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1.5 Modélisation de la MH

1.5.1 Focus sur les modèles murins

Pour des raisons économiques et de faisabilité technique principalement, les modèles animaux murins ont largement été plébiscités. Mis à part les modèles par injection de toxines, d’autres modèles sont explicités ci-dessous.

1.5.1.1 Les modèles par transfert viral du gène de l’Htt

Les vecteurs viraux sont des outils moléculaires qui ont été développés pour permettre le transfert de gène notamment dans le cerveau (Déglon & Hantraye, 2005). Dans le système nerveux central, les vecteurs viraux utilisés proviennent de virus adéno-associés (AAV), de lentivirus (LV), d’adénovirus et du virus Herpès simplex (pour revue, (Ruiz & Déglon, 2012)). Chaque vecteur viral présente ses avantages et ses inconvénients et doit donc être choisi selon la problématique. Pour l’expression de l’Htt, le LV est classiquement utilisé dans le striatum.

Le modèle LV est le modèle utilisé pour avoir une surexpression de l’Htt de manière rapide et flexible. Les premiers essais ont été menés chez le rat avec l’injection intra-striatale de LV exprimant l’Htt humaine avec des expansions de CAG variables (de Almeida, Ross, Zala, Aebischer, & Déglon, 2002). Le LV codant les 171 premiers aminoacides de l’Httm avec 82 polyQ (LV-Htt171-82Q) a ensuite été très largement utilisé dans les rongeurs pour étudier les mécanismes de toxicité de l’Htt (Damiano, et al., 2013; Galvan, et al., 2012; Drouet, et al., 2009). La dégénérescence striatale apparait 4 à 6 semaines après injection dans la souris. Ce modèle présente des agrégats d’Httm, une astrogliose mais ne présente pas de phénotype comportemental particulier.

Classiquement injecté dans le striatum, Schwab et collaborateurs (2017) ont injecté le LV- Htt171-82Q dans une région de l’hippocampe impliquée dans la neurogenèse, le gyrus denté. L’équipe a ainsi montré que l’injection viral de Httm entraine la formation d’agrégats dans le gyrus denté, des déficits de mémoire spatiale et des défauts de plasticité notamment une réduction de la neurogenèse et une diminution des gènes précoces (Schwab, Richetin, Barker, & Déglon, 2017).

Les vecteurs lentiviraux transduisent efficacement les cellules non prolifératives. Leur capacité de clonage permet de cloner des transgènes relativement grands (jusqu’à 9 kb) ce qui est intéressant pour l’Htt. De plus, le lentivirus est intégratif ce qui entraine la persistance de l’expression du gène d’intérêt. Le LV-Htt171-82Q est donc adapté pour comprendre certains circuits spécifiques et les voies impliquées dans les processus de pathogénèse (Ben Haim, et al., 2015). En revanche, la faible diffusion

36 des lentivirus ne permet une infection totale du striatum. Ce modèle n’est donc pas adapté pour des études fonctionnelles dans le striatum, en particulier pour étudier les effets comportementaux.

Le modèle AAV a aussi été développé chez le rat dans un premier temps avec un vecteur AAV codant pour une protéine GFP associée à un fragment d’Htt comportant une queue polyQ de 97 répétitions (Senut, Suhr, Kaspar, & Gage, 2000). Un modèle AAV murin a ensuite été développé en injectant dans le striatum un virus codant pour un fragment d’Htt avec une queue polyQ de 100 répétitions (DiFiglia, et al., 2007). Ce modèle présente certaines caractéristiques anatomopathologiques de la MH comme les agrégats et certains traits comportementaux typiques comme le clasping. Plus récemment, un nouveau modèle murin a été généré par injection striatale d’un AAV codant l’Htt N171-82Q et de sérotype DJ (Jang, Lee, & Cho, 2018). Ce modèle affiche un certain nombre de dysfonctions moteurs très rapidement après l’injection et des caractéristiques neurodégénératives comme une activation microgliale et astrocytaire.

Les vecteurs AAV ont une capacité de clonage maximale de 6 kb. L’AVV n’est en revanche pas intégratif ce qui en fait un outil de transfert de gène plus sûr notamment en clinique. Les vecteurs AAV ont une plus large capacité de diffusion comparée aux LVs. Selon le sérotype utilisé, l’efficacité de transduction et donc la diffusion du virus peut s’avérer grandement améliorer (Davidson, et al., 2000). Cette grande capacité de diffusion en fait un modèle de choix pour des études fonctionnelles.

1.5.1.2 Les modèles génétiques de la MH

Plusieurs modèles génétiques ont été créés selon différents critères génétiques : l’expression de l’Htt complète ou d’une portion uniquement, l’expression du gène soit par un transgène soit par une intégration du gène dans le locus endogène, l’expression de l’Htt humaine ou de l’Htt endogène. La construction génétique peut aussi différer au niveau de la séquence génétique (séquence génomique ou ADNc, ou encore par le promoteur utilisé (promoteur de l’Htt ou un autre promoteur) (Figure 14).

37 Figure 14. Construction génétique des différents modèles de la MH. Les modèles animaux diffèrent

selon certains critères de conception génétique dont l’utilisation de l’HTT entière ou tronquée, l’expression du gène soit par un transgène soit le gène a été inséré dans le locus endogène, l’expression de l’HTT humaine ou de l’Htt endogène, l’utilisation d’une séquence d’ADN génomique ou d’ADNc, le promoteur de l’Htt ou un autre promoteur (Pouladi, Morton, & Hayden, 2013).

Trois grandes catégories de modèles génétiques murins se distinguent selon ces différents critères génétiques (Tableau 1) :

- Les animaux transgéniques qui portent un fragment 5’ du gène HTT humain - Les animaux transgéniques qui portent la séquence complète du gène de l’Htt

- Les animaux knock-in (KI) où la mutation est directement insérée dans le gène de l’Htt murin au niveau du locus génomique

38 Les animaux transgéniques portant un fragment 5’ du gène de HTT humain ont été parmi les premiers modèles murins de la MH générés avec les lignées R6/1 et R6/2 qui possèdent 116 et 144 répétitions de CAG respectivement (Mangiarini, et al., 1996). Ces lignées développent très rapidement les symptômes moteurs et cognitifs de la MH. En plus des lignées R6, la lignée N171-82Q est une autre lignée qui exprime aussi une forme tronquée de l’HTT humaine (Schilling, et al., 1999). Cette lignée a la particularité d’exprimer 171 aminoacides de l’HTT humaine avec 82 répétitions de CAG sous la régulation du promoteur prion murin ce qui limite l’expression du transgène au cerveau de la souris. Ces souris ont été créées par injection du matériel génétique dans le noyau d’un ovocyte fertile quand le matériel génétique provenant de l’ovocyte et celui provenant du sperme sont séparés, c’est-à-dire pendant la prophase. De ce fait, une copie du transgène a été intégrée de manière aléatoire dans le génome murin.

Bien que ces souris ne modélisent pas parfaitement la génétique et l’anatomopathologie la MH, la lignée R6/2 notamment est très utilisée en recherche préclinique car la lignée est très bien caractérisée et l’efficacité d’un traitement peut être évaluée selon la survie des animaux (Li, Popovic, & Brundin, 2005; Gil & Rego, 2009). A titre d’exemple, la recherche des termes « R6/2 » et « mice » dans Pubmed propose 625 résultats. En revanche, ce modèle est dit très agressif car la dégénérescence striatale et les symptômes de la maladie apparaissent très tôt (Tableau 2Tableau 3 et 4). De plus, les souris décèdent précocement, aux alentours des 10-13 semaines, la fenêtre d’étude est donc très restreinte (Tableau 4).

Pour les modèles qui expriment la forme complète de l’HTT humaine, le transgène est porté soit par un chromosome artificiel de levure (YAC, yeast artificial chromosome) (Hodgson, et al., 1999) soit par un chromosome artificiel bactérien (BAC, bacterial artificial chromosome) (Gray, et al., 2008). Parmi les souris YAC, la souris YAC 128 a été très étudiée. Dans la lignée BACHD, l’exon 1 du gène humain a été remplacé par un exon contenant 97 répétitions d’un mélange de répétitions de CAG/CAA conférant une stabilité germinale. De plus, un site LoxP a été ajouté dans la région 5’ non transcrite et un autre site dans l’intro 1 du gène. En conséquence, une inactivation conditionnelle de l’Httm est possible (Soylu-Kucharz, Baldo, & Petersén, 2016; Molero, et al., 2016; Estrada-Sánchez, et al., 2015; Baldo, Cheong, & Petersén, 2014). Ces modèles développent beaucoup moins rapidement les symptômes caractéristiques comparés aux modèles transgéniques possédant seulement un fragment et la durée de vie des souris est quasiment normale. De plus, ils ne récapitulent pas l’ensemble des caractéristiques anatomo-pathologiques. La plupart de ces modèles ne présentent pas ou très peu de perte neuronale ce qui rend difficile l’évaluation de possibles traitements. En revanche, ces modèles sont adaptés pour tester les thérapies expérimentales ciblant directement le gène HTT humain, l’ARNm ou sa protéine.

39 Les modèles knock-in (KI) sont générés par des techniques de recombinaison homologue sur des cellules souches embryonnaires murines qui permettent d’insérer directement un nombre spécifique de CAG dans le gène Htt murin. Ces modèles KI sont plus proches génétiquement des patients. Un certain nombre de modèles KI murins ont été créés (pour revue, (Menalled L. , 2005)) parmi eux la lignée CAG 140 et la lignée zQ175 qui dérive de la lignée CAG 140 par expansion spontanée (Menalled, Sison, Dragatsis, Zeitlin, & Chesselet, 2003; Menalled, et al., 2012). De manière globale, les lignées KI présentent un phénotype neurodégénératif très progressif et les caractéristiques anatomopathologiques sont retrouvées à des stades plus tardifs que les lignées transgéniques. Ces lignées connaissent également le phénomène d’instabilité gamétique qui concoure à la modification du phénotype.

Tableau 1. Construction génétique des modèles murins de la MH classiquement utilisés Modèle Produit du transgène Promoteur Répétitions

de CAG Références Souris transgéniques possédant un fragment du gène de l’HTT humaine

R6/1 Fragment N-terminal de l’HTT humaine de 67 AA Promoteur humain de l’HTT (1 kb) 116 (Mangiarini, et al., 1996) R6/2 Fragment N-terminal de l’HTT humaine de 67 AA Promoteur humain de l’HTT (1 kb) 144 (Mangiarini, et al., 1996) N171- 82Q Fragment N-terminal de l’HTT humaine (ADNc) de 171 AA

Promoteur prion murin 82 (Schilling, et al.,

1999)

Souris transgéniques possédant la séquence complète du gène de l’HTT humaine YAC128

HTT humaine complète Promoteur humain de

l’HTT + éléments de régulation

128 (Slow, et al.,

2003)

BACHD

HTT humaine complète Promoteur humain de

l’HTT + éléments de régulation 97 (Gray, et al., 2008) Souris knock-in CAG 140 (KI140)

Produit chimérique de l’exon 1 de l’HTT humaine et de l’Htt murin Promoteur murin endogène de l’Htt 140 (Menalled, Sison, Dragatsis, Zeitlin, & Chesselet, 2003) zQ175

Produit chimérique de l’exon 1 de l’HTT humaine et de l’Htt murin Promoteur murin endogène de l’Htt 175 puis stabilisation à 188 (Menalled, et al., 2012) AA : aminoacide ; Htt : huntingtine

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