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Focus sur l’inventaire de groupes particuliers

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99–  incertitude détermination : cette science étant complexe, dans certains

4. Focus sur l’inventaire de groupes particuliers

Si,  même  en  sites  naturels  gérés,  les  champignons  constituent  un  groupe  souvent éludé dans les diagnostics, il y a, au sein de la mycologie, des groupes  souvent eux-mêmes pro parte laissés pour compte. Un focus sur des groupes  présentant souvent une diversité et une complémentarité importante avec les  groupes conventionnellement étudiés est présenté ci-après.

4.1. Les aphyllophorales

L’ordre  des  aphyllophorales dont  le  nom  signifie  «  qui  ne  porte  pas  de  lames », a été proposé pour la première fois en 1922 par Carleton Rea. C’est  un ordre complètement artificiel, hétérogène et obsolète, de champignons  basidiomycètes,  qui  comprendrait  environ  400  genres  et  1 500  espèces. 

Bien  que  n’ayant  pas  de  lames,  les  champignons  gastéroïdes (hyménium  fermé,  comme  les  vesses-de-loup)  et  les  boletales au  sens  large en  ont  été exclus, de même que les hétérobasidiomycètes (champignons souvent  gélatineux).  Bien  qu’une  classification  plus  naturelle  des  basidiomycètes  soit aujourd’hui en grande partie mise en place, le groupe morphologique  des  aphyllophorales  continue  d’être  utilisé  par  commodité  pour  désigner  la majeure partie des champignons à hyménophore lisse ou poré, souvent  lignicoles, et responsables de la dégradation des végétaux morts ou vivants  sur lesquels ils se développent. Leurs aspects sont très divers, ils peuvent  être  en  forme  de  console,  de  massue,  coralloïdes  ou  en  couche  plus  ou  moins épaisse. 

Figure 117 : Papier Duotest pH 5 à 8 © D. Sugny

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Figure 118 : Amaurodon viridis © G. Gruhn — ONF

Nous laisserons de côté les clavaires, les hydnes, les chanterelles et quelques  groupes voisins pour nous intéresser seulement aux deux types de morphologie  suivants :

–  Les  polypores  (environ  500  espèces  européennes)  possèdent  un  hyménium formé par des tubes non séparables de la chair, qui s’ouvrent  par des pores de formes et de tailles différentes.

–  Les corticiés (ou « croûtes ») comptent environ 1 000 espèces en Europe,  qui se présentent sous forme de plaques lisses, tuberculées ou garnies  d’aiguillons.

L’identification  des  aphyllophorales  nécessite  presque  toujours  un  travail  d’observation en laboratoire.

Les  aphyllophorales  présentent  un  certain  nombre  d’avantages  pour  les  inventaires : 

–  certaines espèces sont pérennes et peuvent être identifiées en dehors  des périodes traditionnelles de poussées fongiques,

–  ce sont souvent des espèces lignicoles et le support bois jouant le rôle  de réservoir d’eau, leur récolte est toujours possible, même en période  de forte sécheresse où les champignons mycorhiziens ne produisent pas  de carpophores,

–  assez  peu  de  publications  existent  concernant  des  bio-indicateurs  fongiques, la plupart privilégient les polypores.

4.1.1. Où les trouver ?

Comme ce sont pour la plupart des espèces lignicoles, on regardera les troncs  d’arbres, vivants ou morts, on explorera les tas de bois, les vieilles souches  et même l’intérieur du bois ; il faut parfois disloquer le bois pourri pour les  découvrir. Les couches de copeaux de bois, utilisés comme paillage dans les  parterres des jardins, peuvent amener des récoltes intéressantes.

Très  souvent,  les  corticiés  se  récoltent  facilement  à  la  face  inférieure  des  branches et autres bois morts. Il faudra donc prendre le temps de retourner  les branches tombées au sol pour les découvrir. Ces bois au sol sont souvent  les plus intéressants et les plus riches en raison de l’humidité ambiante. Mais  il y a aussi des espèces qui croissent sur des mousses, des plantes herbacées  ou au sol. Par exemple, la base des touffes de fougères ou les tiges sèches des  grandes ombellifères peuvent s’avérer intéressantes à explorer.

4.1.2. Quand les trouver ?

Quasiment toute l’année, ce qui est intéressant, en particulier durant la saison  hivernale  (hors  période  de  neige),  au  moment  où  les  autres  champignons  manquent cruellement.

Après  des  périodes  venteuses  ou  à  la  sortie  de  l’hiver,  on  trouvera  aussi  des  branches cassées par le vent ou le poids de la neige. Ce sont de bonnes périodes  pour faire des prospections d’espèces intéressantes qui vivent dans la canopée.

4.1.3. Comment les étudier Matériel nécessaire à la récolte :

Comme beaucoup sont fixés sur le bois, il faut des outils pour les détacher : un  fort couteau à lame pointue, une serpette, une scie pliante pour couper des  morceaux de petites branches, voire un ciseau à bois ou une ancienne lame  de rabot et un marteau pour les détacher des gros supports, un sécateur, un  crochet emmanché (très pratique pour retourner les bois au sol sans se piquer  voire risquer une morsure de serpent). À noter que ces prélèvements de bois  support sont très limités et ne gênent pas le champignon qui continue à se  développer dans le bois support laissé en place.

En particulier lors d’inventaire en zone protégée, il est conseillé de remettre les  bois retournés en place. Il conviendra également de limiter des prospections  dans les troncs fortement dégradés, car cette méthode est destructive.

Les récoltes peuvent être emballées dans du papier (journal ou enveloppe usagée)  et les informations sur le support et le milieu sont notées. On utilisera également  des feuilles de papier ou d’aluminium, des petits papiers collants de couleur pour  séparer diverses récoltes, un carnet ou autre moyen pour la prise des notes, un  crayon, une loupe, et une grande boîte ou un sac à dos pour mettre les échantillons  récoltés. Pour ce dernier, on raidira la poche centrale du sac en y plaçant une  armature rigide, par exemple une petite corbeille à papier de bureau. Le sac à dos  présente un avantage, surtout en terrain accidenté : on a les deux mains libres ! 4.1.4. Que noter sur le terrain ?

Il  est  conseillé  de  stocker  les  informations  de  récolte  avec  la  récolte  elle-même. En plus des informations spécifiques requises par l’éventuel protocole  utilisé, sont en général notés la date, le lieu, le biotope, le type de forêt ou  d’arbres plus ou moins isolés, l’identité de la plante support ou l’essence, s’il  est possible de l’identifier (noter les essences situées dans les environs, il y a  de fortes probabilités que le bois inconnu appartienne à l’une des essences  voisines). En montagne ou en zones inondables, l’identification du bois peut  cependant être difficile il a pu être déplacé sur des distances importantes.

On notera aussi si le champignon est encore attaché à l’arbre ou non, s’il est au  sol, la présence ou non de l’écorce, la couleur du bois pourri situé en dessous  des basidiomes, ce qui déterminera les types de pourriture (blanche, brune ou  alvéolaire) : la distinction des pourritures est importante, car ce sont des espèces  différentes qui les provoquent, même si macroscopiquement elles se ressemblent.

On notera aussi la position des basidiomes : base des troncs, en hauteur, face  inférieure des branches, taille de celles-ci…

Si on se spécialise sur ce genre de champignons, on pourra faire une check-list pour ne pas oublier de noter certains détails. L’usage d’outil se saisie sur  téléphone portable est également d’une bonne aide pour standardiser la prise  de données.

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109 4.1.5. Comment les récolter ?

Dans le respect de la biodiversité, on limitera les prélèvements. Pas besoin de  gros échantillons, un fragment suffit.

Les polypores dimidiés seront détachés du support. S’ils sont très gros, on n’en  prélèvera qu’une petite partie. Pour ceux qui sont plus ou moins appliqués au  substrat (le terme approprié est résupiné), le prélèvement sera effectué avec  une partie du support. Cette partie permettra aussi d’en conserver l’humidité  nécessaire durant quelque temps.

Les échantillons seront ensuite enveloppés dans une feuille de papier journal  ou d’aluminium pour éviter d’une part la pollution par les autres échantillons  et d’autre part que ceux-ci ne se dessèchent trop vite. On pourra y joindre  un petit papier collant sur lequel on mettra une référence pour retrouver les  notes  prises  sur  le  carnet,  indiquant  par  exemple  l’essence,  le  lieu,  etc.  On  pourra aussi se servir de la couleur des papiers pour codifier les récoltes.

4.1.6. Identification en laboratoire

Comme on ne pourra pas toujours examiner les échantillons immédiatement,  il est conseillé de les conserver dans des boîtes humides, en prenant soin de  disposer les corticiés dans leur position naturelle (hyménium en dessous du  support), car elles continuent leur croissance en respectant leur géotropisme  et si elles sont placées à l’envers, les hyphes seront donc emmêlées. 

La plupart des corticiés et aussi des polyporales résupinés ne sont déterminables  que par l’examen microscopique de certains éléments, dont les spores mûres. 

L’une des priorités sera donc d’obtenir une sporée, mais on fera auparavant une  description détaillée des éléments macroscopiques (Duhem 2010). L’utilisation  d’une  loupe  binoculaire  est  conseillée.  On  pratiquera  quelques  réactions  macrochimiques et des examens microscopiques sur des fragments. 

On fera sécher les échantillons pour les mettre en herbier (12 h à 50 °C, voire  plus longtemps selon l’état de la quantité de bois support). On ne mettra en  herbier que les champignons en bon état qui ont sporulé. Cela permettra de  contrôler a posteriori les échantillons, voire de réaliser des déterminations.

Documentation pour les aphyllophorales

–  Bernicchia A, Gorjon S.P. 2010. Corticiaceae sl. Fungi Europaei, vol. 12, 1008 p.

–  Bernicchia A. 2005. Polyporaceae sl.  Fungi Europaei, vol. 10, 808 p.

–  Boidin  J.  1988.  Pour  une  lecture  actualisée  des  «  Hymenomycètes  de  France». Bull. Sté. Mycologique de France. 104:1-40 p.

–  Bourdot H. & Galzin A. 1928. Hymenomycètes de France, 762 p.

–  Breitenbach J. & Kränzlin F. 1986. Les champignons de Suisse vol. 2, 412 p.

–  Collectif. 1991. Bulletin spécial Aphyllophorales, Fédération Mycologique  Dauphiné-Savoie, N° 120.

–  Eriksson J. & Hjortstam K. 1982. The Corticiaceae of North Europe. Vol. 6 Phlebia — Sarcodontia. Fungiflora, Oslo, Norway 6, 1051–1276.

–  Eriksson J. & Ryvarden L. 1973 The Corticiaceae of North Europe. Vol. 2 Aleurodiscus-Conjertobasidium, 1973, 216 p., 110 figures, 24 planches –  Eriksson J. & Ryvarden L. 1975. The Corticiaceae of North Europe. Vol. 3

Coronicium — Hyphoderma. Fungiflora, Oslo, Norway 3, 288–546.

–  Eriksson J. & Ryvarden L. 1976. The Corticiaceae of North Europe. Vol. 4 Hyphodermella — Mycoacia. Fungiflora, Oslo, Norway 4, 549–886.

–  Eriksson  J.,  Hjortstam,  K.,  &  Ryvarden  L.  1978. The Corticiaceae of North Europe.  – Volume 5, Mycoaciella — Phanerochaete.  Fungiflora,  Oslo,  Norway 5, 889–1047.

–  Eriksson, J., Hjortstam, K., & Ryvarden, L. 1984. The corticiaceae of North Europe. vol. 7. Schizopora–Suillosporium. Oslo: Fungiflora.

–  Gannaz  M.  1992 Clé pratique des polypores à chapeau en Europe.  2e  édition, 5 p.

–  Hallenberg N. 1985. The Lachnocladiaceae and Coniophoraceae of North Europe. Fungiflora, Oslo, Norway.

–  Hjortstam K. Larsson, K. H., & Ryvarden, L. 1987. The Corticiaceae of North Europe. Vol. 1 Introduction and keys. Fungiflora, Oslo, Norway 1, 59.

–  Hjortstam,  K.,  Larsson,  K.  H.,  &  Ryvarden,  L.  1988. The Corticiaceae of North Europe. Vol. 8: Phlebiella; Thanatephorus–Ypsilonidium.  Oslo: 

Fungiflora, 1449-1631.

–  Jülich W. 1989. Guida alla determinazione dei funghi. vol. 2, 597 p.

–  Marchand  A.  1973. Champignons du Nord et du Midi. Les meilleurs comestibles. Tome 2. Soc. Mycol. Pyrénées Médit., Perpignan, Diffusion  Hachette, 273 p.

–  Marchand  A.  1975.  Champignons du Nord et du Midi. Bolétales et Aphyllophorales.  Tome  3.  Soc.  Mycol.  Pyrénées  Médit.,  Perpignan,  Diffusion Hachette, 276 p.

–  Marchand  A.  1976. Champignons du Nord et du Midi. Aphyllophorales (fin), Hydnaceae, Gasteromycetes, Ascomycetes.  Tome  4.  Soc.  Mycol. 

Pyrénées Médit., Perpignan, Diffusion Hachette, 262 p.

–  Rivoire B. 2020. Polypores de France et d’Europe. Mycopolydev. 873 p.

–  Ryvarden L. 1976. The polyporaceae of North Europe vol 1. Albatrellus – Incrustoparia. 214 p.

–  Ryvarden L. 1978. The Polyporaceae of North Europe. Volume 2. Inonotus-Tyromyces. 219-507.

–  Ryvarden L., Melo, I. & Niemelä, T. 2014. Poroid fungi of Europe. Fungiflora,  Oslo, 455 p.

4.2. Les champignons coprophiles ou fimicoles

4.2.1. Définition

Les champignons coprophiles vivent dans les excréments. Le mot coprophile  est formé à partir du grec kopros « excrément » et du radical phile qui veut  dire « aimer ». Le mot fimicole signifie « qui vit, qui croît dans le fumier », ce  mot vient du latin fimum « fumier » et du radical latin cole, qui veut dire dans  le cas présent, « habiter ». Doveri (2004) explique pourquoi il préfère employer  le terme « fimicole » et précise que le terme « coprophile » s’appliquerait aux  champignons se développant uniquement sur excréments, alors que d’autres  peuvent s’y développer occasionnellement. Le mot « fimicole » permettrait  donc d’inclure ces derniers.

4.2.2. Où les récolter ?

Il suffit d’explorer un milieu en recherchant les excréments, ou les végétaux  souillés  par  ceux-ci.  La  connaissance  de  la  faune  présente  peut  donner  lieu  à  des  recherches  ciblées  sur  les  excréments  d’un  animal  donné.  Même  si  les  recherches  portent  le  plus  souvent  sur  les  excréments  des  plus  gros  mammifères herbivores, qui s’avèrent souvent riches, il ne faut pas négliger les  crottes des petites espèces (micromammifères), ou des oiseaux, qui peuvent  amener de bonnes surprises.

4.2.3. Comment les repérer et les récolter ?

Le repérage des champignons peut se faire à l’œil nu pour les plus grosses  espèces. Une loupe à main d’assez grande dimension peut permettre de voir  certains  ascomycètes.  De  nombreuses  espèces  minuscules  ne  seront  pas 

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