase et sa structure ne peut être modifiée par un autre élément (*deux bonnes fois trois font six) ou par le déplacement d‟un des éléments (*deux trois fois font six / *fois deux trois font six) ; le

résultat, z, complément, est toujours en fin de phrase. Cependant, le SN x fois y peut occuper d‟autres fonctions dans la phrase ; en (42), il est précédé d‟une préposition et a une fonction de complément prépositionnel du verbe. Il matérialise une étape dans la construction d‟un ensemble (« 4.096 histoires »). Le résultat de l‟opération de multiplication n‟est pas énoncé car il ne représente qu‟un sous-produit du résultat final, inutile pour l‟exposé :

(42) « Avec ces huit fois quatre paragraphes, on fait 4 096 histoires. » G. Perec, Entretiens et conférences II [1979-1981], 2003

Dans la fonction de multiplication, fois peut être symbolisé par x et le verbe par = : (43) 2 x 3 = 6 (deux fois trois six)

De nombreuses contraintes portent sur le verbe qui accompagne la formule arithmétique. Il est rarement exprimé. S‟il l‟est, il est employé au singulier ou au pluriel. Grevisse (1993 : §431a) note à ce sujet :

«S‟il arrive qu‟on ait à écrire en toutes lettres le verbe égaler (ou qu‟on emploie faire ou

donner) dans l‟expression d‟une égalité dont le premier membre est une pluralité, on peut laisser ces verbes au singulier; l‟accord est alors sylleptique et se fait avec nombre ou

cela, qu‟on a dans la pensée. Mais on peut aussi mettre le pluriel (surtout à faire) ».

Les verbes autorisés sont essentiellement faire, égaler, donner, qui indiquent une transformation et impliquent qu‟un calcul doit être effectué pour atteindre le résultat.

Les autres opérations arithmétiques ne sont pas représentées par un mot lexical comme fois; l'opération opposée à la multiplication est la division qui est exprimée par le participe passé du verbe : divisé par. Les autres opérations arithmétiques sont effectuées par des adverbes : plus pour l‟addition, moins pour la soustraction. Dans toutes les opérations arithmétiques, on constate la même rigidité dans l‟ordre des éléments, et la même contrainte sur le verbe, qui est facultatif, peut être exprimé au singulier ou au pluriel, et reste limité à quelques verbes (faire, égaler, donner) :

(44) - Deux plus trois (égalent) cinq

- Six moins deux (font) quatre

- Quatre divisé par deux (égale) deux

Le résultat de l‟opération est indiqué après l‟énoncé de la formule mathématique. C‟est un complément du verbe ; l‟impossibilité d‟utiliser le verbe être (*deux fois trois sont six) montre qu‟il ne peut s‟agir d‟un attribut et que le résultat ne sera disponible qu‟après avoir effectué l‟opération arithmétique. L‟énoncé de la formule arithmétique permet de construire le résultat, mais n‟équivaut

(45) ? Deux fois trois est un nombre pair

L‟énoncé serait compréhensible si le résultat était explicité par le biais d‟un SN complexe :: (46) - Le produit de deux fois trois est un nombre pair

Mais cet énoncé paraît peu naturel, car la multiplication n‟est pas nécessaire à sa compréhension. Si la formule de multiplication est exprimée, l‟énoncé n‟a pas le même sens que l‟énoncé du seul résultat. Ainsi, (47)a n‟est pas paraphrasable par (47)b ; le résultat du gain est identique dans les deux énoncés, mais le nombre d‟étapes pour parvenir au résultat n‟est détaillé qu‟en (47)a :

(47) a. Il a gagné deux fois 3.000 euros

b. Il a gagné 6.000 euros

L‟opération de multiplication met en évidence la relation étroite du mot fois avec l‟expression de la quantité. L‟absence fréquente du verbe est à rapprocher de l‟absence de notion de temporalité. L‟aptitude de fois à traiter des entités abstraites est mise en œuvre dans la manipulation des nombres. La formule arithmétique présente une forte rigidité dans sa structure, au niveau du nombre d‟éléments autorisés, de la construction de chaque élément et de leur agencement dans la phrase. Le SN x fois y se rapproche ainsi d‟une expression idiomatique symbolisant l‟opération de multiplication, et non son résultat. Cependant, la formule arithmétique ne s‟applique pas qu‟à des nombres ; l‟expression trois fois rien désigne la multiplication d‟une valeur infime (rien) par trois.

Rien est pris ici au sens positif, et se construit sans négation. La valeur représentée par trois fois rien est supérieure à zéro, mais nettement inférieure à la valeur attendue (exemples (48)a et b) ; elle se démarque ainsi de rien utilisé seul, qui marque la valeur nulle (exemple (48)c) :

(48) a. Il a payé ce livre trois fois rien b. Il a eu ce livre pour trois fois rien

c. Il a eu ce livre pour rien

L‟expression trois fois rien est figée, elle s‟applique le plus souvent à une somme d‟argent mais peut aussi représenter une action :

(49) - Il fait trois fois rien, c’est elle qui fait tourner la boutique

Avec trois fois rien, nous quittons l‟univers des chiffres et de l‟arithmétique pour entrer dans l‟expression langagière. L‟emploi de x fois dans la comparaison nous permet d‟en apprécier les multiples facettes.